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Idrissa Seck, ancien Premier ministre du Sénégal : "Abdoulaye Wade n’a aucune chance de gagner"

Publié le mercredi 27 décembre 2006 à 08h10min

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Idrissa Seck

Idrissa Seck était Premier ministre du Sénégal. Jusqu’à une certaine période, il était considéré comme le fils spirituel de Me Abdoulaye Wade. Il était même son dauphin, affirme-t-on. Mais, comme château de cartes, tout s’est écroulé autour de Idrissa Seck et son idylle avec Wade s’est muée en histoire de fiel.

Lors d’un séjour qu’il a effectué au Burkina, nous l’avons rencontré à son hôtel, le dimanche 10 décembre dernier. Il est catégorique, "la rupture est consommée, sur le plan politique" avec Wade à qui il prédit une défaite certaine lors de l’élection présidentielle de février 2007 au Sénégal.

"Le Pays" : Qu’est-ce qui vous a amené au Burkina ?

Idrissa Seck : Je voudrais rendre grâce à Dieu de l’opportunité de ma présence au Burkina Faso. L’objectif premier était de venir rencontrer la communauté sénégalaise qui réside au Burkina Faso et qui votera aux prochaines élections de février 2007 en vue d’échanger avec cette population sur notre programme, sur notre vision du redressement national.

Le deuxième objectif était naturellement d’explorer toutes les possibilités de coopération entre le Burkina Faso et le Sénégal dans le cadre de l’UEMOA, de la CEDEAO et de l’Union africaine ; et d’échanger aussi sur les grandes questions du monde. En troisième lieu, en tant que maire d’une grande ville du Sénégal (Thiès, ndlr), c’était pour explorer les possibilités de jumelage entre une ville du Burkina, la capitale de préférence, et la ville dont je suis le maire. Et bien évidemment c’était pour rencontrer la société civile burkinabè, les acteurs privés, puisque je considère que les opérateurs économiques ainsi que les différents animateurs des ONG qui s’occupent des droits de l’Homme se sont beaucoup mobilisés sur le cas du Sénégal et celui ma propre personne.

Cette visite m’a également permis d’observer les domaines dans lesquels le Burkina a fait des progrès importants, en particulier dans la maîtrise de l’eau avec les différents bassins de rétention, les différents barrages ; les performances agricoles qui sont devenues assez impressionnantes ; et voir comment nous inspirer de ces modèles, dans le cadre de notre propre programme. Je me suis promené dans les rues de Ouaga, j’ai fait mon sport, j’ai croisé des Burkinabè anonymes, nous avons discuté de leur pays, de ce qu’ils pensaient de leurs autorités et ce fut une abondante moisson pour ma connaissance de votre pays.

Qui d’autre avez-vous pu rencontrer concrètement en dehors de la communauté sénégalaise ?

Je préfère ne pas le dire. Je suis ici dans le cadre d’une mission politique. Pour la partie politique c’est visible. Ça je peux en parler. Pour le reste, je préfère ne pas en parler.

Parmi tous ceux que vous avez cités, il n’y a pas le nom d’une autorité politique ...

Je m’en limite à ce que je vous ai dit.

Avez-vous rencontré le chef de l’Etat ?

Non, je n’ai pas rencontré le chef de l’Etat.

Vous avez rencontré la communauté sénégalaise ici. Quelle est sa position par rapport au combat qui oppose actuellement un père spirituel à son fils, c’est-à-dire Abdoulaye Wade et vous ?

Je pense que les populations sénégalaises ont bien compris ce qui s’est passé entre le président Abdoulaye Wade et moi. Ils en ont été témoins et le jugement que je reçois est un jugement de condamnation de l’action et de l’attitude de Abdoulaye Wade. A ce jour, aucune des accusations portées contre moi n’est étayée par la plus petite preuve. Donc les gens ont bien compris qu’il s’agit d’une manipulation des institutions de la République pour résoudre un problème politique qui oppose Abdoulaye Wade et Idrissa Seck.

Je crois que les Sénégalais, tout comme l’opinion internationale s’en sont définitivement fait une religion et ils condamnent cette utilisation des instruments de l’Etat, pour porter contre un citoyen des accusations dont on a la preuve de la fausseté. Quand on accuse un Premier ministre d’avoir détourné de l’argent dans le cadre de chantier dont on sait que l’argent est parti du Trésor, comme attesté par les documents du Trésor, pour atterrir dans les comptes bancaires de l’agence d’exécution, le PCRPE en l’occurrence, comme en attestent les relevés bancaires du PCPRE, et que cet argent est parti des comptes du PCPRE pour atterrir dans les comptes bancaires des entreprises contractantes, comme l’attestent les relevés bancaires de ces entreprises, on ne peut pas, en étant en possession de tout ça, dire que ce Premier ministre, qui n’avait la responsabilité ni de la garde de l’argent ni de ses mouvements, a pu le détourner.

A l’extrême limite on aurait pu penser qu’il y a corruption. Ce qui signifierait que les entreprises ayant encaissé leur argent au lieu de payer leurs salaires, leurs fournisseurs et leurs dividendes à leurs actionnaires, l’aurait donné à Idrissa Seck. Toutes les entreprises ont été entendues sur PV par la police et par les juges. Aucune ne me met en cause . Et comme je l’ai déjà dit, d’ici à l’extinction du soleil, personne ne pourra jamais me reprocher quoi que ce soit. Et à cette date, tous les arrêts pris par les magistrats me donnent raison ; pas une phrase, pas une pièce dans la procédure ne me met en cause. Pire, au bout du processus, que fait le président de la réplublique ? Il m’envoie son avocat, payé sur les deniers de l’Etat, en prison nuitamment pour négocier.

Et qu’est-ce qui est sorti de ces négociations nocturnes ?

Rien du tout. J’ai dit aux émissaires une chose très simple. J’ai dit d’abord que je ne demanderai pas de liberté provisoire et que je peux rester ici (en prison, ndlr) jusqu’à l’extinction du soleil, puisque mon honorabilité a plus de valeur à mes yeux que ma liberté. Donc, de deux choses l’une : soit vous n’avez rien et vous me donnez un non-lieu alors vous me libérez tout de suite, soit vous avez quelque chose et faites-moi un procès public et transparent où la presse sera présente, où l’opinion nationale internationale sera là, et si vous avez quoi que ce soit, exhibez-le. Vous n’avez rien. Ce sont des raisons politiques qui sont à la base de toutes ces procédures engagées contre moi. Mais il n’y a aucun fondement légal. C’est ce que j’ai dit à l’émissaire de Abdoulaye Wade.

Qu’est-ce qui justifie selon vous cette situation entre Wade et Idrissa Seck alors que vous vous considériez pourtant comme son fils spirituel et même son dauphin ?

Absolument. Moi je n’ai pas d’explication. Il y a un faisceau d’explications possibles. C’est soit l’âge qui fait baisser la forme intellectuelle et physique du père, soit ce sont les influences négatives de l’entourage et de la famille. Mais je ne comprends pas et lui-même n’arrive pas à donner d’explications.

Le 22 avril 2004, le lendemain de mon départ de la Primature, il m’a écrit une lettre d’une beauté exceptionnelle dans laquelle il disait lui-même que des phénomènes politiques peuvent surgir sans qu’on en comprenne l’origine mais que l’important c’est de les maîtriser. Il dit lui-même que nous avons réussi nous deux à les maîtriser, et a accepté mon départ du gouvernement pour calmer le jeu et éliminer le phénomène politique qui était devenu la dualité au sommet de l’Etat. Mais par la suite, il s’est passé ce qui s’est passé.

Je ne comprends pas ce qui a pu provoquer ça à son niveau. Soit il s’agit d’une baisse de forme, soit c’est le résultat des influences négatives de ceux qui enviaient ma position d’autorité et d’influence auprès de lui, incluant peut-être des membres de sa famille. Je n’ai pas une explication rationnelle à ce qui s’est passé. C’était peut-être la volonté de Dieu et je l’assume très très bien.

En tout cas à titre personnel je lui voue le même respect, la même considération et la même affection. Ce qui lui arrive me peine beaucoup puisque je souhaitais pour lui une sortie aussi belle et aussi honorable que celle de Nelson Mandela, mais il n’en prend pas la direction en ce moment, parce que tous les actes qu’il pose sont à l’opposé du sens du combat de sa vie.

Le président n’avait-il pas pensé qu’à long terme, vous étiez un adversaire pour lui à l’intérieur du parti ?

Non, parce que nous en avions parlé très clairement. Je lui avais dit que tant qu’il avait envie d’être candidat, je ne serais pas candidat contre lui. C’est un engagement que je lui avais donné de façon ferme. Donc il ne pouvait pas penser comme ça, que sans aucun acte d’agressivité de sa part, sans aucune rupture, j’allais être son adversaire.

Je lui avais dit que s’il avait envie d’être candidat en 2007 je ne serai pas candidat, en 2012 je ne le serai pas, en 2017 je ne le serai pas et qu’en 2022 moi j’arrêtais la politique. A 63 ans. Mais il a rompu le pacte que nous avions. Il avait juré de ne pas me faire du mal. Il m’a fait du mal, j’ai réagi. Il a honte. J’ai recouvré ma liberté.

Sur le plan politique peut-on dire que la rupture est totalement consommée entre vous ?

Oui, au plan personnel je n’ai aucune rancune. Je reste conscient de sa contribution à ma formation d’homme politique et d’homme d’Etat et, comme le dit l’adage, le fruit mûr n’oublie jamais le coup de vent qui a poussé le pollen sur la fleur. Et la branche qui fleurit doit toujours honorer les racines de l’arbre. Donc je ne peux pas, au plan personnel, rompre les amarres avec lui.

Au plan politique maintenant je considère que la voie dans laquelle il s’engage aujourd’hui de violation des libertés individuelles, d’utilisation abusive de la police qui est devenue une police politique au lieu de s’occuper de traquer les agresseurs et les bandits, de la manipulation des institutions, du baillonnement de la presse qui est agressée et des hommes politiques et des opposants, je pense que tout ça est contraire au combat de sa vie, contraire à ce qu’il nous a enseigné et, de ce point de vue-là, je m’opposerai à cela.

Si j’ai la possibilité de convaincre Abdoulaye Wade de reculer par rapport à cette voie qu’il emprunte et vers laquelle le poussent des manipulateurs qui n’ont que leurs intérêts en tête, je le ferai. Mais si je n’y arrive pas je lui ferai face politiquement pour arrêter cet arbitraire et peut-être en l’empêchant d’être réélu, je lui éviterai un naufrage historique.

Avec tout ce que vous citez comme problèmes, on a l’impression que plus qu’une dérive, c’est à une dictature, en lieu et place d’une démocratie, qu’on assiste au Sénégal !

J’ai comme principe de ne pas juger mon pays à l’extérieur, même si c’est chez des cousins. Même si c’est chez des frères africains qui ont un droit de regard sur ce que nous faisons, je ne porte pas de jugement sur mon pays. Je peux parler simplement des faits.

Est-ce à dire que le Sopi auquel tout le peuple sénégalais avait aspiré avec Abdoulaye Wade n’est plus qu’un souvenir ? Maintenant le peuple est-il déçu ?

Je crois que le peuple est déçu. Moi-même je suis déçu parce que ce que le Sopi a charrié comme espérance était énorme. Et nous aurions pu réaliser beaucoup si il n’y avait pas cette déviation qui est intervenue. Le président a de très bonnes idées, de très de grandes idées, mais il a voulu tout faire tout de suite et en même temps, ce qui est matériellement impossible.

Je pense qu’il s’est perdu dans une multitude de projets irréalisables, il a dispersé son énergie alors que ce que le peuple attendait de lui c’était d’abord de restaurer la normalité : ne plus utiliser les institutions de la république pour des combats politiques ou politiciens, restaurer la notion de justice. Ensuite, les socialistes en grande partie sont tombés à cause des problèmes de coupures intempestives d’électricité et d’eau.

C’est pire aujourd’hui, alors qu’on aurait pu résoudre ce problème. L’électricité est un bien générique qui irrigue toute l’économie et, si le président dit qu’il faut retourner à la bougie, je ne comprends pas. C’est certainement une boutade mais parler ainsi, c’est méconnaître toutes les fonctions que remplit l’électricité. Donc voilà des choses simples qui étaient attendues de lui. Mais, il s’est perdu dans des projets pharaoniques dont même les études techniques doivent prendre des décennies.

Vous avez beaucoup parlé de la famille du président Wade. Quelle est le degré de son implication dans l’exercice du pouvoir actuellement au Sénégal ?

Non, je ne parlerai pas de ça. Je me suis limité à parler d’influences négatives sur le président. Je préfère ne pas parler de leur implication. Je vous laisse le soin, en tant qu’observateur, de constater vous-même.

Aujourd’hui Idrissa Seck est définitivement dans l’opposition. Quelles sont ses relations avec les autres membres opposants ?

Des relations cordiales. Je pense que tous ces leaders de l’opposition ont mené un long combat. Ils ont tous plus d’un quart de siècle d’expérience politique derrière eux. Donc ils méritent à ce titre mon respect. Les relations que je souhaite entretenir avec l’opposition sont celles des plus cordiales, parce que le Sénégal a la chance d’avoir un leadership politique bien distribué géographiquement. Si chacun d’entre nous se mobilisait énergiquement pour promouvoir son département, et promouvoir les populations de ces départements, le Sénégal pourrait faire de très grands progrès.

Maintenant il appartient au peuple de décider qui est le meilleur d’entre nous pour diriger le Sénégal et ça c’est au terme d’une compétition électorale transparente, juste, équilibrée et pacifique que nous le saurons. Mon engagement a toujours été de dire que je me rangerai derrière celui que le peuple aura désigné comme le meilleur de l’opposition en termes de suffrage collecté pour garantir le changement de régime qui est attendu le 27 février 2007.

En tout cas, il est impératif que nous nous retrouvions pour garantir la régularité des élections. Nous sommes obligés de nous parler sur les questions de programme de redressement national, puisque chacun d’entre nous est un lieu de dépôt de confiance et d’espérance de la part d’une portion importante de la population.

L’opposition se regroupera-t-elle derrière un candidat unique qu’elle aura désigné ?

Il y a deux élections : les législatives et la présidentielle. Pour les élections législatives, le mode de scrutin impose l’unité des forces dès le départ, parce que l’essentiel des députés seront élus sur les listes départementales au scrutin majoritaire à un tour. La liste qui arrive en première position même avec 10% des voix, prend la totalité des postes au niveau des départements et l’opposition a intérêt à regrouper toutes ses forces, sinon elle va perdre. L’opposition retient la leçon des élections législatives de 2001 où elle a obtenu une vingtaine de députés sur 120, parce que ses forces étaient atomisées, éclatées.

Au sujet de l’élection présidentielle il s’agit de la rencontre entre un homme et un peuple. Tous ceux qui pensent mériter la confiance et l’espérance des Sénégalais doivent avoir l’opportunité de leur demander : Est-ce que vous me faites confiance ? Est-ce que vous placez en moi votre espérance pour redresser le pays ? Il ne faut pas des candidatures fantaisistes, mais doivent avoir l’opportunité de se présenter, tous ceux qui sont susceptibles de faire 20, 25, 40 ou 50% des suffrages.

L’important étant qu’au sein de l’opposition, un accord soit trouvé pour que tous les candidats prennent l’engagement de s’aligner automatiquement derrière le mieux placé des opposants, au 2e tour. Je pense que ce sera difficile lorsqu’un homme a la conviction qu’il peut être président, de lui demander de ne pas se présenter. Il faut laisser le peuple lui répondre.

Pensez-vous que l’opposition a des chances de remporter ces différentes élections, puisqu’en Afrique de façon générale, un chef d’Etat organise rarement des élections pour les perdre ?

Ah non ! En 2000, nous avons gagné (Idrissa Seck était dans l’oppositon avec Abdoulaye Wade, ndlr) face à Abdou Diouf qui avait 20 ans de présidence de la république et cela va recommencer. Abdoulaye Wade n’a aucune chance de gagner.

Tous les probables candidats à la présidence sont-ils en mesure de payer la caution fixée à 40 millions de F CFA ?

Je ne crois pas, mais les plus importants ne devraient pas avoir de difficulté pour payer.

Comme vous ?

Ah oui ! moi je n’ai aucune difficulté pour payer. (rires)

La loi sur le quart bloquant peut-elle être un handicap ou pas pour les candidats ?

La loi électorale avait dit que pour être élu président au 1er tour, il fallait avoir la majorité des voix, c’est-à-dire 50% plus une voix ; mais en même temps, le nombre de suffrages obtenus devrait être au minimum égal au quart des électeurs inscrits. Cela veut dire qu’au minimum un président élu ait la confiance d’un Sénégalais sur quatre.

Ils ont supprimé cette loi, puisque leur sondage dit qu’ils n’auront même pas un quart en terme de suffrages et si ce quart bloquant est maintenu, ils ne pourront pas être élus. Il s’y ajoute que ce quart bloquant a augmenté en valeur absolue, parce que le nombre d’inscrits est passé de 2,5 millions à 5 millions.

Le quart est maintenant à un peu plus d’un million de suffrages or Abdoulaye Wade sait que durant toute son histoire électorale et au mieux de sa forme politique, il n’a jamais pu dépasser 400 à 450 mille voix. Avoir un million de suffrages c’est donc une épreuve difficile pour lui. Il a voulu s’enlever cette contrainte mais cela ne change rien. S’il ne peut pas obtenir un quart de suffrages, il y aura nécessairement un 2e tour et je suis persuadé que le 1er de l’opposition va l’emporter au 2e tour.

Quelles sont vos priorités pour faire en sorte que le Sénégal retrouve la véritable voie de la démocratie, puisque selon vous il en a été totalement éloigné par Abdoulaye Wade ?

La première chose que je ferai, c’est prier et faire prier pour que notre créateur à tous puisse agréer nos actions, pour qu’il préserve le Sénégal contre des catastrophes naturelles qui annihileraient tous nos efforts. Il y a l’exemple des Etats-Unis qui, face à Katrina, ont réalisé qu’ils ne pouvaient pas faire face à toutes les catastrophes, et nous avons, nous aussi, vécu une catastrophe avec le naufrage du bateau Joola.

Ensuite, recruter au niveau de l’Etat et en particulier au sommet, les meilleurs Sénégalais. Nous avons des ressources humaines exceptionnelles, puisque toutes les institutions mondiales privées comme publiques recrutent en suffisance des Sénégalais de très haut niveau et de très grande valeur. Nous allons nous occuper des fondamentaux, parce que tout travail humain nécessite deux choses, que sont une force physique et du savoir.

Je prends les exemples du Mali qui est quasiment autonome en viande et le Burkina en céréales, pendant que le Sénégal importe encore 600 mille tonnes de riz. C’est une honte. Mes premières priorités seront les secteurs pourvoyeurs d’alimentation et l’éducation. Il faudra naturellement unifier notre territoire national, pacifier la Casamance, rétablir la fourniture de l’électricité à tout le tissu économique, et désengorger Dakar, tout en mettant en état les lignes ferroviaires.

Comment pensez-vous résoudre le problème casamançais qui est un os pour presque tous les chefs d’Etat sénégalais ?

Je discute avec les Casamançais, tous les acteurs et les jeunes. Le problème, c’est de restaurer la confiance entre le gouvernement central et les populations de Casamance. Il y a fondamentalement une énorme frustration, parce que c’est une région riche, avec des ressources humaines de très grande qualité. Les meilleures performances scolaires se retrouvent à Ziguinchor et ces gens constatent qu’on ne s’occupe pas d’eux. Si je suis président de la république, ils verront que je vais m’occuper d’eux.

Je vais d’abord désenclaver cette région, en mettant trois navires pour garantir la liaison maritime entre Ziguinchor et Dakar. Je mettrai à la portée des jeunes, des activités licites. Savez-vous comment ils sont recrutés dans le maquis ? Etant au chômage, on leur propose un salaire de 250 voire 300 mille F CFA, avec des grades qui les valorisent socialement, mais les salaires sont versés pendant quelques mois et après il leur est dit que c’est à eux de gagner les revenus pour continuer à percevoir les salaires. Alors ils braquent, sont dans la drogue, etc. Il y a des solutions mais je ne ferai pas comme Abdoulaye Wade, en disant qu’en 100 jours ou autres je ferai ceci, je ferai cela.

Où en est-on avec la polémique autour du nom de votre parti ?

Nulle part. C’est une polémique ridicule, puisque le parti existe et il n’y a pas de doute là-dessus. C’était un parti membre de la CPA 21, la coalition qui soutient le président de la république. Son secrétaire général était dans le cabinet du président de la république et c’est ce parti qui a décidé, lors d’un congrès régulièrement convoqué et tenu, de changer son nom, sa direction et de s’appeler Rewmi.

Tous les textes qui régissent la vie des partis politiques ne font qu’une seule obligation à ces partis qui est d’informer l’autorité administrative lors des changements dans les statuts et nous l’avons fait. Au lieu d’une réponse du fonctionnaire du ministère de l’Intérieur qui s’occupe des enregistrements, c’est le Premier ministre qui mobilise tout son gouvernement et la télévision nationale, laissant de côté les problèmes du pays, pour dire que nous n’avons pas le droit de choisir ce mot qui est Wolof et signifie "le pays". C’est un peu comme si on décide de fermer votre journal, sous le prétexte que vous n’avez pas le droit de vous appeler "Le Pays".

Nous avons appelé notre parti Rewmi, "le pays", parce que nous avons commandité des études très importantes qui nous ont donné des recommandations très claires. Elles nous disent qu’il y a un phénomène de rejet de la classe politique dans l’opinion nationale, parce que tous les Sénégalais considèrent que les politiciens s’occupent d’eux-mêmes et pas du pays. Nous avons ensuite recruté un cabinet en marketing qui nous a dit que pour avoir du succès, les noms doivent avoir 5 lettres et être bi-syllabiques

C’est ainsi que nous avons trouvé Rewmi. Nous faisons savoir au gouvernement que nous continuons ce combat pour des raisons pédagogiques, en enseignant aux gens que l’Exécutif ne peut pas tout faire. Si l’Exécutif ne veut pas que nous nous appelions Rewmi qu’il saisisse la justice et si une juridiction nous le fait savoir, nous appliquerons la décision de justice. Le gouvernement n’a pour l’instant aucun moyen légal pour nous dire quoi que que ce soit dans ce sens.

Avez-vous un soutien au sein de la communauté religieuse, puisqu’elle est très puissante au Sénégal ?

Je ne peux pas dire que j’ai un soutien. Je sais que j’entretiens d’excellentes relations avec toutes les autorités religieuses. Je suis un croyant musulman, j’essaie d’en être un et qu’Allah agrée cette démarche et cette volonté. Je ne compte que des amis parmi les religieux, mais je ne sollicite pas leur suffrage, en tant que religieux.

Je ne sollicite d’eux que des prières pour le Sénégal, pour nous-mêmes, pour l’Afrique et la paix dans le monde. Ce sont des citoyens auxquels je parle de mon programme et si cela les agrée et que ma personne leur inspire confiance, ils voteront pour moi.

Vous ne possédez plus de passeport diplomatique et vous êtes, semble-t-il, à la recherche de ce document dans les pays voisins.

Je voyage avec ma carte d’identité nationale, puisqu’on peut se déplacer avec cette pièce dans les pays membres de la CEDEAO.

Depuis que j’ai quitté le gouvernement, mon passeport diplomatique a été renouvelé deux ou trois fois, de même que ceux des membres de ma famille et des deux inspecteurs de police qui sont restés pour assurer ma sécurité. Cette fois-ci et pour la première fois, on a tardé à le faire et j’ai donc saisi le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères auprès des services duquel la demande a été introduite.

C’est là qu’on me lit le texte qui régit les passeports diplomatiques où il est dit que les anciens chefs d’Etat, les anciens chefs de gouvernement et les anciens ministres des Affaires étrangères peuvent obtenir le passeport diplomatique, s’ils en font la demande, sur décision du président de la république et après avis du ministre des Affaires étrangères. J’ai suivi la procédure, ainsi que pour ma famille et les agents qui assurent ma sécurité.

Le ministre d’Etat, directeur de cabinet, me rappelle en me disant que le président a reçu ma lettre et qu’il me fait dire que les membres de ma famille et les deux personnes préposées à ma sécurité n’ont pas droit à ce passeport et qu’à mon sujet, il ne peut pas me le donner maintenant, puisque je ne l’aurais pas demandé en tant qu’ancien Premier ministre mais comme président d’un parti. Ce qui est ridicule, parce qu’il est vrai que j’avais utilisé un papier avec l’en-tête de mon parti mais j’ai bien mis la phrase, en ma qualité d’ancien Premier ministre.

J’ai, par la suite, utilisé un autre papier à en-tête blanc et j’ai repris la même phrase mais jusqu’à présent il n’y a pas de réponse. De toute façon je ne n’utiliserai pas ce passeport, même s’il m’est donné, puisque je voyagerai aux mêmes conditons que ma famille et ma sécurité. J’ai donc introduit une demande de passeport mais la police fait du dilatoire depuis deux mois, en disant qu’il n’y a pas de talon, ni de papier. Voici un gouvernement qui tergiverse pour m’empêcher de travailler, en violation du droit minimal de circulation, parce qu’il sait que je n’ai que des amis dans le monde.

Quand j’ai été invité aux Etats-Unis pour la signature du contrat entre le MCA (Millénium challenge account, ndlr) et au Mali, j’avais réintroduit une demande d’accélération de mon passeport et ils n’ont pas réagi. Je n’ai donc pas pu voyager. Je me suis donc résolu à avancer dans mon programme de voyage, en parcourant les pays de la CEDEAO dans l’espoir qu’à mon retour, ils me donneront un passeport. Sinon, je n’ai jamais sollicité ni un passeport gambien, ni burkinabè ni d’un autre pays. Je suis Sénégalais bon teint à 100%. En attendant, je tourne dans les pays de la CEDEAO et si j’ai mon passeport, j’irai à Paris, Washington et dans le reste du monde.

Qu’est-ce que cela vous fait de vous retrouver comme un simple citoyen sénégalais après avoir été Premier ministre ?

Je suis croyant et Dieu dit : "Je vous ferai passer par des étapes successives". J’ai été un spermatozoïde, un foetus, un bébé. J’ai fait l’école, j’ai grandi, je suis devenu ministre d’Etat et Premier ministre. Je redeviens citoyen et peut-être que je serai président de la république, avant de redevenir citoyen et je mourrai. Je vis cette étape pleinement comme une grande grâce de mon Seigneur et je l’en remercie.

Quelle que soit l’épreuve que je subis, si c’est un bienfait, c’est une épreuve pour voir si ces bienfaits surabondants vont me rendre présomptueux, plein de gloire, vaniteux ou au contraire humble et m’en servir comme moyen de faire du bien. Si c’est une épreuve de contrainte, de restriction des bienfaits y compris celui de me mettre en prison, je remercie également le Seigneur, puisque c’est un enseignement qui m’est délivré.

Je n’ai pas encore subi de peine équivalente à celle d’un Jésus-Christ crucifié, d’un Nelson Mandela, ou celle vécue en captivité par le président Léopold Sédar Senghor, ou encore celle du général de Gaulle, ou même du président Abdoulaye Wade. Je me porte très bien, et Dieu m’a accordé une grande grâce, une belle forme physique et de quoi satisfaire mes besoins essentiels.

Où gagnez-vous tout cet argent pour mener ces activités ?

Je suis très à l’aise pour répondre à cette question et là aussi j’évoque un verset du Livre. Dieu a dit : "Ne t’avons-nous pas trouvé orphelin, alors nous t’avons accueilli ; ne t’avons-nous pas trouvé égaré, alors nous t’avons aidé ; ne t’avons-nous pas trouvé pauvre, alors nous t’avons enrichi ? Quant à l’orphelin, ne le maltraite pas ; au demandeur ne le repousse pas et quant aux bienfaits de ton Seigneur sur toi, proclame-le".

Ma mère a fait la queue pendant 3 nuits pour que j’obtienne une place à l’école primaire. C’est de l’investissement de cette femme modeste et de mon père qui vendait des habits d’occasion au marché, qu’est né l’ancien élève de Saint Gabriel, de Vanvau, du lycée Marcelin Berthelot, de Sciences politiques à Paris, de l’université américaine Princetown ; le président de plusieurs sociétés dont des cabinets de consultants et d’investissements, l’ancien responsbale de la gestion de l’aide américaine en riz au Sénégal, l’ancien ministre du Commerce et de l’Industrialisation, le ministre d’Etat et Premier ministre et peut-être demain, président de la république.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 27 décembre 2006 à 15:18, par Laye En réponse à : > Idrissa Seck, ancien Premier ministre du Sénégal : "Abdoulaye Wade n’a aucune chance de gagner"

    Le pauvre !!! à l’entendre parler, tout burkinabé se dira, voilà quelqu’un de sincère !!! de droit !!! à part qu’il a juste oublié de dire au journaliste qui l’interogeait, qu’il à explicitement reconnu avoir pris de l’argent que le président lui a confié et qu’il n’en reférerais qu’au président !!!
    Alors nous sénégalais, qui ne sommes pas des brebis que tu méneras à l’abattoir, nous te demandons de nous dire ou est passé cet argent ?

    en plus Monsieur, à le culot de dire que le sénégal n’es pas auto-suffisant sur le plan alimentaire !!!! parce que nous exportons du riz en masse ? soit, vous auriez du lui demandez qu’est ce qu’il mange à la maison tout les midi ? ce sont des soi disant "patriotes" comme lui qui préfère acheter tout ce qui vient de l’extèrieur, que de leur propre pays !!! et le riz de la zone de richard toll ? c’est du bon riz, qu’on vend même au Mali !!!! pourquoi Monsieur n’en mange pas ?

    Monsieur Seck, voilà le reproche qu’on vous fait toujours au sénégal et qu’on vous faira toujours, c’est que vous ne savez même pas ce que vous valez ? vous avez fait le Mali, le Burkina, La côte d’ivoire ; qu’est ce que celà changera dans la perception de sénégalais à votre égard ? rien !!!!
    Parce que ces peuples amis, ne voterons pas chez nous !!! par contre nous, avec vos beaux discours, vos prêches je dirais, ne nous font ni chaud, ni froid ; la seule chose qui compte pour nous c’est au soir du 25 février, que vous dégagez de notre vue !!!!!

    Vous n’étes d’aucune refèrence pour aucun jeune sénégalais !!!!

    • Le 27 décembre 2006 à 21:23, par sahib En réponse à : > Idrissa Seck, ancien Premier ministre du Sénégal : "Abdoulaye Wade n’a aucune chance de gagner"

      Rassure-toi Laye. Le burkinabé n’est pas dupe. On sait que ce ’machin’ Seck est un cro-ma-gnon qui a ’su’ mettre des milliards de coté. Il prétend que cela provient de son parcours "Oh combien" pauvre à part qu’il ait été premier ministre à titre de gratitude au Seigneur Wade (que nous vénérons par dessus le marché) et qu’il n’a pas su retenir ses mains dans les poches. Crois-nous, Laye, ce monsieur si prétentieux n’est à nos yeux qu’un simple voleur ambitieux et en perte d’identité.
      Ce qu’il a pris chez Wade ? Yallah rek la xam. Que la paix règne dans nos pays.

  • Le 28 décembre 2006 à 13:40, par une famille de victime...... En réponse à : > Idrissa Seck, ancien Premier ministre du Sénégal : "Abdoulaye Wade n’a aucune chance de gagner"

    Si vous êtes élu Président que ferez-vous pour les familles de victimes de toutes nationalités concernant le drame du naufrage du Joola. Le Président Wade a refusé l’aide financière de la Commission Européenne pour le renflouement du bateau et répondre ainsi aux attentes des familles de victimes.
    Vous vous engagez à répondre aux attentes des casamançais et mettre trois bateaux pour désenclaver la Casamance. Ce peuple meurtri par ce drame "le titanic africain" attend de pouvoir se reconstruire.
    Vos excuses publiques lors du 4ème anniversaire vont-elles vous valoir des électeurs ?

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