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Filière lait : Sur la route de la modernité

Publié le jeudi 18 janvier 2007 à 07h50min

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La filière lait est, sans doute, l’une des filières burkinabè ayant connu un essor particulier ces dix dernières années. La production traditionnelle de lait fait place à une autre forme plus moderne, plus concurrente.

Autrefois symbolisée par une femme peulh portant sur sa tête une calebasse, la production et la commercialisation du lait frais de vache local a de plus en plus une autre image. C’est une image plus moderne, plus concurrente. Reconditionné dans des sachets ou dans des pots et vendu dans les différentes alimentations de la place, le lait local est mieux présenté et plus rassurant. On dénombre à ce jour, plus de 73 marques de lait burkinabè : lait de Koubri, lait du Gulmu, Bahadio Kossam, Fromac, Déogracias, Faso Kossam, etc, sont entre autres, les marques les plus en vue en ce moment. Elles proviennent des fermes laitières. Principalement situées autour des différentes villes du pays.

On estime à environ 125, le nombre de fermes laitières autour de Ouagadougou sur un rayon de 50 km.
Elles produisent en moyenne, 3150 litres par jour. Sur cette production journalière, seulement 1200 litres sont pasteurisés et commercialisés, le reste étant destiné à l’auto-consommation.
Autour de Bobo Dioulasso, deuxième ville importante du pays, on dénombre plus de 80 fermes laitières, environ douze transformateurs dont cinq utilisant le lait frais de vache local.

Sur les 2000 litres que constitue leur production quotidienne, seul le tiers est commercialisé.
Cette percée du lait local a commencé il y a 6 à 7 ans selon le directeur du Projet d’appui aux filières agro-alimentaires (PAF). Elle s’explique non seulement par un engagement nouveau de l’Etat et des partenaires mais aussi par un intérêt manifeste des opérateurs économiques pour le secteur. L’engagement de l’Etat s’est traduit par la mise en œuvre de projets pour promouvoir la filière et la création de laiteries.

Parmi ses initiatives heureuses, figure le Projet de développement des ressources animales dans le Gourma.
La laiterie de Fada, couronnement de ce projet, produit entre 900 à 1000 litres de lait par jour. Depuis sa création, elle a permis d’améliorer de façon considérable, les conditions de vie des populations de la zone, en particulier celles de femmes d’éleveurs, en majorité d’ethnie peulhe. Barry Salimata, la quarantaine bien sonnée, sourire aux lèvres, affirme que la laiterie a apporté un grand changement positif dans sa vie. Chaque jour, elle vient livrer en moyenne, 5 litres de lait à la laiterie de Fada.

Toute chose qui lui procure un revenu mensuel d’environ 35 000 F CFA.
On ne peut également parler de la filière lait au Burkina Faso sans évoquer le Projet d’appui aux filières agro-alimentaires créé en 1999 par le Burkina en partenariat avec la coopération canadienne de développement . Ce projet, d’un coût de 2,5 milliards de F CFA, a pour mission de promouvoir quatre filières dont la filière lait. Après 6 ans d’activités, les résultats s’avèrent très concluants. Et son directeur, Jean Baptiste Zoma, ne cache pas sa satisfaction : “Nous avons travaillé à faire en sorte que les acteurs adoptent un comportement compatible avec l’environnement économique des affaires”, a-t-il souligné.

Pour aboutir à ces résultats, l’effort a surtout porté sur trois aspects que sont l’organisation des acteurs, l’augmentation de la production et l’amélioration de la commercialisation. L’effort d’organisation de la filière a abouti à la mise en place de “table filière”, regroupant producteurs, transformateurs, commerçants des deux pôles laitiers que sont Ouagadougou et Bobo-Dioulasso.

Pour augmenter la production, des acteurs ont expérimenté la technique d’insémination artificielle ou de croisement. Même si les résultats restent parfois mitigés par endroits, cette technique a permis à quelques-uns d’améliorer de façon sensible, la quantité de lait produit par les vaches. Certes, il serait illusoire de prétendre amener les vaches locales à produire 30 litres de lait par jour comme les vaches hollandaises, mais tous les acteurs s’accordent à dire que la technique d’insémination artificielle est incontournable si le Burkina veut vraiment combler son déficit de produits laitiers.

Dans cet objectif, le PAF intervient, selon Jean Baptiste Zoma, “pour bonifier l’activité d’insémination artificielle, en supportant une partie des frais d’achat d’insémination afin d’intéresser les acteurs et les inciter à tenter l’expérience”. Ainsi depuis 2001, un club d’insémination a été installé à Ouagadougou ainsi qu’à Bobo-Dioulasso.
Ces deux clubs ont permis à ce jour, d’avoir plus de 150 vaches métissées, capables de produire en moyenne, 15 litres de lait par jour.

Les importations tuent la filière

Malgré le progrès considérable constaté, ces dernières années, la production laitière nationale reste quand même insignifiante pour combler le déficit. Le pays importe pour environ onze milliards de F CFA de lait en poudre par an. Malheureusement, dans le but de favoriser et encourager la consommation des produits laitiers du fait de leur valeur nutritive considérable aussi bien pour le nourrisson que pour les adultes, l’Etat a favorisé leur importation à des taux de taxation bas.

De ce fait, le lait en poudre, lorsqu’il est reconstitué en liquide, revient à moins de 200 F CFA, le litre. Et donc nettement moins cher que le lait national qui se vent entre 250 et 300 F CFA, le litre.
Dans un contexte de paupérisation généralisée, le choix est vite fait.

Et de plus en plus, les opérateurs préfèrent pour plus de profit, reconvertir ce lait en poudre d’importation en yaourt. C’est d’ailleurs ce qui explique en partie, la multitude de marques observée sur le marché. Des grandes marques connues telle que le lait de Koubri utilisant le lait en poudre importé, arrivent même à ravir la vedette au lait produit localement. Plusieurs laiteries, ayant fait pourtant la fierté du pays, traversent des moments très difficiles.

Certaines même sont pour le moment, fermées. Faso Kossam, la marque leader de Bobo-Dioulasso, qui était pourtant une laiterie nationale (étatique) est fermée depuis près de deux mois. La privatisation de sa gestion en 2005 (confiée à un groupe de producteurs de lait) n’a pu aboutir à meilleur résultat.

La laiterie de Cissin, également une laiterie de l’Etat et dont la création a mobilisé plus de quatre vingt-dix millions de F CFA, a dû fermer aussi boutique. Son inauguration en grande pompe en 1999 a suscité à l’époque, un grand espoir pour la filière lait burkinabè.
Il est vrai que l’Etat a toujours eu une réputation de mauvais gestionnaire, mais de là à laisser les unités nationales de production laitière, fermer les unes après les autres, les promoteurs ne se l’expliquent pas. Certains y voient une mauvaise foi de la part de l’Etat.

Le mastodonte du lait burkinabè, Rasmané Bahadio à Kaya pense que le gouvernement doit montrer plus d’engagement, en acceptant surtout, de financer les opérateurs qui prospectent dans le secteur. Il faut également que, de son avis, l’importation du lait en poudre soit révisée à la baisse. “Nous risquons tous de mettre la clé sous le paillasson si cela continue”, clame-t-il. “Vu surtout que le coût de l’essence a grimpé depuis des années occasionnant une augmentation du coût de l’électricité”, a-t-il conclu.

Fatouma Sophie OUATTARA


Bahadio, le lait de la réussite

On ne pouvait évoquer le lait au Burkina Faso, sans penser à Rasmané Bahadio. Ce brave commerçant de pièces détachées qui, à la suite d’une faillite, est obligé de revenir au métier auquel la vie le prédestinait (il est d’éthnie peulh) , c’est-à-dire éleveur. D’ailleurs, son quartier, le secteur n°4 de Kaya, est un quartier d’éleveurs. Là-bas, tout le monde, hommes comme femmes, s’adonne à cœur joie à cette activité. C’est en 1997, que Rasmané Bahadio eut l’idée de créer une laiterie.

Il avait vu juste, car toutes les conditions étaient réunies pour avoir le lait à tout moment. Mais c’est véritablement en 2001 que les activités de Rasmané Bahadio prirent de l’envol, avec la construction d’une laiterie digne de ce nom. Et malgré ses équipements assez modestes, l’homme produit en moyenne 1000 litres par jour. Et le directeur du Projet d’appui aux filières agro-alimentaires, Jean-Baptiste Zoma, n’hésite pas à le classer au premier rang des producteurs de lait local.

Aujourd’hui, Kossam Bahadio, demeure la marque la plus populaire dans la capitale et même dans les villes environnantes telles que Ziniaré, Korssimoro, Kongoussi, Koupèla, Ouahigouya et Tenkodogo.
Chaque jour, ses véhicules parcourent les axes du pays à destination des villes.

Six employés (trois le matin et trois le soir) permettent à la laiterie de fonctionner 24h/24. Avec un chiffre d’affaires d’environ 600 000 F/j, Rasmané Bahadio a de quoi être satisfait. Pourtant, des difficultés ne manquent pas. Outre celles rencontrées dans la distribution, la défaillance de la chaîne de froid occasionne des pertes d’environ 100 000 F CFA par semaine, sans compter le coût de l’électricité (environ 350 000 F/mois) diminuent considérablement les bénéfices.

Qu’à cela ne tienne, le cas de Bahadio est une gifle donnée à l’Etat burkinabè. Malgré son statu d’analphabète qui est sans doute un handicap sérieux et ses moyens très limités, il arrive à produire autant sinon mieux que la plus grande laiterie du pays en termes d’équipement, à savoir celle de Fada N’Gourma, construit par l’Etat à coût de millions.

F.S.O

Sidwaya

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