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Joseph Toé (ODSTA) : « Quand il y a dialogue social, il y a une volonté de chercher des solutions »

Publié le vendredi 15 décembre 2006 à 07h18min

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Joseph Toé, secrétaire général adjoint de l’ODSTA

Le mouvement syndical international a connu un grand tournant avec la création de la confédération syndicale internationale. Dans l’entretien qu’il a accordé à Sidwaya, Joseph Toé secrétaire général adjoint de l’Organisation démocratique syndicale des travailleurs africains (ODSTA), aborde entre autres, les avantages de la création d’une telle internationale pour les syndicats du Sud.

Il se prononce également sur le dialogue social entre syndicats et gouvernement burkinabè. Il situe aussi les enjeux du programme verba dont il est le coordonnateur Afrique.

Sidwaya (S.) : Que pensez-vous du dialogue social entre gouvernement et syndicats burkinabè ?

Joseph Toé (J.T) : Tout d’abord, il faut féliciter le fait qu’il y ait un cadre permanent, institutionnalisé du dialogue social. Cela veut dire qu’il y a une volonté de reconnaissance mutuelle entre les syndicats et le gouvernement. Ce qui est une bonne chose. Mais du dialogue social, au-delà de son aspect institutionnalisé, il y a des techniques qui sont à cultiver en ce sens que sur une table de négociations, il faudrait qu’on apprenne à connaître les limites des uns et des autres. Cela présume un travail préalable, c’est-à-dire préparer les discussions et mettre en place les conditions de leur aboutissement.

Parce que attendre trop de quelqu’un qui n’a pas les moyens amène à une rupture ou ne pas donner à quelqu’un ce qu’il escompte parce qu’on croit qu’il ne connaît pas, qu’il n’a pas l’information exacte de ce dont on dispose peut aussi engendrer la rupture. Donc faire un compil des informations préalables sur les limites objectives de son partenaire du dialogue social permet des avancées significatives et des propositions réalistes.

Il faut féliciter le dialogue social. On a coutume de dire que la paix est la condition sine qua non pour un développement humain durable. C’est à dire que quand il y a dialogue, il y a une volonté de chercher des solutions consensuelles ou concertées à n’importe quel type de problème, en sachant bien que la rupture du dialogue social peut amener une intransigeance de position aux conséquences souvent imprévisibles.

S. : Qu’est-ce donc que le programme verba dont vous êtes le coordonnateur ?

J.T : Verba est un mot néerlandais et signifie le renforcement de l’action professionnelle. C’est toute la stratégie syndicale qui consiste à savoir renforcer l’ensemble des secteurs où les travailleurs sont présents, c’est-à-dire le transport, l’agriculture, les banques et assurances, le textile et l’habillement, etc. Une stratégie qui soit spécifique et adaptée à l’ensemble de la problématique des secteurs professionnels.

S. : Deux grandes centrales syndicales internationales viennent de fusionner. Qu’est-ce qui explique cette fusion ?

J.T : La Confédération mondiale du travail (CMT) de laquelle nous sommes issus est née en 1920. Depuis cette date, elle a connu plusieurs transformations qui visent à faire en sorte qu’elle soit une organisation qui incarne un certain nombre de valeurs et ensuite, qu’elle puisse apporter des solutions concrètes aux problèmes des travailleurs. C’est du reste, l’ambition de toute organisation syndicale digne de ce nom. Née en 1920, la CMT a connu effectivement une évolution.

De la Confédération internationale des syndicats chrétiens (CISC), elle est devenue Confédération mondiale du travail (CMT) en 1968 à Luxembourg. Après cette évolution, nous avons constaté que de plus en plus, le mouvement syndical devrait aller vers une unité d’action. Ce, d’autant plus que depuis un bout de temps, l’autre organisation internationale, la CISM et la CMT mènent de front commun un certain nombre d’actions.

Ce que nous appelons unité d’action. Au fur et à mesure, les clivages qui séparaient ces deux organisations sont tombés suite à la chute du mur de Berlin. Par ailleurs, la quasi prédominance des institutions internationales telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui prônent des politiques qui, même si à un certain moment au cours de leurs processus ont pu associer une partie des organisations syndicales que sont la CMT et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), n’ont pas pris en compte l’ensemble des aspirations des travailleurs. Alors, il fallait repenser le mouvement syndical international parce que les barrières idéologiques qui existaient sont devenues de plus en plus floues.

Alors, quand nous examinons les besoins et aspirations des travailleurs, nous devons reconnaître que nous devons transcender les clivages traditionnels, en tant qu’organisations des travailleurs. Et puisque l’adage dit que l’union fait la force, il a fallu recourir à la mise en commun de nos ressources humaines, matérielles, physiques, intellectuelles et morales pour pouvoir incarner une organisation syndicale internationale digne de ce nom qui puisse représenter l’ensemble des travailleurs du monde entier. C’est à cet effet que nous avons assisté au Congrès historique de Vienne en Autriche de novembre 2006 qui a consacré la mise en place de la Confédération syndicale internationale (CSI).

Elle regroupe 308 organisations syndicales partout dans le monde. C’est la plus puissante. C’est une alternative incontournable et un véritable contre-pouvoir face au capital financier.

S. : Les syndicats du Sud devront-ils s’attendre à des retombées substantielles grâce à cette fusion ?

J.T : Il faut dire qu’au niveau de l’Afrique, j’appartiens à l’ODSTA. L’autre régionale africaine de la CSI est l’ORAF/CISL. Quelle serait la plus-value suite à cette fusion ? Il y aura tout d’abord une régionale de cette internationale dans chaque continent.

Les régionales vont gagner qu’il existe conformément à l’évolution des contextes sociopolitiques et économiques, des espaces sous-régionaux où les organisations syndicales en tant qu’acteurs dans le processus de développement et du dialogue social doivent prendre leur place. Je veux citer l’UEMOA, CEDEAO, CEMAC, etc. Où les organisations syndicales auront la mission de parler d’un front uni. De plus en plus, on parte d’ohada, de fusion des codes de travail. Ce sont là des problématiques où les organisations des travailleurs que sont les syndicats doivent pouvoir parler d’une voix unique et d’un point de vue qui exprime au mieux les aspirations des travailleurs.

Pour ce faire, il faudra une organisation régionale forte, qui a une vision des perspectives, une organisation régionale qui puisse élaborer des stratégies afin d’apporter des réponses claires et précises aux problèmes spécifiques des travailleurs africains. Il est vrai que nous faisons partie d’une grande internationale, mais les problèmes d’organisation et de structuration des régions africains diffèrent de ceux des régions d’Amérique Latine.

Au Burkina Faso ses organisations syndicales qui font partie de la CSI sont l’USTB, la CNTB, l’ONSL et la CSB. Déjà, le fait même d’appartenir à une internationale unique fait qu’on peut jeter la base d’une unité d’action. Il faut dire que les changements qui s’opèrent au niveau international ne touchent pas le niveau national. Le pluralisme est garanti au niveau national. Chaque organisation syndicale conserve ses valeurs. Mais ces organisations syndicales doivent ouvrer dans le cadre d’une unité d’action. Ce qui est somme toute logique. Cela va donner un coup de pouce. On pourra avoir un espace de concertation national par rapport aux organisations qui appartiennent à la même internationale.

Ce qui est fort bien avenu et profite au renforcement de l’unité d’action syndicale. Je salue cette unité d’action qui existe au Burkina grâce à la bonne coordination de l’intersyndicale. Cela est à mettre l’honneur de l’histoire du syndicalisme du Burkina Faso.Toute chose qui peut impulser également une dynamique novatrice du point de vue des stratégies, du point de vue de la mise à niveau des organisations syndicales qui sont parfois en discordance s’agissant des formations, des structurations du développement de leadership, des possibilités d’accès à l’information, etc.

Entretien réalisé par Charles OUEDRAOGO

Sidwaya

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