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Célestin Tiendrébéogo (SOFITEX ) : "Le Fonds de lissage va sauver les meubles de la filière coton"

Publié le jeudi 23 novembre 2006 à 08h16min

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Dans le cadre de la campagne de commercialisation 2006/2007, la SOFITEX a entrepris comme à l’accoutumée des rencontres avec les producteurs de coton de ses différentes zones, des occasions d’échanges et de partage de visions pour toujours aller de l’avant dans l’intérêt des deux parties. C’est le sens profond des "forums SOFITEX".

A cette occasion nous avons rencontré le Directeur général, M. Célestin TIENDREBEOGO, autour de la recapitalisation de la SOFITEX et sur les difficultés de la filière coton à cause des subventions européennes et américaines à leurs producteurs et aussi à cause de la chute du cours du dollar américain.

Comment expliquez-vous l’augmentation du capital de la SOFITEX qui passe de 4 milliards à 38 milliards ?

Célestin TIENDREBEOGO : On avait vivement besoin d’une augmentation de notre capital pour bien redimensionner la SOFITEX et mieux nous projeter dans l’avenir. Je voudrais vous dire que depuis 1998, l’action DAGRIS nous avait suggéré d’augmenter notre capital à l’instar de la CMDT du Mali, l’équivalent de la SOFITEX. Nous sommes la première société cotonnière d’Afrique et il n’y a pas longtemps DAGRIS nous a classé lors de son assemblée générale comme la société numéro 1 du coton dans le monde.

Cela signifie que l’entreprise a grandi, a pris des galons. Avant le plan de relance, nous étions à sept (7) usines et depuis lors onze (11) usines ont été construites. Bien que la société ait évolué positivement, le capital est resté le même, alors que ce n’est un secret pour personne, la filière-coton connaît une crise mondiale, et cela joue incontestablement sur la santé de la SOFITEX.

Rien que pour la campagne passée, nous avons enregistré des pertes s’élevant à 26 milliards de francs cfa. Une telle situation signifie que la réserve de fonds de la société en a pris un coup sérieux. Ainsi, de près de 30 milliards de fonds propres, nous sommes descendu à trois milliards au 31 décembre 2005.

Dans le cadre de l’OHADA, lorsque les fonds propres d’une société se dégradent il faut les reconstituer soit par apport en numéraires venant d’ailleurs soit par une augmentation de capital. Les sociétés cotonnières avec les accords de Bretton woods sont déclarées sociétés de droit privé ; si elles subissent des pertes, il appartient aux actionnaires de trouver les ressources nécessaires pour faire face.

Il fallait donc recapitaliser pour redimensionner la SOFITEX afin qu’elle soit en harmonie avec ce qu’elle vaut aujourd’hui sur le plan africain et mondial. Je le répète, la SOFITEX est l’une des plus grosses sociétés cotonnières au monde et elle avait le capital le plus petit du monde. Avouons que quelque chose n’allait pas. Voilà pourquoi ses actionnaires ont décidé de l’augmentation du capital qui passe effectivement de 4 milliards à 38 milliards 800.

Pour mieux faire comprendre, prenons l’exemple de la SOCOMA qui a une production de 70 mille tonnes avec un capital de six milliards. En comparaison, la SOFITEX avec ses 700 mille tonnes et qui devrait donc multiplier le capital de la SOCOMA par dix se retrouvait bizarrement avec un capital de 4 milliards. De toute évidence quelque chose ne va pas quelque part et il fallait réagir.

La CMDT au Mali avec ses 500 mille tonnes de coton avait 32 milliards qu’elle a même augmenté l’année dernière. Je pense que l’ancien capital de SOFITEX devrait tiquer plus d’une personne. Nous avons donc avec cette augmentation fait d’une pierre deux coups ; non seulement on a reconstitué notre fonds propre mais aussi assurer la confiance vis-à-vis de nos partenaires.
Sinon si les fonds propres continuaient leur dégradation, nous aurions été amené à déposer le bilan.

Certains observateurs n’hésitent pas à parler d’une certaine opacité dans la gestion de la SOFITEX, qu’en dites-vous ?

C.T : Je m’inscris en faux contre cette affirmation qui est sans fondement et qui relève du dénigrement gratuit. Le Conseil d’administration n’a jamais eu à douter des comptes de la Direction générale. Les propriétaires de la société que sont les membres du Conseil d’administration n’ont jamais eu à poser des problèmes en ce qui concerne sa gestion. Nos comptes sont là, à la portée de tout le monde. Un cabinet international audite la SOFITEX chaque année depuis 1993 et les résultats ne font ressortir aucune faute de gestion. Je ne sais donc pas où ces fameux observateurs sont allés chercher cette opacité dans une affaire qui est des plus claires et limpides.

Les bailleurs de fonds eux-mêmes ne cessent de souligner l’exemplarité de la gestion de notre entreprise. Il y a une crise qui secoue les sociétés cotonnières partout de par le monde et une des conséquences ce sont des pertes énormes, il faut le reconnaître. La SOFITEX par exemple a fait 26 milliards 400 de déficit et la SOCOMA 5 milliards.

Quels sont les impacts positifs attendus de cette augmentation de capital ?

C.T : Quand vous allez dans une banque et que vous n’avez pas de fonds propres, elle n’aura pas confiance en vous. Par conséquent, elle ne vous accompagnera pas dans vos projets. Nous avons à titre d’exemple un projet de trois usines. Nous ne pouvions pas en l’état nous endetter auprès des banques pour le réaliser. Il nous a fallu l’aval d’un certain nombre d’organismes tels le FRDC, un fonds du Conseil de l’entente.

Nous avons des ambitions, il faut un crédit de campagne, il faut des intrants ; de ce point de vue la recapitalisation va nous permettre d’avoir un bilan positif et c’est ce que regardent les banques avant d’accorder les crédits. Depuis 2003, le président du Faso est passé à l’OMC pour dénoncer les subventions américaines et européennes qui baissent le marché du coton ; or, en dépit des promesses depuis cette date, la crise ne fait que s’accentuer. Notre société était très malade et avec l’augmentation du capital social il va s’en dire qu’elle va mieux respirer.

Quand on criait partout pour demander de nous soutenir ce n’était pas de simples caprices encore moins un effet de mode. Je ne comprends pas pourquoi certains sont surpris aujourd’hui ! Rappelez-vous que le Sommet de Cancun a été bloqué pratiquement par la question des subventions dans le secteur du coton. Il y a eu des signes avant-coureurs de la dégradation financière des sociétés de coton.

La SOFITEX a pris le taureau par les cornes et nos actionnaires ont été sensibles avec l’acceptation d’augmentation de notre capital. Nos sociétés étaient très malades, mais avec la recapitalisation, nos ratios seront respectés et c’est un grand motif de réjouissance pour nous. Et si la société respire bien, il va s’en dire que les producteurs de coton vont eux aussi mieux se sentir parce qu’ils pourront mieux profiter des fruits de leur labeur.

A propos de production, ne serait-il pas temps de diversifier les cultures afin que l’on ne soit pas otage du coton dont les difficultés commencent à inquiéter sérieusement ?

C.T : Nous y pensons depuis longtemps et c’est aussi le sentiment de certains bailleurs de fonds qui nous suggèrent d’entreprendre une étude pour des cultures alternatives. Parmi ces cultures de substitution il y a entre autres, le sojà, le tournesol, etc. Je voudrais seulement souligner que la SOFITEX était dans la culture du blé ; cette culture n’a pas été porteuse, on l’a abandonnée.

La plaine aménagée du Sourou est l’œuvre de la SOFITEX quand on s’est essayé à la culture du blé. On a fait du maïs à Dinh dans le Sourou, ce fut le même résultat qu’avec le blé. On a fait le soja, le tournesol. C’est dire que nous sommes conscients de la nécessité d’explorer d’autres voies et nous y travaillons.

Pourtant le maïs entre dans l’alimentation des Burkinabè...

C.T : C’est là le gros problème justement. Quand on faisait le maïs, les brasseries de la place n’en ont pas voulu et les stocks ont pourri. Pour l’alimentation, ceux qui ont les moyens ne mangent pas le "Tô". Et je vous signale que les producteurs de coton sont aussi les plus grands producteurs de céréales. Au jour d’aujourd’hui, le maïs est au plus bas niveau de son prix sur le marché et les prix sur le marché ne sont pas ceux aux producteurs.

L’UNPCB a fait une réunion pour discuter de ce problème. On achète le maïs entre 25 et 30 F CFA le kilo. Une fois j’étais dans une de nos zones pour rencontrer les paysans autour de leurs problèmes avec les céréales. De la discussion, j’ai voulu savoir combien on achetait le kilo de foin pour le bétail, on m’a dit que 12 kg coûtent 600F CFA soit 50F le kg, alors qu’il y a la main d’œuvre, le prix de l’engrais... Ce n’est pas cynique, mais, il serait plus profitable pour les paysans d’acheter des pieds de maïs pour nourrir le bétail que d’acheter du maïs.

C’est la preuve que le coton est plus rentable que les céréales. La situation actuelle de crise ne concerne pas seulement le coton et j’ai espoir que le coton va reprendre du poil de la bête. C’est pourquoi, il ne faut pas tout casser quand ça ne va pas.

Que faut-il faire alors ?

C.T : Je pense qu’il faut jouer sur les coûts de production pour qu’ils soient compatibles avec le cours mondial. En 1992-93 on avait dit que le coton est mauvais et il fallait baisser les prix d’achat de 95 à 85F CFA. Cela a énervé les paysans parce que les prix étaient revus à la baisse après les récoltes et cela de façon bureaucratique. Ce fut la première grosse crise du coton.

Il a fallu un plan de relance en 1996 pour remonter le moral des producteurs et cela a nécessité un soutien massif du gouvernement qui a subventionné les prix des intrants. La SOFITEX a l’obligation de baisser ses coûts de production pour arriver à des prix qui puissent rémunérer les paysans. Mais il ne faut pas descendre par l’ascenseur, il faut y aller mollo - mollo.

Comment se présente la campagne 2006/2007 ?

C.T : On peut dire que ça se passe bien. Les pluies ont été abondantes, les rendements promettent une nette amélioration. Seulement l’abondance des pluies a dégradé les pistes rurales et cela pose des difficultés pour le ramassage du coton. Il y a aussi la question des usines pour égrener. Nous avons 13 usines d’égrenage et il nous en faut trois autres. Ce sera certainement pour la prochaine campagne. Pour celle en cours, il faut aller vite pour ne pas être surpris pour la prochaine saison des pluies. C’est ce que nous faisons.

Et la question du coton "B.T", l’OGM ?

C.T : Nous sommes toujours sur le dossier qui avance d’ailleurs très bien. Nous pensons être fins prêts en 2008 selon notre chronogramme. Dans un premier temps il s’agira de pré-vulgariser et c’est le cas pour tous les nouveaux produits que nous voudrons introduire dans la culture du coton.

Les paysans sont des conservateurs, ils ont une tendance à croire ce qu’ils voient. On va trouver des leaders pour assurer la pré-vulgarisation du coton "BT", avec ses champs de démonstration, les autres vont se faire une idée sur la réalité du coton "B.T". Les délais sont entre les mains des chercheurs.

Il y a trois sociétés de coton au Burkina malgré tout on ne voit que la SOFITEX ; comment l’expliquez-vous ?

C.T : Il y a le fait que la SOFITEX est la plus ancienne ; peut-être aussi que les journalistes ne vont pas très souvent vers les deux autres sociétés, la SOCOMA et Faso coton. On m’interpelle très souvent à propos de "mon usine" à Ouaga, alors que nous n’en avons pas dans cette zone. Il y a effectivement une méconnaissance de la filière. Certains pensent que je suis D.G de CITEC, de Faso Fani... On confond société cotonnière et filière coton. La SOFITEX accorde beaucoup d’intérêt à la communication, et communique beaucoup. Je suis donc fort surpris quand certains parlent d’opacité dans notre gestion.

Que doit-on entendre par fonds de lissage ?

C.T : Le fonds de lissage va être une des alternatives pour résoudre les problèmes des déficits. Il va servir à la campagne 2006/2007. Il a été adopté en conseil des ministres. La recapitalisation, le fonds de lissage et la diversification des cultures sont les trois pôles sur lesquels nous allons nous appuyer. Le fonds de lissage remplace en fait le fonds de soutien.

Le FMI l’a approuvé et cela va faire un effet d’entraînement pour les autres bailleurs. Je suis donc optimiste pour l’avenir avec ce fonds. Je suis convaincu que la filière-coton a de beaux jours devant elle malgré les difficultés qu’elle traverse en ces moments.

Par Issa SANOGO

L’Opinion

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Vos commentaires

  • Le 27 novembre 2006 à 14:46, par Jamal En réponse à : Du vol capitaliste de haut vol à col blanc...

    On fait chuter une entreprise pour la racheter à bas prix. Une augmentation de capital suggère des investisseurs nouveaux. J’aimerais bien savoir quels seront les nouveaux acquéreurs du capital de la SOFITEX ???
    Encore un coup monté pour que certains aient toujours le grappin sur les filières les plus rentables en Afrique. Après ca, on va bien sur faire remonter le cours des produits cotonniers (en supprimant les subventions) mais là, les entreprises du nord auront acquis le capital des entreprises du sud. Comme quoi le plus dur ce n’est pas dêtre le premier mais de le rester.
    Franchement, où sont donc passées les analystes financiers burkinabè ? C’est des coups qu’on apprend à faire en école de commerce, ca !

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