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Ahmat Abdoulaye Ogoum, ministre tchadien des Droits humains : "Pourquoi limiter les mandats quand le président est bon ?"

Publié le jeudi 14 décembre 2006 à 07h59min

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Dans le cadre d’une mission de travail au Burkina avec son homologue burkinabè, Monique Ilboudo, Ahmat Abdoulaye Ogoum, ministre tchadien chargé des droits de l’Homme parle ici de son séjour et de la situation que vit son pays.

M. le ministre, quel est l’objet de votre séjour au Burkina ?

• Il s’agit d’une visite d’informations et d’échanges avec les différents responsables burkinabè qui ont en charge la protection et la défense des droits humains. Au Tchad, on avait un ministère délégué auprès du Premier ministre chargé des droits de l’Homme et des relations avec le parlement.

Mais depuis quatre mois, ce département est devenu un ministère autonome. J’ai préféré venir au Burina pour m’inspirer de son expérience dans le domaine. Certes, les Burkinabè n’ont peut être pas la matière première mais ils ont la matière grise.

Durant mon séjour, j’ai rencontré plusieurs personnalités dont Monique Ilboudo et différents chefs de service. J’ai eu des contacts avec certains ministres mais le calendrier des uns et des autres ne m’a pas permis de rencontrer tout le monde. En plus, j’étais là pour 13 jours mais on m’a rappelé au pays pour une urgence et si tout va bien, je rentre ce soir (NDLR : l’entretien a eu lieu le vendredi 8 décembre 2006).

J’ai également rencontré la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) et visité un Centre d’informations et de documentation du ministère de la Promotion des droits humains dans la région du Centre-Est.

J’ai fait la connaissance de l’Association burkinabè des personnes malvoyantes. J’ai en ma possession plusieurs brochures qui me permettront de découvrir beaucoup de structures de droits humains.

Qu’est-ce qui a motivé la création dans votre pays d’un ministère plein chargé des droits de l’Homme ?

• Le monde évolue. Au lendemain de l’avènement de la démocratie, les Etats africains ont mis en place des structures qui s’occupent des droits humains. Ainsi, on a créé des ministères délégués ou des secrétariats d’Etat. Mais compte tenu de l’importance de ces questions, il est nécessaire de mettre en place un ministère autonome.

Mais très souvent, c’est une coquille vide. La réalité du terrain est tout autre ?

• Non, c’est votre vision. Au contraire, il faut encourager ce processus qui est en train de voir le jour un peu partout en Afrique et sensibiliser les autres pays à suivre le pas. C’est vraiment important sinon nos gouvernants n’accorderaient pas une importance particulière aux droits humains.

Quel enseignement avez-vous tiré de votre séjour à Ouagadougou ?

• C’est une expérience. Le phénomène des droits humains est ancré au Burkina. Il y a beaucoup d’associations de défense des droits des femmes, des enfants, de personnes vulnérables, etc. C’est vraiment encourageant quand on sait que cela fait 10 à 15 ans que nos pays sont entrés dans la démocratie.

Parlons maintenant de la situation au Tchad, vous accusez le Soudan et l’Arabie Saoudite d’être à l’origine de vos malheurs ?

• C’est une réalité. Nous vivons une agression soudanaise. Le Soudan veut imposer au Tchad sa culture. Le président Idriss Déby a attiré pendant longtemps la communauté internationale sur le problème du Darfour et les risques éventuels d’aller au-delà des frontières et atteindre le Tchad.

Personne n’a voulu l’écouter et aujourd’hui, c’est devenu une réalité. On dit que ce sont des rebelles. Pour nous, ce sont des mercenaires. Vu l’armement utilisé, s’il n’y a pas de complicité extérieure, ils ne peuvent pas arriver aux portes de N’Djamena comme en avril dernier.

Nous avons fait des prisonniers et ce sont des jeunes de 13 à 17 ans que ces mercenaires utilisent au front ; ce qui est condamnable sur le plan international.

C’est devenu une mode que d’accuser les pays voisins en cas de rébellion alors que les problèmes à l’origine des crises sont internes notamment la mal gouvernance, la présidence à vie...

• C’est une exagération de la presse. La liberté fait qu’une certaine presse accuse ceux qui sont au pouvoir de tous les maux. A l’intérieur, il peut y avoir des problèmes mais des voisins mal intentionnés exploitent cela et arment ceux qui peuvent s’opposer et exercer une influence sur le pays.

L’Afrique a besoin de paix. Et tous ses fils doivent dialoguer quel que soit le problème. Il peut avoir des contradictions dans les idées mais on parvient toujours à un consensus par le dialogue.

La paix, c’est aussi un comportement. Mais lorsque les gouvernants veulent régner à vie alors que le pays va mal, il va de soi que certains prennent les armes ?

• Là aussi, c’est un faux problème. Je ne pense pas que les gens veulent s’éterniser au pouvoir. Nous avons nos réalités. ON veut peut-être calquer ce qui vient de l’Europe. Nous sommes suffisamment intelligents en Afrique.

Nous devons faire une analyse lucide de ce qui est bon pour nous. Pourquoi limiter les mandats quand on sait qu’un chef d’Etat est bon et lui laisser la possibilité de poursuivre ? Nous avons eu des royaumes.

A quel âge Nelson Mandela a dirigé l’Afrique du Sud ? Il faut laisser la possibilité à tout citoyen de défendre un programme et de se soumettre au vote du peuple.

Vous parlez tantôt d’exagération de la presse. Est-ce pour cela que vous avez instauré la censure ?

• C’est la presse qui parle de censure. Les médias, en situation exceptionnelle, doivent mesurer ce qu’ils disent. Ça ne sert à rien d’envenimer la situation. La liberté de presse au Tchad depuis 90 n’a pas sa pareille dans la sous-région. Mais il ne faudrait pas que l’on utilise cette liberté pour mettre le feu dans le pays.

On n’a pas censurer la presse. On a demandé aux journalistes d’être plus responsables, d’écrire ce qui est acceptable. Quand la presse écrit à l’encontre de l’unité nationale, il va de soi que l’on sévisse.

Contrôler le contenu des journaux avant leur parution, c’est quand même une censure ?

• Non, ce contrôle est dû au fait que ce que les journalistes écrivent enveniment la situation. Vous avez souvenance de Radio mille collines au Rwanda. Nous demandons simplement à la presse d’être responsable et de faire des analyses responsables.

A défaut, nous avons le droit, en tant que gouvernement évoluant dans un contexte exceptionnel, de réagir. Cela est permis par nos textes et certains textes internationaux.

Entretien réalisé par Adama Ouédraogo Damiss

Observateur Paalga

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