Jacques Chirac à quelques mois de la fin de son mandat, voit ainsi son rêve qu’il entretient depuis 1987 se réaliser.

Il a fallu attendre le 6 décembre 2006, pour que la France fasse son entrée dans le monde de l’information internationale en grande pompe. Le regard français sur le monde est désormais visible et CNN, BBC World, Al-Jazira International n’ont qu’à bien se tenir.

Au cours d’une fête au jardin des Tuileries le 6 décembre dernier, à laquelle le président Jacques Chirac était présent, Alain Pouzilhac, président de France 24, a appuyé symboliquement sur un bouton symbolisant la naissance de la chaîne de télévision France 24. D’abord diffusée pendant 24 heures sur internet, France 24 est disponible sur le câble et le satellite.

En Europe, au Proche et Moyen Orient et en Afrique, le câble et le satellite sont ouverts au « regard français » sur le monde. Même certains points stratégiques des Etats-Unis, comme New York et Washington DC, la Banque Mondiale ou le FMI n’ont rien manqué du lancement. Car ce sont les leaders d’opinion que France 24 vise en particulier.

L’ambition est de leur montrer ce qu’ils ne sont pas censés savoir, en allant « au-delà de l’information » et en véhiculant les valeurs françaises de la diversité d’opinion, du débat, de la culture et de l’art de vivre. C’est en effet, par son ton que France 24 veut compenser son manque de poids financier. Car avec les 87 millions d’euros annuels dont l’Etat français a doté la chaîne, elle fait figure de petit poucet à côté des 650 millions d’euros de budget de CNN International !

Oil français et langues du monde

France 24 ambitionne de produire environ un tiers des images diffusées en s’appuyant sur ses propres reporters, ainsi que sur un réseau de 200 correspondants, grâce à des accords avec d’autres groupes médiatiques comme l’AFP, France Télévisions et TF1. Ces deux derniers détiennent en fait la chaîne française à part égale.

Patrick de Carolis (président de France Télévisions depuis juillet dernier) et Etienne Mougeotte (n°2 de TF1) se retrouvent ainsi à la tête de France 24. D’une moyenne d’âge de 30 ans, la rédaction de France 24 installée à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) et dirigée par Grégoire Deniau, est composée de 388 collaborateurs dont 170 journalistes issus de 28 nationalités différentes.

Tous ont signé une charte dans laquelle ils s’engagent à mettre en avant, et ce en plusieurs langues, « la diversité des opinions et de pensée », « le sens du débat, de la confrontation et de la contradiction » et « la tradition de la culture et de l’art de vivre à la française ». France 24 fournira un contenu unique mais décliné en plusieurs langues.

Sur le site comme sur les postes de télé, les téléspectateurs peuvent choisir entre le français, l’anglais, l’arabe (à partir de 2007) et l’espagnol (à terme). Par le câble, le satellite ou l’internet, ce sont près de 75 millions de foyers dans plus de 90 pays que France 24 prévoit de toucher. Et, d’ici trois ans, la diffusion sera élargie à l’Asie-Pacifique, l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud.

La ténacité de Chirac a fini par payer

C’est en 1987, que Jacques Chirac, alors Premier ministre, exprime le désir de voir naître une chaîne française d’information internationale et commande un rapport sur l’audiovisuel extérieur français, qui fait ressortir sa fragmentation (RFI, TV5, mais aussi, dans une certaine mesure, RFO, etc.), sa mauvaise organisation et son peu d’efficacité.

Avec le changement de majorité intervenu en 1988 et la nomination de Michel Rocard comme Premier ministre, le gouvernement lance un nouvel instrument Canal France International (CFI). La guerre du Golfe en 1990-1991, relayée dans le monde par CNN International, révèle la puissance des chaînes d’information internationales et leur rôle dans la formation de l’opinion.

Philippe Seguin souhaite alors la création d’un équivalent français. En 1996, après 19 rapports en 10 ans, le Premier ministre Alain Juppé demande à Jean-Paul Cluzel, inspecteur général des finances, alors président de RFI, de concevoir un projet de chaîne française d’information internationale.

Jean-Paul Cluzel propose en 1997 de réunir TV5, RFI et CFI au sein d’une société baptisée Téléfi. Le gouvernement décide de suivre cette recommandation. Mais avec le retour au pouvoir de la gauche à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale en 1997, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, choisit de favoriser plutôt le développement des instruments existants et en particulier TV5 Avec, en outre, la création d’Euro News en 1993, le dispositif de présence audiovisuelle de la France à l’étranger devient chaque jour plus complexe, plus éclaté et plus coûteux, sans pour autant pouvoir s’appuyer sur une véritable chaîne d’information internationale en continu, à l’image de CNN International ou de BBC World.

En 2002, Jacques Chirac relance le projet de chaîne française d’information internationale. Après sa réélection, les premières réflexions sont engagées au ministère des Affaires étrangères, dirigé par Dominique de Villepin. En 2004, tout semble prêt pour le lancement de France 24. Mais face aux mécontentements, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, temporise. La naissance officielle de la chaîne est consacrée lors d’une communication au conseil des ministres le 30 novembre 2005. Après 19 ans d’attente, France 24 est enfin lancée le 6 décembre 2006

Antoine W. DABILGOU

Sidwaya