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Croix rouge, barrage de la Bougouriba,hôpital Souro Sanou : où sont passés les 1 730 millions ?

Publié le mercredi 6 décembre 2006 à 07h42min

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Assassinats, meurtres, homicide volontaire, coups mortels, détournements de deniers publics, port illégal d’uniforme, vol à main armée, évasion, faux et usage de faux, vol de chèque, violation de domicile. C’est sous ces chefs d’inculpation de 16 accusés que se tiendra, du 8 au 15 décembre 2006, une session des assises criminelles de la cour d’appel de Ouagadougou.

Selon le procureur général, Abdoulaye Barry, qui a rencontré à ce sujet la presse le 5 décembre, dix dossiers sont inscrits au rôle. Sans conteste, le plus médiatique est celui portant sur le meurtre de notre confrère Michel Congo.

On a fini par prendre l’habitude de les voir ensemble lors des points de presse du parquet de Ouagadougou. A ces rencontres, généralement, l’un est vesté (le procureur du Faso) tandis que l’autre est drapé dans un boubou (le procureur général). Mais cette fois-ci, la tradition n’a pas du tout été respectée.

En effet, hier, c’est un Procureur général (PG) vêtu d’une veste assortie à la cravate qui a rencontré tout seul les journalistes. A la question taquine de savoir pourquoi il jouait cette fois en solo, le PG a répondu : “vous n’allez pas assommer tout le temps les deux procureurs. Il faut bien que de temps en temps, un se repose”. C’est sur ce ton de plaisanterie que l’échange avec la presse a commencé, avec trois points essentiels au menu.

Le premier a porté sur les dossiers de crimes économiques, qui ne seront pas jugés lors des présentes assises, la procédure d’instruction étant toujours en cours. Une vingtaine de dossiers sont dans cette situation. De ce lot, trois sont emblématiques, car parachutés au parquet par la volonté même du gouvernement. Le premier est une affaire de détournement à la Croix Rouge : “On parle de 700 millions FCFA”. Ce dossier est difficile, dira le conférencier, car parmi les inculpés, “il y a une personne couverte par l’immunité parlementaire”.

Une requête pour la levée de ce paratonnerre judiciaire est depuis sur le bureau du président de l’assemblée nationale. Si ce verrou saute, la machine de la justice pourra véritablement se mettre en branle. Ainsi, on saura bien comment et par qui ce trou colossal a été creusé dans les caisses de la Croix Rouge.

Le gouvernement este en justice

De la même veine, le 2e dossier porte sur une évasion de 800 millions FCFA à la faveur d’un projet dit de barrage de la Bougouriba. L’ouvrage n’a jamais vu le jour mais a tout de même englouti quelque 800 briques. Une information y relative est ouverte, mais le juge était confronté à une difficulté technique d’ordre comptable. Il vient de s’attacher les services d’un expert et désormais, les choses devraient évoluer normalement.

La dernière affaire nous vient de l’hôpital Sanou Souro de Bobo-Dioulasso. Des personnes indélicates y auraient brouté 230 millions FCFA. L’affaire, comme on le dit dans le jargon judiciaire, suit son cours.

Mine de rien, avec ces trois dossiers, ce sont au total une enveloppe de 1 milliard 730 millions FCFA qui a été enveloppée et “dealée” dans l’épais brouillard de la cupidité et de la corruption.

En découvrant ces pots aux roses, la Haute autorité de coordination de la lutte contre la corruption (HACLC) les a, dans son rapport d’activités, transmis au gouvernement qui, à son tour, a décidé d’en saisir la justice. La HACLC et les différentes inspections, comme on le sait tous, ne sont pas habilitées à transmettre à la justice les rapports de faute de gestion constatées çà et là. Le gouvernement, à travers le Premier ministre, est destinataire de tous les rapports et juge seul de l’opportunité d’engager ou non des poursuites.

D’autres dossiers de détournements sont également à la justice et mettent en cause des percepteurs quand ils était en poste à Bitou (314 millions F) à Garango (33 millions) et ONEA/Tenkodogo (3 millions).

Malgré ces chiffres qui peuvent donner le tournis, le PG a déclaré que les affaires de détournement de deniers publics sont loin d’être le plat de résistance du quotidien de la justice burkinabè.

X est devenu Saybou Ouédraogo

Le 2e grand point de cette conférence de presse a été la tenue des assises criminelles à partir de ce vendredi. Abdoulaye Barry a précisé que 10 dossiers sont enrôlés. Ces assises vont juger l’affaire Michel Congo, ce jeune journaliste qui a été sauvagement tué à son domicile.

Une enquête contre X a été ouverte et de fil en aiguille, X est devenu Saybou Ouédraogo. Ce dernier était sous mandat de dépôt mais a fini par bénéficié d’une mesure de liberté provisoire. Serait-ce là les premices d’une éventuelle relaxe pure et simple de l’accusé ? Très certainement. Mais on sera définitivement situé dessus ce samedi 9 décembre 2006.

La présente session de la chambre criminelle court jusqu’au 15 décembre 2006. A la barre, 16 accusés se défendront pour les chefs d’inculpation les plus divers. Enfin, le dernier point de cette rencontre avec les journalistes a abordé les dossiers d’actualité.

Il y a les tueries de Pièla dans le village de Botou (province de la Gnagna) en date du 28 octobre 2006. Selon le PG, trois individus ont braqué un véhicule de transport. Alertée, la police a appréhendé et enfermé au commissariat deux suspects. Elle était à la recherche du 3e braqueur. Un monsieur du nom de Yarga, venu pour savoir davantage pourquoi on avait mis aux arrêts ses deux employés, s’est vu lui aussi embastillé.

Il serait un vendeur d’or. Là où il y a embrouille, c’est qu’une partie des passagers du véhicule ont identifiés les trois détenus comme les auteurs du braquage tandis qu’une autre partie n’a pas pu les identifier. Mais puisque l’attaque avait été faite au moyen d’une arme de guerre, une kalachnikov, la police a entrepris de sa recherche.

Et selon elle, c’est en allant en brousse cherche cette arme (il semblerait qu’elle était enterrée) que les détenus ont pris la fuite et ont été abattus. “Ça, insistera Abdoulaye Barry, c’est la version de la police”. La gendarmerie de Fada est saisie et devra produire un rapport sur la circonstance exacte de la mort des trois présumés braqueurs. Mais en attendant, une chose est constante et irréfutable : “ils ont été tués par la police”.

Echapper à la vindicte populaire

Le PG a confirmé que les policiers mis en cause ont été mutés pour ne pas qu’ils subissent la vindicte populaire. Et puisqu’on ne sait pas s’il s’agit d’une légitime défense, le conférencier à précisé qu’ on ne pouvait pas, pour l’instant, les mettre aux arrêts.

Cette triste scène à Pièla n’est pas sans nous rappeler sa sœur jumelle baptisée de “les tueries de Boulporé”. C’était aussi la police en cause. Une instruction est ouverte depuis avril 2006 et a permis l’inculpation pour meurtre de trois policiers mais ils ne sont pas écroués.

Deux autres affaires sont venues clore ce point de presse. Le premier, c’est le dossier Issaka Korgo. Suite à sa relaxe, le parquet avait interjeté appel. Les parties devraient être devant la cour d’appel le 8 décembre. Mais avec les assises criminelles, le PG a déclaré qu’il y a de forte chance que ce dossier soit renvoyé à une date ultérieure.

Le deuxième dossier, c’est l’affaire Norbert Zongo, “un dossier qu’on ne peut pas passer sous silence quand on rencontre la presse. Il n’y a pas grande chose. Deux requêtes pour la réouverture du dossier ont été introduites par Robert Ménard et les avocats de la famille. Elles épousent les mêmes thèses et se fondent pratiquement sur les mêmes documents”. Ces requêtes, comme tout le monde le sait, on été rejetées.

San Evariste Barro

L’Observateur

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