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La peine de mort au Burkina Faso : Entre efficacité et volonté politique

Publié le jeudi 11 janvier 2007 à 00h00min

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Peine maximale ou peine capitale ou encore peine de mort, c’est le plus sévère des châtiments prononcés par la Chambre criminel de la Cour d’appel. La disposition contenue dans le code pénal, le Burkina Faso l’a héritée du droit romain et français. Cependant, cette loi du Talion pose un problème de principe en ce XXIe siècle où la question des droits de l’homme est sur toutes les lèvres.

Assassinat, complicité d’assassinat, espionnage, empoisonnement, parricide, crime de trahison... Ce sont là des fautes passibles de peine capitale mentionnées dans le code pénal. Toute personne qui commet l’un de ces crimes est condamnée de mort et doit être exécutée par fusillade. Cependant, « la condamnation n’est pas immédiatement exécutoire. Le condamné a un délai de cinq jours francs pour former un pourvoi en cassation. La loi a prévu également que le condamné puisse demander la grâce présidentielle jusqu’à trois reprises. Mais une fois toutes les voies de recours épuisées, le condamné doit être exécuté », a expliqué M. Ouali Dama, substitut du procureur général au moment où nous réalisions l’entretien en 2006 et actuellement conseiller à la Cour de cassation. On a encore en mémoire l’affaire Saul Traoré, condamné à la peine maximale en 2005 qui relance le débat sur le bien-fondé de la peine de mort. La société doit-elle châtier pour se venger ou sévir pour s’améliorer ? D’aucuns diront qu’il est du devoir de la société de se prémunir des personnes qui ont violé leurs valeurs cardinales et qui pourraient récidiver. En effet, tout le monde est unanime que le grand banditisme est recrudescent au pays des Hommes intègres. Les attaques à mains armées, les vols, les viols, les assassinats sont devenus le quotidien des Burkinabè.
N’est-ce pas cet état de fait qui justifie quelque part le recours par les autorités à la peine maximale ? Selon M. Ouali, la criminalité est très développée au Burkina Faso et les moyens manquent pour la combattre. « Il faut alors que les peines soient suffisamment dissuasives pour décourager les gens à commettre les crimes graves passibles de la peine de mort », a-t-il indiqué. M. Ouédraogo Jean Gustave, cadre dans une institution bancaire de la place soutient cette idée. Mieux, il estime que si la criminalité est toujours grandissante au Burkina, c’est parce que la peine de mort n’est pas appliquée dans toute sa rigueur. « On ne doit pas gracier quelqu’un qui s’est moqué du droit de vie de son prochain », a martelé M. Ouédraogo.

« La peine de mort n’est pas dissuasive »

C’est du moins ce qu’affirme maître Prospère Farama. Comme lui, ils sont nombreux les Burkinabè qui sont contre la peine maximale. La raison première avancée est que, nul n’a le droit d’ôter la vie pour quelque raison que ce soit. Mlle Aïchou Zongo est titulaire d’une maîtrise en droit. Selon elle, il est erroné de penser que la peine capitale est dissuasive pour les meurtriers. « Si vous pensez changer des meurtriers en gentils cambrioleurs avec la peine de mort, alors vous vous plantez », a-t-elle laissé entendre. Le substitut du procureur général reconnaîtra d’ailleurs que ce n’est pas parce que la peine de mort plane sur la tête des gens qu’ils ne vont pas commettre des crimes graves. En effet, aucune étude scientifique n’a jamais apporté la preuve que la peine maximale a un effet plus dissuasif que les autres peines en matière de criminalité.
Une enquête menée par les Nations unies en 2002 a révélé qu’ »il n’est pas prudent d’accréditer l’hypothèse selon laquelle la peine capitale aurait un effet légèrement plus dissuasif en matière de criminalité que la réclusion à perpétuité ».
M. Farama, pour sa part, estime qu’il n’est pas normal que des hommes jugent d’autres hommes en leur appliquant la mort. « La peine capitale est un gâchis humain. Si le but de la justice c’est de permettre à une personne de se repentir et de se corriger, alors la peine de mort n’a pas sa raison d’être », a-t-il ajouté. Sans prétendre justifier l’acte des meurtriers, cet avocat soutient qu’une personne devient délinquante parce que la société n’a pas réussi à lui faire assimiler les règles morales. Selon lui, « la peine de mort est l’incarnation de l’échec de la société elle-même. C’est comme un parent qui n’est pas arrivé à éduquer son enfant dans le bon sens, met en lui les gènes de la délinquance et comme solution, il le liquide ». Dans la même veine, maître Halidou Ouédraogo, président du MBDHP dira que même l’Etat n’a pas le droit d’appliquer la peine de mort. Parce qu’à son avis, c’est comme s’il assassinait de sang froid, de façon calculée et programmée un citoyen.

Une volonté politique

Depuis 1994, le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples MBDHP, selon son président, est allé en « guerre » contre la peine de mort au Burkina. A l’époque, un groupe de parlementaires, sous la direction de M. Benon T. Pascal avait fait une proposition de loi pour abolir la peine capitale. Mais le code pénal en vigueur, révisé en 1999, comporte toujours cette disposition. Une disposition jugée « anticonstitutionnelle » par M. Ouédraogo vu que le Burkina a ratifié le pacte sur le droit civil et politique ainsi que son protocole additionnel.
Cependant, si la peine de mort figure encore dans le code pénal, on notera en revanche que les condamnations et surtout les exécutions sont rares. A défaut de statistiques de 1999 à nos jours, on retiendra néanmoins qu’en 2005, la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou a prononcé deux condamnations à la peine maximale. La dernière exécution, quant à elle, date de 1977.Une lenteur qui trouve son explication, selon Me Farama dans « l’hypocrisie » de la société et de la justice. « On condamne à mort pour faire plaisir à l’opinion. Sinon, aucun Etat ne veut être pointé par les organisations de défense des droits de l’homme. C’est de l’hypocrisie. Ou on estime que la peine de mort est efficace et on l’applique dans toute sa rigueur pour avoir des résultats, ou on accepte qu’elle ne résout pas le problème de la criminalité et on la supprime », a martelé Prospère Farama.Le président du MBDHP en appelle alors aux autorités pour qu’elles « revoient leur copie », car dit-il, « si nous avons des lois c’est pour policer la vie en société. Nous ne devons pas rester dans la logique de la loi du Talion ».

P. Pauline YAMEOGO

Faits et statistiques sur la peine de mort dans le monde

Au cours de l’année 2005, au moins 2148 prisonniers ont été exécutés dans 22 pays et territoires 5186 personnes condamnées à mort dans 53 pays et territoires. 94% des exécutions recensées ont eu lieu en Arabie Saoudite, en Chine, aux USA et en Iran. Les méthodes d’exécutions utilisées sont la décapitation, l’électrocution, la pendaison, l’injection létale, la lapidation et la fusillade.
Selon toujours les statistiques, 13 pays africains ont aboli la peine de mort pour tous les crimes ; 20 pays la maintiennent mais ne procèdent plus aux exécutions.

P. P. Y.
Sources Internet

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