LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Crise ivoirienne : 2007, année de vérité

Publié le lundi 27 novembre 2006 à 06h03min

PARTAGER :                          

Ouattara, Gabgbo et Bédié

Notre conviction est faite que l’année 2007 sera l’année de vérité pour les Ivoiriens, tant la crise est devenue transversale. A deux pas de sa fin, l’année 2006 donne l’idée d’un véritable panier à crabes. Et ce jusqu’à l’armée nationale qui se veut républicaine, qui doit s’ouvrir aux anciens rebelles et à divers miliciens du camp présidentiel, mais dont les dirigeants jurent en même temps fidélité au président Gbagbo...face au Premier ministre Konan Banny.

Lui est soutenu dans ses actions salvatrices par l’opposition et la communauté internationale. Vraisemblablement, la scène de « Toto tire Nama, Nama tire Toto » prendra fin.

Deux faits majeurs nous confortent dans notre position : la soudaine volte-face de Banny qui tient à s’assumer désormais, et l’intensification des campagnes de mobilisation du côté du camp présidentiel.

Le Premier ministre ivoirien a marqué un point en assénant un coup de massue si rapidement et sans complexe à de gros poissons du clan présidentiel. On sait que la commission d’enquête sur l’importation et le dépôt des déchets toxiques avaient ciblé différents ténors de ce milieu. Il fallait frapper pour marquer l’arrêt de l’impunité, l’affirmer haut et fort.

Pour l’exemple et pour rassurer le peuple. Le Premier ministre a osé le faire, et il en a profité pour afficher toute sa détermination à aller de l’avant. Qui sera donc la prochaine victime de la farouche détermination de Konan Banny ? Dans quel camp osera-t-il frapper la prochaine fois ? L’opposition ou le camp présidentiel ? Les Forces nouvelles, la milice ou l’armée ?

Visiblement, le chef du gouvernement a pris du galon, et il respire l’assurance. Sa patience avait certainement pris un coup, depuis qu’il joue le jeu du naïf et de l’incompris, du sandwich et du citron pressé, bref, de l’incapable. L’homme a largement pris le temps d’étudier ses concitoyens aux affaires, et de voir venir.

Les honnêtes gens comme les affreux, il sait bien les identifier. Jour après jour, il a pris de l’envergure. Il connaît désormais le milieu...qui n’a pas encore fini de le découvrir. Il a pris le temps de voir, d’enregistrer les forces et les faiblesses des uns et des autres, mais aussi les cris de désespoir du peuple en mal d’assistance. Il a aussi et surtout pris le temps d’attendre l’appui inestimable de la communauté internationale.

Si ce ne sont pas des traits qui caractérisent l’animal politique vrai, ça y ressemble. Il est vrai aussi que les textes l’empêchent de se présenter à la prochaine présidentielle. Mais le peuple ivoirien, lui, saura bien lui reconnaître ses mérites si les protagonistes se font eux-mêmes hara-kiri. Dans l’intervalle, Konan Banny le bienheureux aura au moins su faire preuve de perspicacité, de rigueur et de discipline face aux intérêts du peuple... et de la communauté internationale impliquée. En bon banquier, il aura effectivement su prendre et gérer le ticket du risque. Et cela pourrait rapporter gros.

Mais la détermination de Banny lui vient aussi du contexte de fragilisation du régime Gbagbo. Les timides réactions du camp présidentiel incitent à se demander si les sanctionnés sont des éléments sacrifiés pour leurrer l’opinion, ou s’il s’agit d’une concession, d’un recul, symptômes d’un mal qui ronge le Front populaire ? A d’autres époques, ce parti aurait, en effet, réagi autrement. Il ne s’agit point ici d’un respect des institutions et des règles, mais bien d’une capitulation. N’en déplaise à ses thuriféraires, le malaise semble gagner ce régime dont l’affaiblissement se confirme de jour en jour. Il lui devient difficile de défendre des partisans compromis.

De plus en plus fragiles et isolés, à l’intérieur comme à l’extérieur, les stratèges du Front populaire multiplient les tentatives de remobilisation et de reconquête des diverses couches sociales : les chefs coutumiers, les nombreuses communautés étrangères, les corps constitués de l’Etat, l’armée, les syndicats alliés du régime, entre autres. L’occasion est alors donnée au chef de l’Etat de demeurer visible sur la scène nationale au détriment de ses adversaires, et de se donner quotidiennement l’image de la victime, de se présenter en conciliateur et en architecte de la démocratie participative.

Mais personne n’est dupe : on sent bien l’assistance et les intervenants triés sur le volet. Et il est évident qu’une extrême lassitude caractérise les professions de foi qui se multiplient à l’occasion de ces messes dont l’organisation pue l’orchestration pure et simple. Mais n’est-il pas déjà trop tard ? Car l’isolement est déjà sur le pas de la porte.

Qu’on se le rappelle : tour à tour les dirigeants du FPI et leurs alliés ont fait fi des différentes médiations locales, sous-régionales, régionales puis internationales. Contre vents et marées, ils ont osé défié les sacro-saints principes de l’hospitalité et de la sagesse africaines. Ainsi en est-il de la « kôrôcratie » (le respect dû aux aînés) : tour à tour les Bongo, Eyadéma, Obassanjo, Wade, qui ne sont pas des moindres, ont subi toutes sortes d’humiliations pour avoir cherché à réconcilier des frères ivoiriens qui n’y voyaient plus rien du tout. La crédibilité de certains acteurs politiques est désormais minée, et le non-respect des valeurs africaines, patent. A l’évidence, la vertu du dialogue n’a jamais été une préoccupation pour le clan Gbagbo face aux misères croissantes du peuple, qui a pourtant bien une mémoire... d’éléphant ! Sans doute le redoute-t-il, puisqu’il joue des pieds et des mains pour ne pas aller à l’élection.

Aujourd’hui, l’on se demande quand interviendra finalement le choc entre le président Gbagbo, visiblement esseulé, inquiet même, et le Premier ministre, redevenu plus serein et déterminé. Jusqu’où la capacité de nuisance du clan Gbagbo le portera et où osera s’arrêter Banny ?

En apparence, les sanctions ciblées ne semblent pas pour autant faire souffrir leurs victimes. Sauront-elles digérer longtemps l’opprobre et les séquelles psychologiques consécutives aux mesures de la communauté internationale ? Sauront-elles contenir longtemps les assauts de camarades de parti plus ambitieux et libres ? Et combien d’autres militants accepteront d’aller sans grognements à l’autel du sacrifice ? De moins en moins de leaders d’opinion osent, en Afrique, prendre ouvertement faits et causes pour ce régime. D’où la difficulté de se rendre dans les grandes rencontres où se jouent pourtant le destin des peuples, et où, somme toute, l’occasion de défendre sa cause est providentielle.

A quand le choc ? Le point de friction ne pourrait-il pas se situer au niveau de la gestion des hommes en armes ? La cohésion apparente existera-t-elle longtemps ? Entre les idéaux de l’armée républicaine et les ambitions de quelques prétoriens, dont ceux embusqués à l’extérieur, que se passera-t-il ? Qu’en sera-t-il des Forces nouvelles et des milices qui doivent réintégrer l’armée nationale ? Et la communauté internationale qui joue parfois au Ponce Pilate ?

Une chose est sûre : il y a ceux qui veulent se donner la main, souffrir mais construire ensemble. Et il y a ceux qui veulent détruire parce qu’ils ne veulent pas et ne savent pas construire...avec les autres. Entre eux, il y a le peuple ivoirien qui, désormais, voit très très clair, et attend impatiemment qu’on l’invite à opérer son choix dans la sérénité, la fraternité et l’hospitalité enfin retrouvées. Chaque jour, le choix devient évident : le camp de la paix et de la démocratie à construire, ou celui du fascisme et de la guerre fratricide. Assurément, l’année 2007 saura les départager.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique