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Ligue pour la défense de la liberté de la presse : « Des menaces sur la presse »

Publié le mardi 9 janvier 2007 à 07h48min

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A travers cette déclaration, la Ligue pour la défense de la liberté de la presse (LDLP) attire l’attention de l’opinion publique sur les menaces qui pèsent sur la presse. Elle s’appuie sur le cas du journaliste du bimensuel, « Le Citoyen », Yacouba Ouédraogo à qui Alizèta Ouédraogo, présidente du Groupe Tan Aliz aurait proféré des menaces suite à un article relatif à la « Mafia économique ».

On n’aura cesse de le dire, sous nos cieux, la démocratie n’est pas un long fleuve tranquille. Certes, on sait que les libertés ne sont jamais définitivement acquises mais l’édification d’un Etat démocratique suppose néanmoins un consensus autour de certains principes et libertés fondamentales. Sont de celles-là, la liberté de la presse.
Aujourd’hui, il est de bon ton de dire que la liberté de la presse a connu des avancées depuis le drame de Sapouy.

Et pourtant ceux-Ià qui sont dans le milieu de la presse savent quelles tracasseries, interventions familiales et pressions « amicales » ils subissent pour un traitement quelque peu critique de l’information concernant certaines personnalités ; quand il ne s’agit pas de menaces plus ou moins voilées selon la position sociale du personnage.

C’est la situation qui est faite à Yacouba Ouédraogo, directeur de publication, depuis la livraison en date du 22 novembre 2006 du n°36 de son bimensuel, le Citoyen.
De quoi s’agit-il ? Sous le titre « Mafia économique » le Citoyen, sous la signature de Yacouba Ouédraogo, évoquait un projet initié par le ministre du Commerce en faveur du Groupe Tan-Aliz.

Argument pris d’une carence de matières premières (peaux), le ministre du Commerce proposait à son homologue des Finances et du Budget, d’instruire la Coordination nationale de lutte contre la fraude aux fins d’investiguer sur des exportations frauduleuses de peaux, conjointement avec la douane.

Et le ministre de s’empresser d’ajouter que la société Tan-Aliz était prête à en assurer le financement.
Le Citoyen de s’étonner d’une telle proposition, tout en rappelant que Tan-Aliz avait déjà bénéficié d’un monopole d’achat des peaux dans sa courte histoire, par imposition d’une interdiction d’exportation des peaux aux collecteurs.

On s’étonne que les princes qui nous gouvernent, entièrement acquis au libéralisme et donc à l’économie de marché, s’évertuent à créer dans le secteur des peaux un marché avec un acheteur unique, le Groupe Tan-Aliz.
Non content de proposer de conférer un monopole d’achat à Tan-Aliz et de faire travailler pour son compte des services de l’Etat au nom de « la protection du tissu industriel », le ministre du Commerce suggérait au ministre des Finances d’accorder l’agrément du régime des entreprises d’exportation à Tan-Aliz.

En clair,
- Exonération totale des droits et taxes de douanes sur les équipements, les matériels, les pièces de recharge.
- Exonération totale également de la fiscalité intérieure, (TVA, IRVM, patente, BIC, IMFIC) sur les équipements fabriqués localement.
- Exonération totale pendant sept (7) ans, pour compter du 1er en janvier 2007 de tous droits, impôts et taxes liés à l’exportation.
Après les 7 ans, réduction permanente de 50% de ces mêmes droits, impôts et taxes.

Seulement voilà ! Le Citoyen relevait que ce régime avantageux ne peut, selon l’article 26 de la loi 062-1995/ADP portant Code des investissements au Burkina Faso, bénéficier qu’aux entreprises nouvelles, tournées exclusivement vers l’exportation.
Or Tan-Aliz n’est pas une entreprise nouvelle, et elle n’est pas exclusivement tournée vers l’exportation. Ce que le ministre du Commerce reconnaît d’ailleurs.

Juridiquement, Tan-Aliz n’est donc pas éligible à ce régime. Mais le Citoyen s’appuyant sur un rappel de l’évolution du groupe et sur le précédent du monopole d’achat des peaux accordé à Tan-Aliz, soutient que rien ne peut être refusé à la belle-mère nationale. Il n’en fallait pas plus pour susciter l’ire de la dame Alizèta Ouédraogo.

Dans la foulée, rendez-vous décommandés, abonnés absents, interventions « amicales » et l’éternelle, la sempiternelle question : « Qu’est-ce que tu cherches ? « 
Un autre journal de la place, Bendré, puisqu’il faut appeler un chat, un chat, avait subi les interventions de ces « amis communs qui vous veulent du bien », pour avoir traité d’une façon critique l’effondrement d’un mur en construction du même Groupe Tan-Aliz.

Sous d’autres cieux, et il faut le dénoncer, c’est l’individu qui est parfois victime de lynchage médiatique, au Burkina, c’est le journaliste qui est l’objet d’un siège en règle. Dans ces interventions bienveillantes, quelle est la frontière entre la pression amicale et la menace ? Ne sont-elles pas de nature à préparer le lit d’actions plus radicales et à justifier après coup, les propos du genre, on l’avait prévenu, il n’a pas voulu écouter !

Récemment ce sont les amis de Newton Ahmed Barry de l’Evènement qui ont pris peur pour lui à la suite du dossier consacré à l’affaire Norbert Zongo.
En vérité, si certains journalistes sont vus comme de vilains petits canards, c’est que leurs pratiques tranchent.

En effet, le contenu rédactionnel de notre presse est composé essentiellement de ce que les spécialistes nomment l’information institutionnelle.

Il s’agit bien souvent de comptes-rendus plutôt que de véritables articles de presse. On cite l’autorité qui a présidé l’activité, on reprend de larges extraits du rapport final, on relate en long et en large la tournée de l’autorité avec force photos à l’appui et on met en relief les actions de la personnalité etc. Tout ça sans le moindre sens critique. Si fait que le journaliste qui veut aller voir au-delà du dossier de presse, est tout de suite suspect.

Suspect de vouloir nuire ; suspect de poursuivre un autre but que celui d’informer le public, suspect d’être contre. Bref, incompris, isolé, esseulé et donc exposé, Mais cela ne justifie nullement que la dame Alizèta Ouédraogo profère des menaces contre Yacouba Ouédraogo.

C’est pourquoi, la Ligue invite l’ensemble de la presse à user largement de cette liberté garantie par la Constitution et les lois de la République, car contrairement à la pile Wonder qui ne s’use que si l’on s’en sert, la liberté de la presse ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.

La Ligue voudrait rappeler aux personnalités qui font l’actualité, parfois à leurs dépens, ce mot de Beaumarchais : « Sans la liberté de blâmer, Il n est point d’éloges flatteurs ». Enfin, ayant en vue le procès intenté par François Paul Compaoré contre l’Evénement, la Ligue souhaite que la justice, garante des libertés, élabore une jurisprudence qui concilie, à la fois, la protection du journaliste et les droits du citoyen.

Vive la liberté de la presse,
Le Bureau Exécutif National

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 9 janvier 2007 à 18:53, par Citoyen En réponse à : > Ligue pour la défense de la liberté de la presse : « Des menaces sur la presse »

    Mon oeil, vous voulez une justice aux ordres de la presse ?

    • Le 12 janvier 2007 à 16:20, par Kenfo Bougli En réponse à : > Ligue pour la défense de la liberté de la presse : « Des menaces sur la presse »

      De quelle justice et de quelle presse s’agit-il ? Une justice aux ordres de la presse est aussi pire qu’une presse aux ordres de la justice ! Du reste, que la presse autant que la justice joue chacun son rôle, avec professionnalisme et hauteur de vue, sans empiètement. Les conflits "cagoulés" naissent suite aux infiltrations d’attitudes tendantieuses des uns et des autres. Pour se dévellopper, notre démocratie "embryonnaire" cherche désespérement refuge au sein d’institutions justes. La justice et la presse n’ont nullement besoin d’être aux ordres de quiconque. Chez nous, "on dit que ce qu’il ya chez les Peulhs se trouve également chez les Mossi". En triant les patates pourries, n’oubliez surtout pas les bonnes !!. Que chacun fasse son travail, sans jet de peirres...

      Kenfo

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