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Affaire Norbert Zongo : Instrumentalisée dès le début

Publié le samedi 28 octobre 2006 à 08h50min

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Norbert Zongo

Lorsque le journaliste fut assassiné en rase campagne, le 13 décembre 1998, aucun élément, ni matériel, ni intentionnel, ne permettait de désigner des suspects. Bien sûr, du fait que le journaliste enquêtait sur l’affaire David Ouédraogo qui était au service d’un proche parent du président du Faso, une certaine opinion en était arrivée à la conclusion que le pouvoir avait tout intérêt à le faire taire.

Au moment des faits, le peuple burkinabè horrifié par cette chienlit a exprimé sa désapprobation et son indignation de façon spontanée à travers une manifestation historique. Un mouvement populaire canalisé par un regroupement d’organisations de la société civile et politique baptisé Collectif des organisations démocratiques et de partis politiques.

Quoi de plus normal. Personne, même l’autorité ne pouvait empêcher à l’époque le peuple burkinabè, un peuple attaché à la liberté, d’extérioriser son indignation et de pleurer la fin tragique d’un fils intègre, intrépide défenseur du droit d’informer et de penser que fut Norbert Zongo.

Très vite, une certaine classe politique a rué dans les brancards et désigné un coupable sans autre forme de procès. La manière d’exécuter ce crime était trop parfaite et pour cette raison, indexait le pouvoir. Tout est fait comme s’il fallait réunir le maximum d’indices et de preuves pour accabler le président Compaoré ou son frère. Le moment choisi pour le crime prédisposait systématiquement à désigner au moins l’entourage de Blaise Compaoré comme coupable, pour la simple raison que Norbert écrivait trop sur l’affaire David Ouédraogo.

La rumeur publique l’avait déjà désigné comme une victime du pouvoir, et il a fallu que l’intéressé lui-même démente dans son journal cette clameur tendancieuse aux allures prétendument spontanées. François Compaoré était donc averti qu’il serait désigné responsable de tout incident malheureux qui surviendrait contre Norbert.

Mais cela révélait également que n’importe qui, pour quelque motif que ce soit, pouvait désormais attenter allègrement à la vie du journaliste et faire porter le chapeau au pouvoir. Frapper ainsi Norbert en ce moment fatidique relèverait ni plus ni moins d’une stupidité incongrue si cela venait du pouvoir. Le moins qu’on puisse dire est qu’un tel forfait, s’il était commandité par le pouvoir devait être précédé et accompagné d’un minimum de dispositions sécuritaires au niveau de l’appareil d’Etat.

Or il est manifeste et les faits l’ont largement démontré, que ce fut partout la surprise générale. Assoiffé de connaître la vérité sur cette affaire une commission d’enquête indépendante avait été mise en place et a mené des enquêtes pour ne sortir que des résultats décourageants orientés à des fins inavouées.

Une enquête orientée

Lorsqu’en janvier 1999, la Commission d’enquête indépendante (CEI) fut créée, le peuple burkinabè lui avait légitimement confié ses espoirs et ses attentes pour avoir toute la lumière sur les évènements tragiques survenus à Sapouy le 13 décembre 1998. Cette volonté commune de rétablir la vérité a été le leitmotiv qui a suscité la disponibilité des sacrifices des uns et des autres à répondre aux interpellations de la CEI. Après quatre (04) mois, la CEI a remis son rapport au gouvernement qui l’a aussitôt rendu public.

Suite à la publication du rapport et surtout après une analyse de l’exploitation faite par la CEI de certaines auditions, le peuple burkinabè épris de paix et de justice est resté sur sa faim au regard des résultats de la commission résultats dans lesquels on pouvait percevoir la main invisible de certains membres de la commission comme Robert Ménard.

L’homme de Reporters sans frontières ne voudrait en aucun cas , en matière de presse comme dans les milieux de la société civile apparaître sur un sujet quelconque, comme un défenseur de l’Etat et de ce qui lui est apparenté. Cette réalité se manifeste davantage dans notre contexte actuel où la justice semble être sans défense, au banc des accusés.

Et pourtant, dans le domaine de la recherche de la vérité, tous les a priori, toutes les pudeurs, tous les préjugés devaient pouvoir être rangés dans les placards au nom de l’impartialité, au nom du droit et de justice. L’Etat africain en particulier jouit d’un préjugé systématiquement défavorable dans la mentalité et l’approche d’un certain nombre d’associations européennes disant agir au nom du droit, et cette suspicion de principe apparaît manifestement dans la manière dont Reporters sans frontières a mené ses premières enquêtes de façon tout à fait orientée et biaisée.

Et comme il fallait s’y attendre, la Commission d’enquête indépendante (CEI) a été secouée par les comportements excessifs de Robert Ménard. On avait espéré une mise au point claire car l’intéressé non seulement violait le droit de réserve auquel il était soumis et le secret des travaux de la commission, mais en plus dénigrait proprement les autorités du pays et le pays tout entier par des propos d’une impolitesse caractérisée. Il n’en fut rien. Aujourd’hui encore on constate, il est resté toujours égal à lui-même lorsqu’il qualifia le juge Wenceslas Ilboudo de pingouin.

Prendre le recul nécessaire

Lorsqu’on observe la situation, on a comme l’impression que quelqu’un attendait (ou attend toujours) un mouvement de protestation populaire dont la violence provoquerait des bavures ou incidents irréparables.

Le regretté Henri Sebgo aimait écrire que l’un des rôles de la presse est d’aider à la formation d’une opinion publique responsable. Nous nous inscrivons dans cette ligne pour appeler tous ceux qui, légitimement, ont été comme nous indignés par l’assassinat crapuleux de notre confrère, à ne pas se laisser influencer par des individus, fut-il Robert Ménard. Tout le bruit qu’il a fait paraît être minutieusement mis en œuvre pour canaliser systématiquement les accusations vers une seule et même direction : le pouvoir, c’est très suspect.

Que chacun prenne le recul nécessaire pour réfléchir sur les mobiles profonds de ceux qui, sans compter, dépensent et se dépensent pour tenter de les rallier à un mouvement d’opposition animé de colère et de mépris du pouvoir en place. Il y a lieu d’appeler l’ensemble des citoyens et certaines organisations démocratiques à être extrêmement vigilants pour ne pas se faire utiliser.

Kibsa KARIM

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 13 décembre 2006 à 17:54 En réponse à : > Affaire Norbert Zongo : Instrumentalisée dès le début

    j’ai vécu à ouagadougou de 1998 à 2000. j’étais à son campement lorsqu’il a été tué. J ’ai en ma possession le rapport sur les causes de la mort de norbert zongo, que justice soit faite sur cette affaire douteuse. Pour la mémoire de monsieur Zongo.

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