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Grève en Guinée : Même acculé, Conté refuse de cracher au bassinet

Publié le jeudi 18 janvier 2007 à 07h59min

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Lansana Conté est un chef d’Etat africain qui démarre l’année 2007 sur de très mauvais auspices. Il ne peut en être autrement avec cet embêtant cadeau de nouvel an, une grève générale illimitée, que les syndicats guinéens lui ont refourgué, en déposant un préavis de grève dès le 2 janvier.

Ainsi, depuis le 10 janvier, la Guinée-Conakry vit au ralenti, et nul ne saurait dire jusqu’à quand ni quelle sera l’issue de ce nouveau débrayage.

En entamant cette fronde, la société civile entend aller en guerre contre « le vol des deniers publics, la corruption, la violence politique, la délinquance économique et l’arrogance d’un pouvoir usurpé et usé par les outrages du temps », mais également contre la vie chère.

Et c’est le chef de l’Etat qui a lui-même mis le feu aux poudres en allant libérer le 16 décembre dernier de la prison son ami d’homme d’affaires El Hadj Mamadou Sylla, PDG de Futurelec, et Fodé Soumah, ancien ministre et ancien gouverneur de la Banque centrale de Guinée. Les deux croupissaient dans les geôles pour une affaire de détournement de deniers publics.

Si on en vient à condamner un ami du président de la République et un ancien ministre en Guinée actuelle, où la bonne gouvernance n’est pas la chose la mieux partagée, c’est que ces deux lascars se sont remplis les poches plus que de besoin au vu et au su de tout le monde, ce qui signifie que ne pas tenter de les raisonner en les jetant pour quelque temps en prison serait synonyme de négation de la notion d’Etat dans ce pays.

Depuis, les différentes couches socioprofessionnelles s’insurgent contre cette immixtion du politique dans la sphère judiciaire. C’est donc en voulant sauver un ami que Conté s’est mis à dos tout le pays.

Et à dire vrai, cette grève n’est pas près de s’estomper malgré les tracasseries, les intimidations, les achats de conscience et les autres violences policières sur les manifestants.

Quant aux tractations entre syndicats et gouvernement, il n’est pas évident que pour l’heure, elles aboutissent à une résolution de la crise. Surtout que d’autres revendications d’ordre politique sont venues se greffer à la plate-forme des syndicats.

Face à l’ampleur du mouvement, le grabataire homme d’Etat guinéen a fini par céder et ce, de manière on ne plus folklorique, sur certains points à ses vis-à-vis.

Ainsi, dans le message présidentiel, mardi dernier, lu par Aboubacar Somparé, le président de l’Assemblée nationale, Lansana Conté cède sur sept points de revendications dont la réduction du prix des produits pétroliers ; l’arrêt immédiat des exportations des denrées alimentaires, les produits halieutiques et forestiers ; la domiciliation en Guinée des avoirs en devises des sociétés minières et des promoteurs économiques ; la signature des textes d’application du statut particulier de l’éducation ; l’accélération de la migration des contractuels enseignants au fichier général de l’administration ; l’arrêt des tracasseries policières à l’endroit des transporteurs ; la promotion et l’emploi des jeunes diplômés.

Seulement, nulle part, il n’est question de sujets majeurs objet du ras-le-bol des syndicats comme le renvoi de Sylla et de Fodé en prison, la formation d’un gouvernement de large ouverture, le relèvement des salaires, la lutte contre la corruption et l’avènement d’une démocratie véritable en Guinée, etc.

Pour une fois, les syndicats et la société civile de ce pays tiennent le bon bout au point d’acculer Conté dans ses derniers retranchements afin qu’il cesse de s’amuser avec l’avenir du pays. C’est pour cela que leurs responsables doivent savoir bien négocier et capitaliser cette lutte de sorte à arracher des acquis déterminants pour le peuple.

S’ils baissent tout de suite la garde, il leur sera très difficile de réussir prochainement un tel coup, une telle mobilisation. Les syndicats vont-ils rester intraitables jusqu’au bout ou plieront-ils l’échine de si tôt ? Difficile de le prédire pour l’heure.

Mais une chose est sûre, ce malheureux feuilleton, cette funeste télé réalité qui se joue à Conakry illustre parfaitement comment certains dirigeants africains sont accrochés au pouvoir et tiennent à l’exercer vaille que vaille. Ailleurs, le président Conté aurait rendu sa démission depuis longtemps et cela, au nom des intérêts supérieurs de la Guinée.

Mais, a-t-il seulement un brin de cette vertu qu’est l’humilité et le sens de l’intérêt supérieur de la nation, pour accepter de se remettre en cause, de faire le bilan de ses 22 ans de gestion chaotique du pouvoir et accepter de se mettre de côté pour que d’autres compatriotes continuent le combat ? Conté a suffisamment démontré qu’on ne peut pas attendre de lui un tel sursaut.

On a souvent tourné le regard vers la grande muette en espérant que le salut viendrait de là. Mais rien ne peut venir de ce côté, car, malgré sa maladie, le général maîtrise encore son armée.

En attendant donc, c’est la Guinée qui trinque et la grève va se poursuivre de plus belle puisque les syndicats persistent et signent : « Tant que le Président de la République n’aura pas répondu favorablement à nos propositions, le mot d’ordre de grève ne sera pas levé ».

En disant qu’il est lui aussi en grève parce qu’en tant que président il est un fonctionnaire de l’Etat, Lansana Conté apporte de l’eau au moulin des frondeurs pour qui, il importe que suite à son exemple, tout le pays suive le mot d’ordre de grève. Ce bras de fer entre syndicats et autorités apportera-t-il quelque chose de positif à ce grand pays ? Rien n’est sûr.

Mais ce qui ne souffre pas l’ombre d’un doute, c’est qu’avec l’endémique maladie de Conté, la Guinée aussi est malade, même très malade. Et peut-être que l’éclaircie viendra d’où on l’attend le moins et l’intérêt supérieur de la nation serait sauf.

San Evariste Barro

Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 19 janvier 2007 à 09:55, par Docteur Fodé KABA En réponse à : > Grève en Guinée : Même acculé, Conté refuse de cracher au bassinet

    Bonjour Monsieur BARRO,

    Je vous prie, par la présente, de reçevoir et accepter mes sincères félicitations pour la qualité, la clarté, la démarche syntaxique, et l’objectivité de votre article ; mais surtout, pour le niveau de la mesure avec laquelle vous avez abordé, traité et conclu cet article.

    Pour une fois, contrairement à mon habitude, j’ai réussi à lire un article dans sa totalité ; surtout qu’on y note ni faute de formulation, encore moins d’orthographe.

    De cette manière, je suis convaicu que êtes du genre qui nous convient au mieux, mais qui est malheureusement difficile à rencontrer de nos jours.

    Courage et merci

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