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Côte d’Ivoire : Banny passe à la trappe de Gbagbo

Publié le mercredi 20 décembre 2006 à 06h03min

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Charles Konan Banny et Laurent Gbagbo

Le Premier ministre ivoirien, Charles Konan Banny sera-t-il mangé à la même sauce que son prédécesseur Seydou Elimane Diarra ? Tiendra-t-il le coup, ou sera-t-il, lui aussi, poussé hors du ring, groggy par les uppercuts de l’adversaire Gbagbo ?

Car, plutôt qu’un complice, il s’agit bel et bien d’un redoutable adversaire politique, le président ivoirien passant de plus en plus, aux yeux du Premier ministre Banny, mais aussi, aux yeux de la communauté internationale, pour une sérieuse entrave à la décantation de la situation. Que dire aujourd’hui sinon que l’ex-patron de la BCEAO, qu’on présentait jadis comme l’homme de la situation par sa forte carrure et son relatif détachement vis-à-vis de l’argent, a de plus en plus mal à son autorité.

Voilà en effet un Premier ministre qui, en dépit des pouvoirs renforcés que la résolution 1721 des Nations unies lui a conférés, ne peut ni nommer, ni limoger ; un Premier ministre contesté non seulement par le pouvoir - c’est devenu une constante de ce côté -, mais aussi par l’opposition, armée comme non armée. Enfin, un Premier ministre qui ne manque ni de volonté, ni d’énergie, ni de ténacité, mais, qui, hélas, voit toujours ses efforts anéantis par des intérêts "pouvoiristes".

De fait, dans tous les bras de fer que l’enfant terrible de Mama engage contre le successeur de Seydou Elimane Diarra, Konan Banny sort perdant. Dernier exemple : la réintégration, dans leurs fonctions, des responsables mis en cause dans le scandale des déchets toxiques. Après avoir été suspendus par le Premier ministre pour leur responsabilité administrative avérée dans la tragédie qui a fait officiellement 10 décès et 69 hospitalisations, ils ont tout simplement repris fonction, par la magie d’un décret présidentiel. Pratiquement sans autorité vis-à-vis d’un pouvoir qui multiplie les moyens de le disqualifier, littéralement fragilisé, notamment par la récente accusation portée contre son conseiller, Adama Bictogo, dans l’affaire du présumé putsch, et pratiquement isolé, il n’est pas exagéré d’affirmer que Banny est déjà passé à la trappe de Gbagbo.

Ce mal d’autorité est davantage souligné par l’incapacité du Premier ministre à démarrer véritablement les audiences foraines, à procéder à l’identification et au désarmement. Prévue en principe pour lundi dernier, la reprise des audiences foraines n’a en effet pas eu lieu. Les récriminations des Forces nouvelles contre le nouveau mode opératoire y seraient pour quelque chose. Mais on connaît aussi la position du camp Gbagbo à propos de ces audiences, toutes choses qui ne favorisent pas la décrispation. Tantôt accusé de faire le jeu du pouvoir, tantôt celui de l’opposition, Banny est décidément seul contre tous. Un homme à plaindre. Et si, aujourd’hui, ce dernier est dans l’impasse, la communauté internationale en porte une très lourde responsabilité. Car, en passant sous silence la Constitution ivoirienne, elle a non seulement fui ses responsabilités, mais a également fait preuve de lâcheté.

Si fait que si depuis, les démons qui hantent ce pays n’ont pas été exorcisés et qu’on en est toujours à rechercher des solutions de sortie de crise, c’est moins la faute de Charles Konan Banny, de Laurent Gbagbo, de la classe politique en général que de la communauté internationale.

A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, telle devait être la position qui devait guider les actions et décisions de la communauté internationale. Si elles avaient été prises dans ce sens, sans doute que la communauté internationale aurait évité à la Constitution ivoirienne d’être chaque fois brandie comme une arme redoutable par le président ivoirien.

Car, si le dirigeant ivoirien a eu beau jeu de crier jusque-là que la Constitution ivoirienne prime sur la résolution 1721, et de vider, par ses actions au quotidien, ladite résolution de son contenu, c’est qu’il a trouvé des insuffisances et des failles dans le contenu de la résolution. Ce n’est d’ailleurs pas la seule arme que Gbagbo a à sa disposition. Il peut en effet compter aussi sur les incohérences de la politique africaine de la France. Il est certain que le président ivoirien renforcera son capital de sympathie, à l’intérieur comme à l’extérieur, au fur et à mesure que l’Hexagone s’ingère, comme elle l’a fait récemment au Tchad et en Centrafrique, dans les affaires intérieures de ses ex-colonies et prend faits et causes pour des régimes contestés.

Par ailleurs, Gbagbo a aujourd’hui les moyens de sa politique. Il vient en effet de débourser 700 millions de F CFA pour le pèlerinage à la Mecque de ses concitoyens. Toute chose qui parle en sa faveur dans ce contexte de bras de fer.

Le Pays

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