LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Avec de la persévérance et de l’endurance, nous pouvons obtenir tout ce que nous voulons.” Mike Tyson

Hamissou Kano : "Le recensement de la population ne vise aucun but fiscal"

Publié le jeudi 14 décembre 2006 à 07h46min

PARTAGER :                          

Hamissou Kano

Pour la quatrième fois dans l’histoire du pays, l’Etat burkinabè procède du 9 au 23 décembre 2006 au Recensement général de la population et de l’habitation (RGPH). Le directeur de la démographie à l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), Hamissou Kano rappelle la place de cette recommandation des Nations unies dans le processus de développement d’un pays

Il évoque aussi les moyens de réussite de l’opération et révèle les dispositions prises avec les pays voisins pour éviter tout désagrément.

Sidwaya (S.) : Pourquoi faut-il compter à un moment donné les habitants et les habitations d’un pays ?

Hamissou Kano (H.K) : On est amené à compter les habitants d’un pays à un moment donné pour s’enquérir de l’état de la population, sa dynamique, en vue de planifier le développement. Pour construire le développement, il faut
connaître le nombre des habitants, leurs besoins, leurs structures ou infrastructures. En somme, là où ils sont. C’est en fonction des besoins de la population en termes de santé, d’éducation, structures socioéconomiques... que se fait la prospective. Un recensement est mené généralement à des fins de développement. En dehors de la population et de l’habitation, d’autres éléments liés au mouvement des individus sont pris en compte.

En plus de cela, il y a d’autres variables socioéconomiques telles que la santé, les conditions de vie des populations et des ménages. Le recensement est l’opération de la plus grande envergure qui touche l’état général de la population. Les autres enquêtes (moralité, santé) sont bien ciblées. En fait, elles sont plutôt élémentaires avec le recensement. Ces opérations ne sont pas dichotomiques.

S. : Comment se fait l’organisation pratique du recensement sur le terrain ? Qui finance l’opération ?

H.K. : Il est mis en place des organes de recensement. Le comité national de recensement est l’organe politique de l’opération. Il s’occupe du pilotage au niveau national. Les comités régionaux prennent le relais au niveau des régions. A côté de ces organes, il y a les comités départementaux et communaux qui ont la charge d’assurer le recensement dans tout le pays, dans toutes ses entités. Le coût de financement de l’opération s’élève à sept (7) milliards F CFA. Pour le moment, c’est l’Etat burkinabè qui en est le principal bailleur de fonds. Mais, il est attendu la contribution des partenaires.

A ce jour, d’eux d’entre eux ont effectivement tenu leur promesse. Par exemple, le système des Nations unies contribue à l’opération pour un montant de 500 millions de FCFA. Cependant, l’essentiel du financement est assuré par le budget national. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter sur la réussite de l’opération.La contribution de l’Etat permet de démarrer l’opération et d’exécuter le dénombrement. Le budget permet de mener les activités essentielles : la cartographie, le recensement pilote, le dénombrement, l’achat des équipements (véhicules, ordinateurs...).

S. : Comment s’est fait le recrutement des agents recenseurs ? N’ y a-t-il pas lieu de s’inquiéter du succès de l’opération, vu la ruée des désouvrés vers cette activité ?

H.K. : Le recrutement des agents recenseurs a été confié à toutes les entités administratives présentes sur le territoire national. Le recensement général met en branle plusieurs ministres à travers leurs services déconcentrés, les pouvoirs publics et les élus locaux. Les agents recenseurs répondent à des critères d’ordre technique. Les critères de recrutement ont été rigoureusement respectés par les différentes entités administratives.

C’est la qualité des agents recenseurs que dépendra la crédibilité du dénombrement et de tout le recensement. Il y a environ 15 000 agents recenseurs pour l’opération. Le niveau minimum requis est le BEPC. Par contre dans les grands centres urbains comme Ouagadougou, les agents recenseurs sont pour la plupart des étudiants qui ont parfois la maîtrise. Le critère linguistique a été aussi pris en compte dans le recrutement et la répartition des agents recenseurs notamment en zones rurales. Par exemple, un agent recenseur qui ne maîtrise pas le fulfuldé ne peut pas bien opérer dans les localités du Sahel. On a tenu compte de l’aptitude de l’agent à parler la langue locale. Car la population à recenser n’est pas fortement alphabétisée ni suffisamment francophone.

S. : En matière de recensement de la population, le Burkina Faso est cité en exemple comme l’un des pays répondant régulièrement tous les dix ans à cette recommandation des Nations unies. L’écart entre deux recensements ne fausse-t-il pas la planification ?

H.K. : Les Nations unies ont recommandé à chaque Etat, de procéder tous les dix ans au recensement de la population parce qu’en une décennie, les phénomènes démographiques sont dotés d’une certaine inertie. Les valeurs dynamiques ne changent pas de façon annuelle. Il faut une certaine période pour pouvoir observer les tendances de changement.

Par exemple, les indices de mortalité ne changent pas annuellement. A cela, il faut ajouter que le recensement est une opération très coûteuse. On ne peut s’amuser à le faire fréquemment.

S. : Quel rapport établissez-vous entre recensement et développement ?

H.K. : Le lien entre recensement et développement est direct et indéniable. Etant donné que le recensement permet de rassembler des données qui permettent de renseigner les indicateurs sur les programmes de développement. C’est bien d’élaborer des programmes de développement mais il faut se donner les moyens de les suivre, d’évaluer les résultats auxquels l’on s’attend. Et seuls les indicateurs collectés à partir d’un recensement permettent de savoir où l’on va, à quel niveau l’on se trouve. Donc la relation entre recensement et développement est évidente. Il donne le dernier écho pour l’élaboration de la politique de développement.

Le recensement va faire ressortir des valeurs économiques qui touchent un peu des activités et des secteurs précis. Pour ce qui est du taux de chômage, il va permettre d’identifier le volume de la population active, le Produit intérieur brut (PIB), la part des entreprises et le taux des personnes exerçant dans les différents secteurs économiques : primaire, secondaire, tertraire. Ce sont là des éléments pris en compte par le recensement actuel.

Le recensement est la source la plus usitée en ce qui concerne le développement d’une nation. L’opération du 9 au 23 décembre 2006 ne vise aucun but fiscal. Elle contribue à connaître l’état de la population pour mieux engager les chantiers de développement. En un mot, le recensement général de la population et de l’habitation est un outil indispensable à l’élaboration des programmes et projets de développement.

S. : Le Burkina Faso vient de s’engager dans un processus de communalisation intégrale. En quoi ce 4e recensement participera à sa dynamisation ?

H.K. : L’organisation de l’opération de recensement a été vraiment décentralisée afin de collecter des données fiables au niveau local. C’est donc dire qu’après le recensement de la population, les acteurs du développement local pourront bénéficier des données les plus agrégées, les plus grandes possibles, les plus fiables possibles. Elles seront disponibles tant au plan national que régional, provincial, départemental, communal...

S. : Des questions de recensement ont souvent posé des problèmes frontaliers. Quelles sont les dispositions prises avec les pays voisins pour conduire l’opération à bon escient ?

H.K. : Avant de procéder au lancement de l’opération de recensement au Burkina Faso, les autorités ont pris le soin d’informer tous les pays voisins par le biais du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale. La voie diplomatique a été suffisamment utilisée pour nouer les contacts avec ceux qui partagent des frontières communes avec nous afin d’éviter des problèmes de cohabitation et mener le recensement dans de bonnes conditions.

A l’endroit des agents recenseurs qui interviennent dans les zones frontaliers, on leur a clairement signifié d’éviter tout ce qui peut engendrer des conflits. Il leur a été dit de n’inscrire et recenser que les populations qui se reconnaissent comme habitants du Burkina Faso. Celles qui ne se reconnaissent pas comme telle ne doivent pas être dénombrées au niveau des frontières.

S. : Qu’est-ce qui a été fait à l’endroit des populations pour recevoir leur adhésion à cette opération de recensement ?

H.K. : Il y a toute une politique de communication qui a été conçue pour expliquer aux populations le bien fondé d’un recensement général. Outre les dépliants, les affiches, les annonces ou les articles dans les journaux, des spots passent à la télévision et à la radio. Des sketchs en langues nationales (mooré, dioula, fulfuldé) sont également prévus pour informer la population.

En milieu rural, des crieurs publics interviendront pour faire passer le message. Il est envisagé des rencontres avec les leaders d’opinion, les autorités religieuses, morales ou coutumières. Le ministre de l’Economie et du Développement a déjà rencontré le Mogho Naaba dans le cadre de l’opération de recensement. D’autres rencontres de ce genre suivront avec d’autres personnalités. Il s’agit là, de porter le vrai message de l’objet du recensement : l’opération n’a aucun but fiscal.

S. : A quand doit-on s’attendre à la publication des données recueillies à travers ce recensement ?

H.K. : Après l’étape de dénombrement, la première phase consistera au dépouillement. Celle-ci aura lieu à partir de février-mars 2007. Les résultats provisoires du recensement sont attendus pour ces mois-là. Mais pour ce qui est des données définitives voire détaillées, elles seront disponibles à partir de mai 2008. Néanmoins, dès février ou mars 2007, les données provisoires globales sur l’état de la population vont être publiées sous forme de brochures et d’annonces dans les médias. Par ailleurs, les résultats définitifs de mai 2008 feront l’objet de séminaires d’institutions et de structures au niveau national, régional, provincial et local.

S. : Qu’est-ce qui garantit la fiabilité des données qui seront produites par ce recensement général ?

H.K. : La fiabilité des données résulte de la qualité des techniques et de la méthode de traitement qui est associée à la préparation de l’opération de recensement. Après avoir bien élaboré les documents de base (questionnaires), bien formé les agents recenseurs et réussi l’opération-pilote, il est certain que le dénombrement sera de qualité.

Le recensement actuel se fonde sur un ensemble de préalables, la qualité technique tant au niveau des instruments qui seront utilisés (questionnaires, matériels), la qualité de la préparation de la cartographie, la qualité du personnel de terrain, la qualité scientifique des équipes qui vont procéder à l’analyse des résultats. C’est un ensemble d’équipes bien formées.

Il y a au Burkina Faso des statisticiens et des démographes issus de grandes écoles en la matière. Cette opération de recensement bénéficie également de l’appui d’un expert international commis par le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP). La qualité de tous les maillons du recensement a été longuement et minutieusement testée avant le lancement de l’opération. Donc, les données qui seront produites seront fiables car elles seront issues d’une rigueur scientifique en matière de statistique et de démographie.

Interview réalisée par Jolivet Emmaüs
et Alassane Koumia KARAMA

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : L’ONG SOLIDEV lance le projet « Yools-Taaba »