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Coton : Tirs croisés sur les OGM

Publié le mardi 21 novembre 2006 à 07h46min

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Le débat sur l’introduction des Organismes génétiquement modifiés (OGM) en cours au Burkina Faso, notamment dans la culture du coton, est loin d’être clos, c’est le moins qu’on puisse dire. Doit-on accepter ou pas ces fameux OGM ? Le principe de précaution est-il respecté ?

Chacun y va de ses arguments et de ses thèses libres sur la question, avec quelquefois ces relents politiciens qu’exhale le débat pourtant nécessaire. La littérature sur le sujet se faisant toujours abondante, nous avons choisi de vous proposer dans ces pages spéciales, les derrières réactions qui nous sont parvenues. Elles émanent notamment de la direction générale des productions végétales (DGPV) du ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques ; de la Coalition de veille face aux OGM (CV-OGM) ; d’un ingénieur d’élevage et ingénieur agroéconomiste ; et de notre confrère Jules Ouédraogo dont c’est le deuxième écrit sur la question.

LES RAISONS D’Y ALLER

Au Burkina Faso, la culture du coton OGM est en marche. Ce choix politique et scientifique, loin d’être un jeu du hasard, est la concrétisation d’un long processus, bien réfléchi et suffisamment bien maîtrisé. Le ministère en charge de l’Agriculture en assure la tutelle en toute responsabilité sous la conduite du ministre d’Etat, Salif Diallo, et en étroite collaboration avec les institutions nationales et internationales compétentes. Tout cela s’exerce dans le respect strict des dispositions réglementaires et des conventions nationales et internationales en la matière. Depuis 4 ans que nos instituts de recherche suivent et évaluent les potentialités de cette option.

Pourquoi en est-on arrivé là ?

Toute agriculture qui se veut moderne doit, sur la base d’un état des lieux, faire des projections pour assurer un avenir meilleur. De cette façon, elle peut garantir une meilleure compétitivité de ses produits et s’inscrire dans une dynamique de durabilité. Or, depuis déjà plusieurs années, les rendements de coton dans notre pays stagnent, les charges, elles, augmentent et les prix baissent.

Dans ces conditions, on assiste à un appauvrissement continu des producteurs et c’est le lieu de féliciter les autorités politiques d’avoir anticiper dans la recherche des voies alternatives avant le naufrage collectif. Les sociétés cotonnières cumulent un déficit de 40 milliards, a souligné le ministre Salif Diallo. Cela n’est ni un signe de vitalité, ni un signe de prospérité, mais bien un signe de fragilité de la filière. Si rien n’est fait, c’est bel et bien plus de 2 millions de producteurs qui seront bientôt dans la tourmente.

Pourquoi donc le coton transgénique (coton Bt) ?

Il faut rappeler que la culture du coton au Burkina Faso est confrontée à de redoutables ravageurs dont des chenilles qui consomment les feuilles et détruisent les capsules. Durant les années de forte pullulation, ces ravageurs peuvent anéantir tous les efforts du producteur. Même en année normale, il faut assurer au cotonnier au moins 6 traitements phytosanitaires.

Cela représente, pour les 500 000 ha emblavés en 2005, environ 18 milliards de nos francs, rien que pour l’achat des pesticides. Le coton Bt apporte des solutions. Premièrement, il permet de réduire le nombre de traitements de 6 à 2 soit 3 fois moins.

Deuxièmement, il permet de réduire les risques liés à l’utilisation des pesticides chimiques dangereux dont la pollution de l’environnement. Troisièmement, il permet d’économiser du temps et de la force de travail, pour les réallouer à d’autres activités. Par exemple, avec une exploitation de 10 ha de coton, un cotonculteur parcourt environ 600 km à pied pour réaliser les traitements. Avec le coton Bt, ce temps et cette énergie de travail sont préservés.

Une fermière de Makhatini (Afrique du Sud) lors de la conférence ministérielle sur les biotechnologies tenue à Ouagadougou le 22 juin 2004, disait à peu près ceci : « Avec le coton Bt, j’ai pu augmenter les rendements tout en réduisant les traitements chimiques. J’ai eu à manipuler moins de produits chimiques dangereux et j’ai disposé plus de temps pour d’autres activités. Le coton Bt a changé ma vie. Là-bas à Makhatini plus de 90% des producteurs cultivent ce coton ».

Les avantages attendus

Les avantages de l’utilisation du coton Bt sont attendus aussi bien sur les plans économique, social, environnemental que scientifique. Sur le plan économique, il est indéniable que l’augmentation des rendements et la réduction de certaines charges contribuent à accroître la compétitivité de notre coton. L’INERA rapporte une augmentation des rendements de 29 à 35%. Comparé à la production de 2005 qui était de 800 000 tonnes, cela aurait rapporté un gain supplémentaire en termes de devises, 28 milliards de francs CFA.

Parallèlement, on aurait économisé 15 milliards de francs CFA représentant l’achat des pesticides destinés aux 4 traitements supplémentaires. Oui, mais vous n’avez pas pris en compte le coût des semences OGM dira-t-on. C’est exact, et nous devons gagner également la bataille des semences. Et sur la question, le ministre d’Etat, Salif Diallo a été clair et il a insisté sur la nécessité de maîtriser la production des semences OGM pour garantir leur accès facile et à moindre coût.

Les négociations en cours s’articuleront nécessairement autour de ces questions et sans anticipation aucune, il est évident que le Burkina Faso n’ira pas dans un échange où il est sortira perdant.

Sur le plan social, on peut légitimement s’attendre à un accroissement des revenus, ce qui contribuerait à une réduction de la pauvreté. Aujourd’hui, les rendements sont faibles et la tendance est d’accroître les superficies pour augmenter les productions. Or les terres sont actuellement soumises à une forte pression.

L’accroissement de la productivité est une solution alternative à cette pression sur les terres en allégeant les extensions des superficies. De plus, comme mentionné plus haut, la réduction des intoxications due à la faible exposition aux pesticides chimiques et l’économie substantielle de temps et de la force de travail contribuent à un meilleur épanouissement du producteur.

Sur le plan environnemental, les retombées sont indiscutables. Si jusqu’à présent, aucune preuve de nocivité n’a été montré avec le coton Bt, il n’en est pas de même pour les pesticides chimiques dont l’utilisation pose énormément de problèmes de pollution des eaux, de destruction de la faune utile, de santé humaine et animale. Les plants transgéniques offrent une meilleure flexibilité dans la gestion de l’écosystème chez les producteurs et des récoltes plus saines (produits agricoles avec moins de pesticides) pour les consommateurs.

Le questionnement permanent sur les risques liés à l’utilisation des OGM est tout à fait normal comme cela l’a toujours été avec toutes les découvertes scientifiques. Pour le coton Bt, les débats semblent masquer la réalité des risques. Cela fait plus de quarante ans que la bactérie, du nom de Bacillus thuringiensis, organisme naturel du sol, est utilisée sur le maïs, le coton et les cultures légumières pour lutter contre les insectes ravageurs. Le principe est le suivant : une fois que l’insecte consomme la bactérie en s’alimentant sur la plante, il meurt, car la bactérie émet une protéine qui lui est toxique.

C’était la lutte biologique et tout le monde s’en félicitait, étant donné que la protéine est toxique uniquement envers les insectes nuisibles, donc préserve les organismes non ciblés des risques de toxicité. Aujourd’hui, le génie génétique a permis de raccourcir le chemin en insérant directement le gène responsable de la production de la protéine toxique dans le cotonnier.

C’est-à-dire que l’on se passe de la bactérie, de sa formulation et des longues heures de traitements. C’est cette même protéine de Bacillus thuriengis dont le coton Bt tire son nom, hier applaudie, qui aujourd’hui, fait la levée de boucliers. Oui pour le principe de précaution, qui entoure toute utilisation d’OGM, mais évitons de « foutre la trouille aux honnêtes gens » parce que tout simplement ils ignorent le principe de fonctionnement de ces OGM. A ce jour, nous n’avons pas connaissance d’une étude qui fait mention d’une toxicité de cette protéine pour l’homme.

Sur le plan scientifique, l’option d’aller vers ces technologies est un défi pour nos chercheurs qui se doivent de se former, de maîtriser la biotechnologie moderne et d’assurer la création de nouvelles variétés. Cette opportunité devrait être saisie pour faire du Burkina, une référence pour les biotechnologies en Afrique. Notre recherche devra utiliser cette technologie pour mieux améliorer nos cultures comme le sorgho, le mil, le maïs ou le niébé qui n’intéressent pas toujours les occidentaux.

Investissons dans les OGM et nous y gagnerons tous

Les Organismes génétiquement modifiés offrent aujourd’hui, dans le domaine spécifique de l’agriculture, des solutions intéressantes. Par exemple, des variétés ont été créées pour lutter contre les maladies et les insectes, s’adapter au stress hydrique, ou avoir des rendements élevés etc. Que direz-vous de la tomate, de la pomme de terre ou de l’oignon qui peuvent se conserver plus longtemps ? du sorgho, mil, ou maïs résistant à la sécheresse ? Le Burkina Faso en a besoin.

C’est aussi du courage et de la clairvoyance que d’autoriser ces expérimentations dans notre pays. Pensez-vous que le coton Bt est du bon goût des firmes de pesticides qui bon an mal an engrangent des milliards de francs pour la vente des pesticides ? Bien sûr que non ! Le seul fait d’adopter le coton Bt ferait perdre à ces firmes combien de milliards en Afrique si l’expérience du Burkina faisait école ? C’est légitime de défendre son précarré et c’est en cela que nous disons que les intérêts des populations doivent passer avant toute autre considération.

En définitive, il est évident que l’utilisation des produits transgéniques, apporte des avantages significatifs pour les pays qui les ont adopté. Ces « nouvelles cultures » ont donné la preuve de leur capacité à augmenter les rendements des récoltes, à réduire les coûts de production, à accroître les revenus et à aider à protéger l’environnement. En 2005, la superficie globale concernée par les plants transgéniques est estimée à 90 millions d’ha. Pour la seule année 2005, l’augmentation des superficies a été de 11%, soit 9 millions d’hectares.

Il y a dix ans cette superficie était de moins d’un million. Il n’y a pas de preuve plus éclatante de l’intérêt que les producteurs de ces pays ont à cultiver les plantes OGM. Aujourd’hui, ces cultures sont adoptées dans 21 pays dont 10 pays industrialisés et 11 pays en voie de développement. Pour l’heure, le Burkina Faso a opté pour le coton Bt, pour répondre à une préoccupation majeure, qui est celle de sauver la filière cotonnière et avec, la survie de millions de producteurs.

Direction générale des productions

L’Observateur

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