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Débits de boissons à proximité des établissements scolaires : Le phénomène prend de l’ampleur

Publié le vendredi 15 décembre 2006 à 07h33min

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L’alcool et les élèves se disent « bonjour » au quotidien dans les lycées et collèges de Ouagadougou. Constat d’un phénomène qui prend de l’ampleur dans nos cités. Les établissements scolaires de Ouagadougou font le chou gras des débits de boissons. Presque tous les lycées et collèges ont leur kiosque ou restaurant dans lesquels, se vend la bière, les liqueurs et la sucrerie.

D’autres se retrouvent à quelques mètres des établissements. Les élèves, intellectuels de demain, sont les clients potentiels à côté des usagers de passage.

Les différents secteurs de la capitale n’échappent pas à l’emprise de cette donne. Les gérants montrent souvent leur bonne foi en affirmant qu’ils ne vendent pas la bière aux élèves mais le constat est tout autre.

En cette matinée du 12 décembre, de nombreux élèves sont en train de se désaltérer avec le « dèguè », assis aux abords du lycée Bogodogo. Certains échangent sur l’actualité de leur école, d’autres attendent impatiemment le bus au bord du bitume. Francis Bilgo est gérant du kiosque situé à la porte du lycée Bogodogo, en plein centre-ville de Ouagadougou. Selon lui, il est strictement interdit de vendre la bière aux élèves. Cependant, il n’exclut pas le fait que les élèves peuvent souvent aller en acheter ailleurs.

A l’intérieur du lycée, c’est le train-train quotidien. A la sortie des classes, des élèves sont au parking pour entrer en possession de leurs engins. Non loin, des « bosseurs » s’échinent à écrire, effacer et réécrire des formules de mathématiques sur le tableau mis à leur disposition pour les études.

A une distance de jet de pierre, par groupe de deux à quatre, des élèves se tapotent en causant de tout et de rien. Les rires aux éclats fusent. C’est sur ces entrefaites, que Christophe Goumiougou, gérant du kiosque situé à l’intérieur du lycée Bogodogo, soutient que les élèves achètent souvent la bière à l’entrée de l’établissement et la boivent à l’intérieur. « Ainsi, lorsque l’administration de l’établissement s’aperçoit de cela, elle pense que c’est nous qui avons vendu la bière aux élèves. Par la suite, elle s’aperçoit que ce n’est pas le cas ».

M. Goumiougou a affirmé que même si la vente de la bière est interdite aux élèves, il n’en demeure pas moins que certains élèves insistent à s’en faire servir. Durant les fêtes internes, les élèves ne vont pas du dos de la cuillère pour s’éclater. Pour M. Bilgo, les élèves boivent le plus, durant les fêtes de kermesse. « A cette occasion, ils commandent plus de 100 caisses de bière qu’ils vendent à l’intérieur de l’école. Et, il n y a pas de bière invendue durant ces fêtes ».

La propension des élèves à consommer la bière durant les heures de cours s’explique selon M. Goumiougou par le désir de paraître et « faire le malin devant leurs camarades ». Gonflés par ce désir, certains n’hésitent pas à se pavaner dans la cour de l’établissement, présentant « leur trophée de guerre » à leurs amis.

D’autres en achètent même pour leurs amis. Au secteur n°27 de Ouagadougou, la situation n’est pas reluisante. A quelques mètres du lycée Newton-Descartes et presque tout autour de l’établissement, des débits de boissons trônent.

Il n’y a pas longtemps, l’un des surveillants de cet établissement avaient pris trois élèves de la classe de Terminale en train de consommer la bière. « Ils buvaient une marque de bière bien connue de leur milieu durant les heures de cours ». Et, c’était des « caïds » dans le lycée. N’empêche que le surveillant les a punis après leur retour en classe, en les mettant à genoux durant plus de trois heures de temps dans son bureau. Un courage à saluer quand on sait que certains « caïds » n’hésitent pas à régler les comptes aux professeurs ou aux surveillants lorsqu’ils sont punis.

Emile Ouédraogo est le tenancier du maquis dans lequel les élèves ont été pris. Il dit être contre la consommation de l’alcool par les élèves car, « il n’est pas bien que les élèves prennent de l’alcool du fait qu’ils sont l’avenir de demain ».

Plus de 150 débits de boissons dans les établissements

La consommation de l’alcool par les élèves est le reflet de l’effritement des valeurs morales de la société. Emile Ouédraogo explique : « Avant, on pouvait corriger les enfants lorsqu’ils posaient des actes contraires à la morale. Mais aujourd’hui, si tu le fais, tu auras des problèmes avec les parents de l’enfant. C’est pourquoi chacun se méfie ». Dans les recoins de Ouagadougou, certains débits de boissons proposent des liqueurs et de l’alcool frelatés aux clients. De là à ce que les élèves franchissent le pas vers ce type de beuverie, le pire est à craindre.

En outre, le nombre de débits de boissons qui côtoient les établissements scolaires est effrayant selon les sources policières. La police municipale recensait récemment plus de 150 débits de boissons disséminés dans et/ou auprès des établissements scolaires de Ouagadougou.

Et dans ce « melting-pot », l’atmosphère des études devient difficile à gérer lorsque le kiosque ou le restaurant joue des airs de musique. Dans cette gymnastique de fréquentation des débits de boissons durant les heures de cours, les élèves se le font par groupes. Ainsi, selon Emile Ouédraogo, les élèves viennent souvent dans le maquis par groupes de 5 à 10 élèves. Et, généralement, c’est un seul qui débourse pour payer la facture selon un tenancier.

Là, la complicité des parents est engagée du fait que certains élèves se conduisent en « pacha » sans l’être vraiment. Ils viennent à l’école avec des sommes faramineuses et ne sachant pas à quel « garibou » en donner pour avoir la paix, place est faite aux beuveries. Près du lycée « Le plateau » situé dans un quartier chic de Ouagadougou, « La zone du bois », des maquis sont non loin. Juste aux abords du bitume à quelque 50 m. Même si le gérant constate que les élèves ne fréquentent pas son maquis, sa proximité d’avec cet établissement les expose. Il est midi lorsque des élèves sortent des classes pour rejoindre leur domicile.

Certains empruntent le taxi, d’autres se morfondent sur leurs engins et, les plus nantis sont véhiculés. La configuration des débits de boissons dans les établissements scolaires ne permet pas de les identifier comme tel si tant est qu’ils le sont. Souvent, ce sont des kiosques qui, à côté des services de restauration qu’ils proposent, vendent aussi de la bière. Dans ce genre de cas, il est souvent difficile pour l’administration de l’établissement de savoir qui vend quoi à qui et, quel élève achète quoi.

C’est pourquoi, tous les tenanciers reconnaissent qu’il n’est pas bon pour les élèves de consommer la bière. Christophe Goumiougou insiste pour que les élèves ne se ruinent pas dans la bière. Emile Ouédraogo sait que ce n’est pas bon à leur âge. Romain Korogo, un autre tenancier est de cet avis car, selon lui, l’alcool fait baisser le quotient intellectuel des élèves.

Les arguments ne manquent pas pour décourager les élèves tentés de faire l’expérience ou emmener à la raison ceux qui le font déjà. Cependant, quelle lecture ont les autorités de ce phénomène ? Faut-il, comme le dit la réglementation, exiger que les maquis soient au moins à 500 m des établissements ? Ou encore doit-on interdire la vente de la bière aux maquis situés à moins de 500 m des établissements scolaires ? Les autorités administratives, celles de l’enseignement secondaire ont-elles pris le pouls de la situation en terme d’impact sur les résultats scolaires des élèves ? Ce sont là autant de questions qui trouveront peut-être réponse dans le prochain numéro de « Constat ».

Daouda Emile OUEDRAOGO

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 16 décembre 2006 à 01:55, par Wendpanga En réponse à : > Débits de boissons à proximité des établissements scolaires : Le phénomène prend de l’ampleur

    Je tiens beaucoup à remercier l’auteur de ce article et par ce fait apporter mon opinion à ce problème de plus en criant. Le problème de la consommation d’alcool par les élève n’est pas du tout dû à la perdition des valeurs morales de notre époque comme certains aimeraient nous en faire croire. La preuve c’est que dans les générations passées, il n’y avait pas autant de maquis ou de bars comme c’est le cas maintenant. Avec une société de plus en plus portée à la consommation, on permet aux gens de commercialiser les boissons n’importe où. Alors comment s’étonné que l’accessibilité de ses boissons par les élève causent autants de problèmes. De ce fait si la société réagit fortement en réglementant les bars et les maquis, le mal sera éradiqué. Je ne peux toutefois pas sous silence que le problème de l’alcool touche également l’ensemble de la jeunesse burkinabé. Alors pourquoi s’acharne t-on seulement sur les élèves. Nous savons tous que des parents qui en consomment risque aussi d’inciter les enfants à la consommation, donc, il est impérative de s’attarder aussi sur les sources de ce malaise social. De plus, il me semble qu’il y ait une limite d’âge pour consommer des boissons alcoolisés hors il me semble que ce n’est pas le cas aujourd’hui. Arrêtont de toujours se refusier derrière les leçons morales et agissons avant qu’il ne soit trod tard.

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