LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

L’Europe en 2006 : L’Union à la carte ?

Publié le samedi 30 décembre 2006 à 10h29min

PARTAGER :                          

Après le coup de frein constaté dans son processus de construction avec les « non » français et hollandais à sa constitution, l’Union européenne s’est tournée en 2006 vers la « jeune » Europe pour se refaire une santé. Le pourra-t-elle, avec cette Europe à la carte qui se dessine ainsi, elle qui a refusé pour l’heure, l’adhésion de la Turquie ?

Affirmer que l’Europe a mal à son identité serait dans la conjoncture actuelle, enfoncer une porte ouverte. En effet, voilà un espace économique et politique fortement affaibli par ses démêlés avec l’administration Bush pour cause de divergence sur la guerre du « Golfe II », qui trouve le « culot » de refuser pour l’heure, l’adhésion de la Turquie pour des raisons qui n’en sont pas et qui cachent les véritables, celles voulant que l’Europe soit fondée d’abord sur le partage de certaines valeurs communes dont la religion n’est pas la moindre.

Personne ne gobera en effet la fable selon laquelle, Ankara a été mise au ban de l’UE parce qu’elle refusait d’ouvrir ses ports et aéroports aux navires et avions chypriotes. Les minarets de Constantinople, d’Izmire et d’Istambul sont pour beaucoup dans cette prise de décision quelque peu suicidaire dans une Europe où le « puritanisme » religieux refait surface par le biais du nouvel évêque de Rome, Benoît XVI. Dit autrement, l’Europe n ’est pas encore prête à accueillir cette Turquie multireligieuse certes et, en voie de démocratisation avancée, mais toute l’importance du « fonds » musulman en même temps qu’il révulse, provoque des sentiments douloureux.

Autrement, ce serait une bêtise que de refuser les opportunités géostratégiques (pont entre l’Asie et l’Europe) et économiques (un vaste marché de consommateurs) qu’offre la Turquie, nonobstant son « américanisme » un peu trop poussé.

Le Premier ministre britannique Tony Blair ne s’y est d’ailleurs pas trompé, qualifiant cette décision des Européens « d’erreur stratégique » dont les effets se feront ressentir dans un bref avenir. Une erreur que les Européens espèrent compenser par cette ouverture à l’Est avec l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace en 2006, lesquelles avaient été précédées de celle d’autres pays de l’ancien bloc soviétique.

Une option qui ne va pas sans risque au regard des vues américaines sur ces contrées et de leur état de santé économique. L’Amérique, c’est connu, veut prendre pied dans cette région pour mieux « surveiller » la Russie d’abord, vendre ses produits, ensuite et « embêter » les Européens enfin.

Quid des critères de convergence ?

L’Europe de l’Est constitue ainsi avec le Proche et Moyen-Orient, le théâtre des affrontements que l’humanité a sans cesse connu avec en toile de fond, la volonté de domination des uns et des autres. C’est dire que même intégrés à l’Europe, ces Etats n’en constituent pas moins des « dangers » pour elle, eux qui sont pour la plupart en voie de « satellisation » par les USA.

Un moindre mal cependant que cet « américanisme », à côté du délabrement économique que présente la plupart de ces Etats, dont certains sont dans une phase précapitaliste avec une économie aux mains de mafia locales qui n’hésitent pas à régler les différends à la mitraillette.

Un « fond culturel » hérité de l’époque de la glaciation communiste. Or, l’idée de l’Europe était et est toujours fondée sur l’harmonie au plan économique et politique. En intégrant de force les « misérables » de l’Europe, avec le dessein de mieux les exploiter par le biais des délocalisations d’entreprises et autres politiques prébendières on court le risque de mettre fin à cette harmonie avec des conséquences fâcheuses pour l’Union.

Déjà qu’entre grands, les critères de convergence ne sont pas respectés notamment au plan budgétaire (pas de déficit budgétaire supérieur à 3%) n’allez pas demander qu’ils le soient avec l’arrivée de ces pays où tout est à construire. Bien sûr, on nous invoque le cas de l’intégration réussie de pays comme l’Espagne et le Portugal qui étaient, « mutatis mutandis » dans la même situation au moment de leur adhésion, en oubliant que la guerre froide et son corollaire la « fraternité » de l’Oncle Sam ne sont plus de mise.

Dans cette occurrence, on se demande comment l’Europe pourra se relancer en 2007 (l’année de ses 50 ans) après les « non » français et hollandais en 2005. Elle y compte en tout cas avec l’Allemagne qui présidera à sa destinée pour les six mois à venir.

Angela Merkel a en effet précisé que son mandat sera axé sur la rédaction d’une charte qui définira les ambitions de cette nouvelle Europe. En attendant le sommet de mars 2007 (prévu au Luxembourg) où elle présentera ladite charte, force est de constater que le projet européen est à la croisée des chemins. Avec l’impérium de plus en plus pesant de la Chine populaire, la levée du soleil indien et les frémissements du Brésil, les choses se compliquent davantage. Cette Europe, handicapée par ailleurs par les « infidélités » italiennes du temps du « Signor » Berlusconi pourra-t-elle tenir le rang de superpuissance auquel elle prétend, dans le monde qui dessine tel qu’indiqué plus haut ?

Rien n’encourage à le penser d’autant plus que cette même Angela Merkel est de plus en plus séduite par la « différence » anglaise et donc par une conception plus libérale de l’Europe alors que Français et Espagnols la veulent plus sociale. Querelles idéologiques, « grippage » de la constitution, économie à « double vitesse », « chinoisisation » croissante du marché, les handicaps ne manquent pas pour empêcher l’Europe de jouer dans la cour des grands.

D’autant plus que la Russie ne cesse de se rappeler à son bon souvenir par le biais de « compressions gazières », chaque fois qu’il y a divergence de points de vue au Conseil de sécurité de l’ONU. Pour résumer, disons que le « cordon ombilical » qui le lie à l’Oncle Sam depuis que celui-ci l’a « relevé » économiquement après la deuxième guerre mondiale par le biais du Plan Marshall est loin d’être interrompu. A chacun son « impérialiste ».

Boubakar SY

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 30 décembre 2006 à 16:59, par Marko En réponse à : > L’Europe en 2006 : L’Union à la carte ?

    Excellente analyse de la situation d’impasse et d’hypocrisie européenne me pousse à présenter quelques détails intéréssants. Il est vrai que l’Europe en acceptant depuis peu en son sein des états corrompus jusqu’à la moelle montre une nouvelle fois un terrible manque de vision voir même d’honnéteté. La Turquie qu’on a voulu prendre en otage en manipulant ses ennemis(..) que sont les chypriotes et les grecs, ne pouvait plus faire des concessions transformées sournoisement en capitulations. Comment pouvait-on accepter au sein de l’UE, par exemple l’Ile de Chypre, divisée à cause du rêve acharné d’hégémonie hellénique nomée Enossis, alors que lors du référandum la partie grecque chypriote a purement et simplement refusé la réunification de l’Ile contrairement aux turcs chypriotes qui l’avaient plébicité. De lors accépter l’Ile divisée était forcement une bombe à retardement, contre la Turquie... C’est exactement ce qui s’est passé, hélas pour l’Europe.

    La Turquie continuera son chemin avec ou sans l’intégration dans l’UE. Sa situation géo-stratégique avec une économie grandissante, son devenir inévitable de tête de pont des couloirs énérgétiques avec la Russie et ses pays satellites, sa trés jeune population dotée d’un dynamisme certain, l’Irak d’aprés guerre civil qui représentera un chantier colossale, l’Iran de demain extraordinairement avide de consommer à l’européenne, etc etc feront que la Turquie sera de toutes les maniéres, inévitable.
    Bien que que la réligion musulmane du coté du Bosphore soit forcement un frein à l’intégration, les européens devront réfléchir sérieusement aux conséquences de leur choix turc.
    Sinon rien ni personne ne pourra empêcher le constat terrible que le choc des civilisations a bel et bien commencé au coeur même de l’Europe...

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique