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Massacres en Côte d’Ivoire : Vous avez dit enquêtes ?

Publié le jeudi 15 avril 2004 à 10h03min

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S’il était possible de reprendre certains actes de l’Histoire, la
Côte d’Ivoire se serait engagée sur les chemins du
politiquement correct, sans coup férir. Hélas, les faits sont là,
implacables et irréversibles. Ivoirité, xénophobie, escadrons de
la mort, charniers... Et le spectre de l’instabilité continue de
hanter le pays.

Les violences du 25 mars dernier montrent fort
bien que la Côte d’Ivoire, très enviée il y a quelques années,
n’est pas prête de sortir de sa zone de turbulence. 37 morts
selon le pouvoir, 400 à 500 selon les partis de l’opposition.

Dans tous les cas, il y a eu des pertes en vie humaine par la
faute de politiciens zélés et peu soucieux de l’intérêt supérieur
de la Côte d’Ivoire. Après les fusillades, on a compté les morts
et voici venue l’heure des enquêtes réclamées à cor et à cri par
toutes les parties. Dans cette optique, des experts de l’ONU
viennent de déposer leurs valises sur les champs de la
cacophonie ivoirienne, dans l’espoir de frayer les chemins
conduisant à la vérité.

Mais, à la vérité, tous ces hommes et
femmes qui s’égosillent, auraient pu oeuvrer, dans une
dynamique collective, à éviter le pire. Mais on a préféré
s’engager dans une recherche effrénée d’intérêts obscènes.
Conséquence : la Côte d’Ivoire, "pays de paix", a pataugé de
façon dramatique dans les eaux troubles des calculs politiciens.

Et voici qu’aujourd’hui, on veut recoller les morceaux à l’image
d’un pompier qui arrive après l’incendie. Cela n’est pas mauvais
en soi, à condition que les enquêtes puissent se dérouler
correctement et que les coupables du jeudi noir du 25 mars
soient punis conformément aux lois en vigueur.

Mais y parviendra-t-on ? C’est une équation complexe à laquelle
personne ne peut apporter une réponse concrète à l’heure
actuelle, tellement l’histoire récente de la Côte d’Ivoire est faite
d’équations à multiples inconnues et à géométrie variable.

Certes, il y aura un rapport d’enquête mais on se demande bien
si le droit sera ensuite dit en toute indépendance et si cela aura
un effet de bienfaisance sur le régime Gbagbo. Car il ne sert à
rien de mener une enquête si celle-ci n’est pas pourvue
d’objectifs pédagogiques. En clair, il faut savoir tirer leçons des
bêtises d’aujourd’hui afin de bâtir l’avenir avec une intelligence
constructive, donc au service du bien public.

Mais Gbagbo et ses
prétendus "jeunes patriotes" l’entendront-ils de cette oreille ?
Rien n’est moins sûr. En tous cas, les différents épisodes de
l’actualité ivoirienne ces dernières années, ne permettent pas
d’afficher un optimisme. Le président ivoirien et ses sbires
fabriqués de toutes pièces, ne se laisseront pas entraîner dans
le rouleau compresseur de l’ONU.

Fort probablement, ils
useront de stratégies pour empêcher les enquêteurs de faire
objectivement leur travail. Pour éviter que l’opacité ne soit
excessive, les partis d’opposition doivent être représentés dans
la commission d’enquête.

De toutes façons, l’ONU joue sa
crédibilité. Si elle échoue, elle aura confirmé une fois de plus, la
léthargie et le désintérêt qui semblent l’animer quand il s’agit de
mettre de l’ordre dans les pays africains en crise.

Pourtant,
ailleurs, dans le concert des nations dites puissantes, elle fait
preuve d’aptitude dans la prévention et la gestion des conflits.
L’Afrique semble être ainsi un continent de seconde zone. En
vérité, si l’on n’avait voulu vraiment mettre un terme à la crise
ivoirienne, on l’aurait fait depuis longtemps.

Mais au moment où
l’on n’avait plus besoin de la communauté internationale (en fait,
les puissances occidentales), elle s’est illustrée par un silence
coupable. Les rares fois où elle s’est résolue à donner de la
voix, c’était pour défendre de façon stratégique ses intérêts.

Même l’arrivée des casques bleus en Côte d’Ivoire s’est faite
après que le mal a été consommé. Ce sont ces mêmes
bizarreries qui ont contribué au génocide rwandais. Les
exemples sont légion sur le continent ; comme si l’Afrique,
berceau de l’humanité, était la mal- aimée d’un monde où la
justice évolue à double vitesse. Vous avez dit enquêtes sur les
meurtres du 25 mars en Côte d’Ivoire ?

D’accord, mais il y a de la
mauvaise foi quelque part. "L’erreur est humaine", dit-on, "mais
persévérer dans l’erreur est diabolique". Et Gbagbo a toujours
persévéré (cf. les charniers du Yopougon). Il convient donc de
jeter un regard-diagnostic dans les annales de notre Histoire
pour que nos bêtises d’hier ne se répètent pas demain. C’est
une question d’éthique et de bonne foi.

Le Pays

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