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Scolarisation dans le Sahel : Enseignant cherche élèves désespérément

Publié le mercredi 10 janvier 2007 à 06h44min

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C’est peut-être incroyable, mais c’est encore une réalité dans le Sahel burkinabé, où des parents hostiles à l’école interdisent à leurs enfants d’y aller. Face à ce refus tacite, les enseignants, presqu’au chômage technique, sont obligés de faire la ronde des maisons à la recherche de leurs élèves.

C’est une honte, voyez comment les salles sont vides. Je ne vois même pas à quoi je sers ici”. Ces propos du directeur de l’école primaire de M’Bamga sonnent comme un cri de détresse ce 8 janvier 2007, jour de rentrée. Dans cette école, il y avait peu d’élèves présents ce jour-là. Mais cet état des choses n’est pas dû à la rentrée, les absences dans cette école sont récurrentes. C’est une préoccupation de longue date.

Dans le flux multigrade de CE1 et CE2, on enregistre 16 présents sur un effectif de 72 élèves. Dans la salle d’à côté, celle du CM1, il n’y a que trois élèves présents sur huit. Et le directeur de l’école, Barry Issa de constater : “on est là, on attend les élèves alors qu’il est 10 heures”.

A M’Bamga, localité située à 20 km de Dori sur la route de Ouagadougou, ce n’est pas que les enfants n’aiment pas l’école, mais c’est plutôt les parents qui leur en interdisent l’accès par des subtilités du genre : “le maître n’est pas là, le maître dort ou encore, il n’y a pas d’élèves à l’école”, etc. “Dans ce village, le maître est parfois obligé d’offrir des stylos ou d’organiser des séances d’étude les nuits chez eux, au profit des élèves pour les motiver à venir en classe”, explique M. Barry.

Région à vocation pastorale et agricole, le Sahel est une zone où l’enfant est soumis à des tâches domestiques ou à la garde des troupeaux en brousse, les parents étant partis à Dori faire le marché. Dans ces conditions, pour avoir leurs élèves en classe, les enseignants sont obligés de faire la ronde des concessions à la recherche des apprenants.

Pis, certains sont obligés encore de payer des vêtements comme contre-partie de la présence des enfants en classe. Comme dans la région de l’Est, les mentalités, semble-t-il, ne sont pas favorables à la scolarisation des enfants. En fait, les parents fondent leur réticence sur le fait qu’envoyer un enfant à l’école n’est pas rentable...immédiatement. Ils considèrent donc que c’est une perte, vu qu’à la fin du cycle, les enfants se retrouvent au village sans possibilité de poursuivre leurs études.

Pour l’inspecteur de la circonscription de Dori, Sidiki Bokoum, joint au téléphone, deux faits majeurs expliquent la réticence des parents : le souci d’avoir l’enfant à côté et l’incompatibilité entre le calendrier scolaire et les activités pastorales auxquelles sont soumis tous les enfants. Selon Sidiki Bokoum, l’abreuvage du bétail ou sa garde ne coïncide pas avec l’emploi du temps à l’école. D’où la réticence des parents.

Conséquence : en début d’année scolaire, les effectifs sont élevés mais au fur et à mesure, il y a des abandons importants. Il en conclut que ce refus influe négativement sur les taux de scolarisation dans la région. Dans le Séno, le taux de scolarisation est de 38,98 %(reparti comme suit 38,10% pour les filles et 39,89% pour les garçons) alors que la moyenne nationale est estimée à 60,7%.

Pour recruter les nouveaux élèves, il faut recourir au registre d’Etat civil à la préfecture, pour pouvoir relever les noms des enfants en âge de scolarisation, a expliqué Issa Barry, directeur de l’école de M’Bamga. “Quand on convoque les parents, ceux-ci ne viennent jamais”, poursuit-il. Lorsque nous avons voulu connaître les raisons de ce refus des parents auprès des habitants du village, c’est par un motus et bouche cousue !

Finalement, c’est guidé par le directeur de l’école que nous trouverons un interlocuteur dans le village, en l’occurrence le président de l’Association des parents d’élèves (APE), Abdoulaye Dicko.

Il reconnaît l’importance de l’école. Mais poursuit-il, c’est l’ignorance qui amène les gens à ne pas y envoyer leurs enfants. “Quand on est en brousse, on n’en comprend rien”, justifie-t-il. A la question de savoir si son enfant va à l’école, Abdoulaye Dicko répond qu’il est malade aujourd’hui (il n’est pas allé en fait) mais que son état ne nécessite pas une consultation à l’hôpital. “Les parents disent que le maître dort ou est allé à Ouagadougou. Ils nous conseillent plutôt d’aller paître les animaux en brousse. On nous dit de ne pas venir parce qu’il n’y a pas d’élèves à l’école”, explique un écolier du CM2, Amadou Dicko, 14 ans. C’est un scénario quotidien à M’Bamga, localité dominée par les éleveurs, et sans doute dans le Sahel qui se termine le plus souvent par l’abandon du chemin de l’école pour les enfants.

S.Nadoun COULIBALY

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 10 janvier 2007 à 12:22, par Aemed En réponse à : > Scolarisation dans le Sahel : Enseignant cherche élèves désespérément

    Chers amis ne devrait-on pas faire comme dans de nombreux pays faire que l’éducation des enfants jusqu’à un certain âge soit obligatoire, pour cela il va falloir que nos états aient vraiment une envie de promouvoir la culture et que les parents soient tenus responsables quand un enfant ne va pas en classe. Par exemple en Espagne où je vis, les parents sont obligés d’envoyer leurs gosses à l’école de peur de se voir infligés des peines en cas de refus. Ce problème que connait le Sahel Burkinabé existe bel et bien ici, avec la population Gitanes, préférant que leurs enfants soient à coté d’eux pour les aider dans les taches domestiques pour l’intérêt de la famille entière. L’Etat espagnol a donc pris des dispositions pour éviter cet absentéisme sur base de dénonciation des maitres et des services d’assistance sociale. Aujourd’hui nous constatons que les choses vont mieux. On me dira surement qu’il faudra que les parents aient des moyens financiers pour envoyer leurs enfants à l’école, pour cela j’ai souligné la part de responsabilité que devait avoir nos états. Si nous faisions un pas en arrière, nous constatons que cette procédure a existé avant les indépendances.
    Un salut cordial.

    • Le 10 janvier 2007 à 15:57 En réponse à : > Scolarisation dans le Sahel : Enseignant cherche élèves désespérément

      Bonjour ! Je crois que mon ami Ahmed a partiellement raison. Il y va de la responsabilité de l’Etat. D’ailleurs l’Etat déjà joue un grand rôle. J’avais la même opinion que toi. Je me demandais pourquoi l’école n’est pas obligatoire au Burkina Faso. En fait le déterminant essentiel ici, c’est pas l’obligation. D’ailleurs la force n’a jamais permi de résoudre un problème. LEs enseignants qui sont les représentants de l’Etat font déjà leur effort.. et puis à combien sont ils payés ? Le problème est plus économique.. ils vont pas à l’école parce que les parents usent d’une certaine subtilité. En plus c’est un problème de sensibilisation car ils ne voient pas la rentabilité immédiate de l’enfant... ils font les enfants parce qu’ils souhaitent être aidé pour garder le troupeau et autre.... Si vous obligez, vous prennez l’engagement de trouver une solution paléative pour les parents. Et çà, je crois que le Burkina n’a pas encore ces moyens.. Il faut plus un engagement volontaire des parents. Et là, ca peut marcher. Croyez vous quà Bobo ou ouaga, les gens font comme dans le Sahel ? je crois que non

      • Le 11 janvier 2007 à 00:06, par NOAGAPREMEIR En réponse à : > Scolarisation dans le Sahel : Enseignant cherche élèves désespérément

        Bonjour !
        je suis bien d’accord avec vous mais j’aimerai insister sur la responsabilite de l’etat.En lisant la reponse du president des parents d’eleves j’ai ete retenu par sa juxtification sur l’absence des eleves, et je crois qu’un enseignant de mogtedo avait souligne le meme probleme qui est celui de l’emploi du temps.Pourquoi ne peut on pas fixe des periodes de cours differents dnas les regions du pays ou besoin est pour eviter ce fleau qui retarde notre pays ?module un emploi de temps pour augmenter un taux de scolarisation c’est ce que beacoup de pays ont fait pour reussir le pari de l’education pour tous.Il est grand temps que nous y pensont si nous voulons un veritable changement.je crois aussi au fait que la sensibilation et la mobilisation des parents viendront si d’une maniere ou une autre ils pouvaient franchement voir et s’acquerir des merveilles de l’ecole et des technolgies nouvelles.Ce qui passerait par des choses aussi simple que la tele, la radio, les telephones portables, ordinateurs et autres ;qui sont des choses qui pourraient motive bon nombre car c’est des merveilles pour eux et ils changeront leurs mentalites vis a vis de l’ecole.ils voudront que leurs enfants soient comme ceux qu’ils y voient ou entendre leur voix a la radio.Cela parait banal mais je vous assure qu’une tele dans certains villages a fait desmerveilles !
        MERCI.

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