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Le pays Sénoufo

Publié le lundi 12 avril 2004 à 15h42min

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Les cascades de Karfiguela

Le pays Sénoufo est réparti entre trois Etats : la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Mali. Il comprend environ 1.500.000 personnes réparties en plus d’une trentaine de sous-groupes. Chaque sous-groupe a ses propres caractéristiques mais il existe plusieurs traits culturels qui font l’unité des Sénoufo : la langue, les patronymes, l’organisation sociale et religieuse.

Dans la partie burkinabè, les Sénoufo occupent une région étirée, située au Sud-ouest du pays. Les Sénoufo font partie des populations les plus anciennement installées sur le sol burkinabè. Ils sont répartis principalement sur les provinces du Kénédougou et de la Léraba où on les trouve plus nombreux. Ce territoire sénoufo n’est pas pour autant homogène puisqu’il est constitué d’îlots au milieu d’autres groupes ethniques de la famille "mande" (samogho, dioula).

Si le pays Sénoufo au Burkina Faso commence précisémentà partir de la petite ville de Sindou (à l’ouest de Banfora) et dans la partie située à l’ouest et au nord de Orodara, nous traiterons dans ce reportage également de la région de Orodara (ethnie syemou) et de Banfora (ethnies gouin, turka, tussian, karaboro et tyefo) principaux centres urbains avant d’accéder en "pays Sénoufo"

Environnement

L’environnement du pays sénoufo se caractérise par son relief. En effet, le pays est situé sur le massif gréseux qui occupe tout le sud-ouest du Burkina. C’est la région la plus élevée du pays avec le mont Ténakourou qui culmine à 749 mètres. On trouve aussi les falaises de Bérégadougou et de Banfora et les aiguilles ou pics de Sindou. La région est particulièrement bien arrosée et bénéficie de trois cours d’eau : la Comoé, la Léraba et le Pandi. La végétation se caractérise par des savanes arborées et des forêts claires et denses. La terre y est fertile donc propice à l’agriculture.

Economie et politique

Les sénoufo vivent dans des villages isolés n’entretenant de relations qu’avec leurs voisins immédiats. Il s’agit de terroirs autonomes et indépendants sans pouvoir centralisé. C’est une société lignagère. Ainsi, l’autorité à l’intérieur du clan revient au patriarche. Le chef de terre est le descendant du lignage fondateur du village, il est le dépositaire et l’officiant principal du fétiche du village. Il a des prérogatives dans le domaine foncier et tout ce qui touche à la terre. Malgré ses prérogatives, son rôle n’est pas celui d’un chef politique comme ce serait le cas dans une société au pouvoir centralisé.

Au niveau de la famille, c’est l’ainé qui a l’ascendant moral et spirituel sur les autres membres de la famille. A ce titre, c’est lui qui préside le collège de sages (les anciens), qui protège et adore le fétiche familial, qui organise les travaux champêtres et les récoltes collectives et qui représente la famille à l’extérieur (au niveau clanique par exemple)

Les sénoufo qui bénéficient d’un climat et d’un sol favorable pratiquent régulièrement l’agriculture. Ils cultivent le mil, le maïs, le haricot, le fonio, le pois de terre, la patate, l’igname, l’arachide, le sésame, le tabac, le coton, le riz de bas fond... L’arboriculture fruitière y est également très développée avec de vastes étendues de manguiers, orangers, papayers, citronniers et bananiers.

Jadis, la chasse était la deuxième activité de production pratiquée par les sénoufo. On raconte qu’ils étaient de redoutables chasseurs d’éléphants. Aujourd’hui, il ne reste que du petit gibier tel que le lièvre, la perdrix, le canard sauvage, le singe, l’écureuil...

Aperçu historique

Partis du delta du Niger, autour de la région de Kankaba (Mali), à la recherche de terres fertiles, les Sénoufo arrivèrent vers le 13 ème siècle dans la région où ils résident actuellement. Korhogo (en Côte d’Ivoire), protégée des incursions guerrières par le Bandama blanc devient la capitale et le siège de la plus importante chefferie Sénoufo. A la fin du 18 ème siècle quand le grand conquérant mandingue Samory menaçait le pays Sénoufo, le chef de Korhogo déclara : "Nous ne sommes pas des guerriers mais des cultivateurs".

Au XVIIIe siècle, l’ouest burkinabé, à l’exception des pays lobi et birifor et d’une partie du pays dagara, est passé sous la domination des souverains dyula de Kong.
Famara Wattara, fils de Seku, s’installe à Bobo-Dioulasso et fonde le Gwiriko tandis que son frère Bakari tente en vain de conquérir le territoire des lobi, toujours farouchement attachés à leur indépendance.
Au XIXe siècle, l’empire de Kong est démantelé. Le Gwiriko est déchiré par d’incessantes révoltes. Le royaume dafing de Wahabu, naît sur ses décombres. Plus à l’ouest, mais toujours à l’intérieur des anciennes limites de l’empire de Kong, des Traoré fondent autour de Sikasso le royaume du Kenedugu (1825). Mieux organisé que le Gwiriko, et se posant en rival offensif de ce dernier, le Kenedugu, à l’instar de son voisin, doit affronter de nombreuses et violentes révoltes. Le Kenedugu disparaît avec la prise de Sikasso par les français (1898).

Le nom "sénoufo" est un terme Bambara du Haut-Niger qui veut dire la "langue des cultivateurs". C’est un terme exogène qui désigne ces populations hétérogènes installées dans cette zone et qui pratiquaient l’agriculture. Il existe des sous-groupes "sénoufo" qui ont des traits culturels communs tels que le taux d’intelligibililité qui atteint 50 % (les différences linguistiques se manifestent dans des nuances de prononciation : l’accent, le ton, la contraction de certains mots...), certains cultes et rituels (le culte du Komo et les rites funéraires), la musique et la danse...

Us et coutumes

Dieu et les génies

Les sénoufo pratiquent de nombreux cultes religieux. Ces cultes sont dédiés aux dieux suprêmes et intermédiaires, aux génies protecteurs et aux ancêtres. A proximité des villages Sénoufo subsistent des bois sacrés, restes de la forêt primordiale. Ces lieux sacrés sont préservés car ils sont réservés à ces divinités. Le panthéon Sénoufo comprend à la base le dieu fondateur unique à l’origine de tout, Koutyolo. Selon la tradition, ce dieu s’est endormi et n’intervient plus dans les affaires de l’univers. Le pendant féminin de ce dieu est représenté par Katieleo, mère tutélaire du village, protectrice du bois sacré.

Les sénoufo en général pratiquent deux cultes dédiés à deux fétiches protecteurs : le kõmõ et le Kõnõ. Seuls les initiés (exclusivement les hommes) à ces fétiches peuvent les voir. L’initiation aux cultes du kõmõ et du Kõnõ commence par le sacrifice d’un poulet sur les différents autels. Tout initié à ces cultes ne doit jamais divulguer les secrets aux non initiés et aux femmes.

Il existe des périodes pour voir le kõmõ et le Kõnõ : en saison sèche et au début de la saison des pluies (ces fétiches ne sont pas visibles pendant la période des hautes eaux). Au début de l’hivernage, au nom de tous les habitants du village, le prêtre-sacrificateur fait des offrandes propitiatoires pour que la saison soit bonne. Il est également possible de formuler des vœux individuels.
Le kõmõ n’est pas réservé aux seuls sénoufo, tout individu peut s’initier à ce culte. De même, un village d’une autre ethnie peut acquérir son propre culte du kõmõ. La démarche à suivre est la suivante :

- le village intéressé formule la demande auprès d’un prêtre du kõmõ .

- si le prêtre donne son accord, le demandeur fait offrande de deux (02) taureaux, de deux (02) cabris (un mâle et une femelle) et d’un (01) chien rouge. Le sacrifice du chien rouge se fait en remplacement du sacrifice humain aujourd’hui aboli.

Les sénoufo, réputés pour être de grands chasseurs, subissent également une initiation spécifique pour pouvoir appartenir à la confrérie des chasseurs (Dozo-ton). Cette confrérie est dotée d’une structure hiérarchique très rigide et les différents enseignements sont dispensés par des maîtres, selon des codes très strictes. Le statut de "DOZO", de chasseur est très enviable car le dozo jouit d’un grand prestige et d’une grande respectabilité. Il est particulièrement craint à cause des pouvoirs mystiques qu’il détient : faculté d’ubiquité, d’invisibilité, de métamorphose, d’invulnérabilité aux armes... Cependant, ce statut est aussi contraignant car il s’accompagne d’interdits alimentaires et sexuels qu’il faut scrupuleusement respecter.

Les sénoufo ont pour parents à plaisanterie les Lobi-dagari, voisins proches qui habitent plus particulièrement la province du Poni. Aussi, à l’intérieur du groupe sénoufo, il existe une parenté à plaisanterie entre patronymes différents : les Coulibaly sont parents à plaisanterie avec les Ouattara, les Traoré avec les Koné... Les principaux patronymes sénoufo sont : Coulibaly, Ouattara, Konde, Kone, Kamara, Diarrassouba, Touré, Traoré, Bamba, Fofana, Konaté, Dembele, Cissé...

Art culinaire

L’art culinaire sénoufo se constitue principalement de to à base de mil, de maïs de haricot ou de fonio. Il s’accompagne d’une sauce au Gombo ou à l’oseille assaisonnée de soumbala. Le haricot est le plus souvent bouilli et consommé avec de l’huile de karité. Le fonio est préparé sous forme de couscous à la vapeur et se mange accompagné d’une sauce d’arachide. La farine de pois de terre est utilisée pour faire une sorte de crèpe appellée "bambala" consommée aussi avec de l’huile. C’est ce plat qui est servi aux visiteurs, même tard dans la nuit car les femmes ont toujours des réserves de farine de pois de terre et la préparation très simple ne dure guère.


Gros plan :les chasseurs "dozo"

Origine du "dozoya"

Dõso est un terme en langue bambara constitué de « dõ », ce qui entre et de « so », la concession. En d’autres termes, dõso veut dire « ce qui entre dans la concession et y reste », en parlant de savoir, de savoir- être et de savoir faire.

Le dõsoya (le fait d’être dõso) dote l’individu d’une somme considérable de savoirs recoupant presque tous les aspects de la vie (art de la chasse, médecine naturelle, pouvoirs mystiques dont le don d’ubiquité, de métamorphose, d’invulnérabilité aux armes métalliques…) et aussi le respect d’un code de conduite morale et sociale.

Le dõsoya existe depuis très longtemps. Pour devenir dõso, il faut obligatoirement subir une initiation auprès d’un maître dõso. Le postulant au dõsoya doit, avant toute chose, informer sa famille de son désir d’entrer dans la confrérie des dõso. Ensuite, il formule sa demande auprès d’un grand-maître dõso. Cette demande se fait avec douze (12) noix de cola et une poule. Ces offrandes, une fois agréées par les fétiches, le postulant alors prend un bain rituel qui le consacre élève dõso. Il est alors placé sous la responsabilité du maître à qui il doit un dévouement et une obéissance inconditionnels.
L’enseignement au dõsoya est global où sont conjuguées théorie et pratique. La durée de l’enseignement est variable suivant les capacités de l’élève ou la franchise du maître vis- à- vis de son élève.

Quand le maître juge que l’élève a bien assimilé les différents enseignements et qu’il fait montre d’un sens élevé d’intégrité et d’humilité, il le libère et l’autorise à rejoindre les siens après un bain rituel et une séance de bénédictions.

Le dõsoya est par essence une éducation. Etre dõso signifie respecter de façon rigoureuse les valeurs qui fondent la confrérie. L’essence du dõsoya se définit à travers trois (03) aspects principaux :

• le fondement spirituel de la confrérie : chaque confrérie de dõso a à sa tête un grand maître. C’est lui qui détient l’autel de la confrérie (« dankun » ou « frankun »). C’est sur cet autel que sont offerts les sacrifices rituels pour la protection des dõso et pour une chasse fructueuse.

• Les valeurs morales du dõso : dans la confrérie dõso, l’image que donne le chasseur est déterminant pour le succès de ses entreprises. Le dõso doit être un exemple de probité morale pour son entourage. Le dõsoya répugne aux vices telles que le mensonge, le vol, la jalousie, la malhonnêteté. Le dõsoya est avant tout synonyme de vertu, de respect, respect des anciens et des ancêtres, respect de la hiérarchie, respect de l’autre, observance des codes de bonne conduite et de bonne moralité. Le dõso doit avoir un sens très élevé de l’honneur, de la dignité, de la loyauté et de l’humilité.

• Les savoirs dispensés : chez les dõso, le mérite se mesure à l’aune des acquis, des connaissances. A l’élève dõso, est donc enseigné l’art de la chasse. Il apprend à chasser. Il apprend quoi chasser, pourquoi chasser, etc… En plus, il est instruit des propriétés de certaines essences végétales car le dõso est aussi un « guérisseur ». Il est initié à la médecine naturelle par la connaissance des vertus pharmacologiques des plantes.

Un des signes distinctifs du chasseur dõso est son accoutrement. Véritable tenue de camouflage, l’accoutrement du dõso se compose d’un bonnet, d’un chemisier, d’un pantalon aux bas étroits. Tous ces éléments sont en cotonnade teints aux couleurs de la nature avec une dominance des tons jaunes et verts. Hormis le pantalon, le bonnet et le chemisier sont souvent piqués d’amulettes, de cordelettes et de morceaux de verre ou de miroir. Ce sont autant de protection contre d’éventuels ennemis et les mauvais esprits qui hantent la brousse. L’accoutrement du dõso est son armure. En plus, chose essentielle, il y a son fusil et la queue d’un animal abattu qui lui sert de façon circonstancielle de chasse- mouches. Il est strictement interdit de laver la tenue d’un dõso.

La musique dozo

Il existe une musique et des danses particulières aux dõso. Les musiciens sont des griots dõso qui chantent les louanges des chasseurs, glorifient leurs hauts faits. Généralement ces musiciens jouent du ngoni (sorte de harpe), utilisent des tambours sphériques et une castagnette métallique jouée avec une baguette de même nature.

Des différents rythmes, découlent de nombreux pas de danse. Certains chants sont populaires où tous les dõso peuvent danser. Par contre certains pas sont spéciaux et rappellent les démarches de certains animaux sauvages. Seuls les dõso ayant déjà abattu ces animaux sont habilités à esquisser ces pas de danse. Au nombre de ces pas, il y a le « lanaya » rappelant la démarche de la panthère, le « sogogbankélé », danse de l’animal à une corne (le rhinocéros). Il y a aussi la danse de l’hippopotame, du buffle, du lion, de l’éléphant...

La confrérie des dõso possède aussi des sociétés de masques qui se produisent lors de certaines cérémonies telles que les funérailles. Les têtes de ces masques sont zoomorphes, ils sont vêtus d’une pièce unique en coton. Les masques portent des noms : « Maliène » pour le masque phacochère, « gnumu » pour le masque antilope, « seenu » pour le masque buffle…

Les dõso considèrent les animaux de la brousse comme étant le bétail des génies. Pour que la chasse soit fructueuse et pour leur propre protection, ils doivent se concilier ou dominer ces êtres surnaturels qui peuplent la brousse. Si certaines proies sont facilement abattues, pour d’autres il faut prendre beaucoup de précautions sous peine d’être tué ou de devenir fou. Aussi le dõso est tenu de respecter strictement et rigoureusement certaines règles quand il abat certains animaux : manière de l’égorger, de couper sa queue, de le vider…

Source : Ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme
(http://www.culture.gov.bf/Site_Senoufo/)

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