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Afrique : L’alternance comme possible solution

Publié le jeudi 4 janvier 2007 à 07h01min

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Du haut de son promontoire avec vue imprenable sur la scène burkinabè, "Le Fou" aura déjà tout dit ou presque sur le Burkina. Sa dernière chronique de 2006 aura été écrite à l’encre du bien et du mal, du réel et du possible. Dans l’ensemble et à sa manière, il aura sorti l’année 2006 par la petite porte.

2006 gît donc désormais sur la nécropole embrumée du temps. Puisse-t-elle dorénavant être pour nous un repère et un point d’appui capable de nous enseigner et de nous propulser dans la trajectoire des verts pâturages de l’avenir. L’année 2007 saura-t-elle justement en être le relais ?

Aussi vrai qu’une nation ne peut aujourd’hui avoir de destin isolé, il est sans doute juste de s’élever au-dessus de notre biotope burkinabè pour considérer notre pays dans une perspective globale et globalisante, à l’échelle de notre continent, mais aussi de la planète.

De quelque côté que l’on tourne le regard, le monde souffre de pathologies diverses : catastrophes naturelles violemment exprimées par des tremblements de terre, cyclones, inondations, famines, etc. A ces tragédies qui peuvent paraître comme l’expression d’une sainte colère divine, se greffent d’autres drames qui sont à la fois le fait et le reflet de l’imbécillité de l’homme, ce bipède dangereux dont il est difficile de ne pas admettre qu’il est un accident de la nature.

Les guerres, les prédations mortellement dommageables à notre environnement, le commerce inéquitable porté par bien d’autres injustices et, pour ce qui concerne particulièrement l’Afrique, la mal gouvernance démocratique. Tout ceci vient brouiller régulièrement l’aspiration messianique de l’espèce humaine au bonheur. La mal gouvernance démocratique précisément, semble être le terreau de nombreux et grands malheurs de notre continent.

Pour l’essentiel, cette mal gouvernance est sécrétée et entretenue par l’absence de toute vraie alternance. Or, à l’image des grandes pluies qui renouvellent la face de la terre, l’alternance démocratique renouvelle et revigore le visage de la politique. Des pays africains dont on peut taire volontairement les noms, véritables terres arides de démocratie, crient périodiquement de douleur, du fait de l’absence de toute perspective d’alternance et d’alternative. L’instabilité chronique, avérée ou larvée, immerge ses racines dans l’impossibilité d’alternance, qui elle-même, sécrète résignation populaire, sclérose et immobilisme improductif.

Il n’y a rien de nouveau sous les étoiles. Depuis Périclès, et peut-être bien avant, les peuples ont besoin, comme premier viatique, de démocratie. Le destin de l’Afrique se jouera donc irréversiblement sur le plateau de la démocratie, de cette valeur suprême qui se hisse au confluent de l’alternance politique, du patriotisme et de l’altruisme des dirigeants africains. En quarante-six ans, les drames du continent sont directement ou indirectement liés au refus insidieux de cette vertu. Or, aujourd’hui plus qu’hier, face à l’éveil relatif des consciences, aucun progrès véritable, aucune stabilité solide et productive ne peuvent s’affranchir de la bonne gouvernance démocratique. Et celle-ci doit avoir pour socle l’alternance politique.

Quand le coeur d’un dirigeant africain au pouvoir depuis fort longtemps, ne bat plus au même rythme que celui des dirigeants occidentaux, ceux-ci n’hésitent pas à lui conférer le statut peu glorieux de dictateur. En cela, les exemples sont nombreux et actuels. En tout état de cause, grande longévité au pouvoir et mal gouvernance démocratique apparaissent de plus en plus comme les variables de la dictature. Car, la trop grande longévité au pouvoir, distille fatalement des contre-valeurs tels la routine, l’immobilisme, la courtisanerie, l’incurie, les clans, les castes, les mensonges et les fables . Autant de scories qui s’accommodent mal de la salutaire rigueur morale, du génie inventif et novateur, du sens du sacrifice.

Il est des choses dont l’essentialité est évidente et qu’il convient de comprendre : l’uniformité sécrète la mort, la diversité la vie ; on peut servir sa patrie autrement que par la politique ; rien ne pose au citoyen autant d’obligations que la liberté ; sans discipline et sans engagement, tout est voué à la colère, et la colère aspire toujours à punir et à détruire. Pour les citoyens comme pour les dirigeants, il est sans doute bon que l’Afrique s’approprie ces maximes si elle ne veut pas continuer à attendre toujours le nirvana.

Notre continent, à travers la plupart de ses dirigeants, se comporte comme s’il refusait le développement. Fraudes électorales, codes électoraux iniques, tripatouillages des constitutions, etc., sont autant d’éléments qui figent l’Afrique dans la désespérante posture de dénégation des bienfaits d’un développement humain durable.

Les pères des nations africaines qui ont mené la barque du développement dans le cadre des partis uniques, n’ont assurément pas démérité. Ils avaient l’excuse du temps et de la jeunesse des Etats. Beaucoup d’entre eux, s’ils ressuscitaient aujourd’hui, prendraient leur tête entre les mains, dans un accès de colère homérique. Tant il est vrai que leur héritage a été gloutonnement dilapidé, que le patriotisme est devenu le refuge des canailles, que la culture du moindre effort est devenue la règle de la réussite, que la morale est devenue la risée de tous.

Même les sociétés les plus amorales avaient leur pudeur. Même les campagnes africaines ont cessé aujourd’hui d’être des remparts contre l’invasion du vice. L’Afrique est assurément déboussolée, défigurée. Notre continent, au contraire de l’Asie qui a su conjuguer développement et culture, est en passe de perdre son âme.

Cessons surtout d’être narcissique et de culpabiliser sans cesse l’Occident. Le coupable c’est nous-mêmes. Notre paresse, notre lâcheté, notre hédonisme, notre absence de vision prospective, notre incivisme vis-à-vis du bien public, sont autant de freins à un véritable décollage.

Certes, tout n’est pas que ténèbres. Il y a des avancées, des éclaircies. Mais quand l’on considère que les pays du dragon asiatique ont amorcé leur envol dans les années 70, soit une dizaine d’années après nos indépendances, quand on prend en compte leur niveau actuel de développement, on est fondé à se demander avec le Pr Ki-Zerbo, "A quand l’Afrique" ?

Au total, un réarmement moral à tous les niveaux est plus qu’un impératif catégorique pour notre continent, pour cette belle Afrique dont le sol et le sous-sol sont superbement gonflés de tant de richesses, objet par ailleurs de toutes les convoitises.

Il est temps que, par des politiques hardies de rupture, par une sorte d’habeas corpus, les dirigeants africains sonnent le réveil de toutes les énergies assoupies, pour transformer les cercles vicieux en cercles vertueux. Et le vrai élixir qui doit nous affranchir de toutes nos chaînes, est sans conteste l’alternance politique. En cela, la plus grande puissance économique et militaire du monde est un bel exemple.

Les anciens disent que ceux qui n’ont jamais souffert sont indignes de leur bonheur. A travers les âges, le destin des Africains à toujours été estampillé du sceau de la souffrance. Il est donc temps qu’à travers la politique de ses enfants, l’Afrique fasse l’expérience du bonheur. Gouvernants et gouvernés, nous sommes tous promis à la faucille de la mort.

Attachons- nous donc à tendre, par les canaux de la politique, vers ce bonheur, en coopérant au merveilleux plan de Dieu pour les hommes, Lui qui est l’Alpha et l’Oméga, le Premier et le Dernier, le Principe et la Fin et qui a, pour l’exemple, donné gratuitement aux pauvres le pouvoir de rire aux éclats comme les riches. Bonne année 2007 à toutes et à tous.

Boureima Jérémie SIGUE
Directeur de publication,
Directeur générale des Editions "Le Pays"

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 4 janvier 2007 à 11:44 En réponse à : > Afrique : L’alternance comme possible solution

    monsieur sigué, malheureusement, un bel édito de cette trempe, vous nous la servez qu’une fois l’an. pourtant on aurait aimé en lire davantage. félicitation, c’est un chef d’oeuvre de haute portée intellectuelle.

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