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Jean-Claude Bouda, commissaire général du SIAO :

Publié le vendredi 27 octobre 2006 à 09h02min

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Jean-Claude Bouda

En 10 éditions, le SIAO a certainement gagné en maturité. Le commissaire général du salon, Jean Claude Bouda, situe la place d’une telle manifestation en Afrique et dans le monde, évoque les principales innovations et les opportunités du Salon pour les artisans.

S. : « Artisanat africain et commerce équitable », qu’est-ce qui justifie le choix de ce thème pour cette édition ?

J.C.B : Nous n’avons pas choisi ce thème pour sacrifier à un phénomène de mode, puisqu’aujourd’hui, on entend un peu partout parler de commerce équitable. Il faut reconnaître que c’est un sujet d’actualité. L’Afrique est un peu marginalisée dans les échanges commerciaux à travers le monde. Le secteur de l’artisanat particulièrement a été très longtemps marginalisé. C’est un secteur qui n’a pas bénéficié d’assez de soutien de la part des différentes politiques publiques au niveau du continent.

Le choix du thème se justifie par le fait que lors de la neuvième édition, nous avions organisé les premières journées de Ouagadoguou consacrées à l’artisanat et à l’économie solidaire. Les conclusions de ces journées ont abouti à la formulation du thème de la dixième édition. Les problèmes des artisans, c’est l’écoulement et la commercialisation de leurs produits. A travers donc le commerce équitable, nous pouvons offrir d’autres types d’opportunités à nos artisans pour qu’ils puissent conquérir le marché international.

Le thème du commerce équitable vise aussi à introduire beaucoup plus d’équité au niveau du commerce international. Le commerce classique, tel qu’il se pratique, n’est pas en faveur des Etats africains.

Les Africains sont beaucoup plus victimes du commerce classique. Ce sont les grands pays qui monopolisent un peu ces échanges internationaux et l’Afrique avec ses artisans, est en reste.

Le commerce équitable dans le domaine de l’artisanat est un peu nouveau. Il s’applique très facilement aux produits agro-alimentaires comme le café, le cacao. On peut parler aussi du coton. Mais au niveau de l’artisanat, on va réfléchir pour voir comment on peut tirer profit de cette thématique.

Mais commerce équitable ne veut pas dire recherche de charité ou d’humanitaire. C’est aussi pour faire des profits en respectant le producteur qui, le plus souvent, n’est pas payé au juste prix. On voudrait donc à travers ce thème limiter le nombre d’intermédiaires au niveau du circuit de distribution des produits de l’artisanat sur le plan international. Il y a aussi des dimensions éthiques dans le commerce équitable. Par exemple, le travail des enfants est proscrit. On doit aussi prendre des dispositions pour protéger l’environnement. Il y a un certain nombre de préoccupations qui sont liées à cette thématique et qui justifient le choix de ce thème.

S. : Qui finance le SIAO ?

J.C.B : Le SIAO est avant tout une institution, mais c’est aussi une manifestation. En tant qu’institution, le SIAO est un Etablissement public de l’Etat (EPE) depuis 1998. Nous bénéficions comme tous les EPE, d’une subvention de l’Etat burkinabè, modulée de deux ordres. Il y a d’abord la subvention de fonctionnement et il y a une subvention pour l’organisation des éditions.

L’Etat est le principal financeur du SIAO. Bien sûr, nous avons des partenaires qui nous appuient sur la base de projets qui leur sont soumis. Mais je déclare que véritablement c’est l’Etat qui finance le SIAO. Le SIAO aussi développe des initiatives pour générer des recettes propres, à travers la location des stands, les recettes d’entrée, le sponsoring etc.

S. : Quel est le budget pour l’organisation de cette édition ?

J.C.B : Je peux vous dire qu’il tourne autour de 600 millions de francs CFA, ce qui est raisonnable. On aurait souhaité avoir plus mais on a tenu compte des contraintes budgétaires.

S. : Qui sont vos partenaires et leurs domaines d’intervention ?

J.C.B : Nous avons des partenaires multilatéraux, bilatéraux et même privés. Nous avons des institutions comme l’UNESCO qui nous a longtemps soutenu. Il y a l’Union européenne qui a soutenu le SIAO à ses débuts. Mais vous savez que ces aides et subventions sont appelées à se réduire et à disparaître.

Au niveau de la coopération bilatérale, il y a le Danemark qui nous a beaucoup soutenu. Il y a aussi le Luxembourg, la Suisse. Il y a aussi des sociétés privées qui nous font confiance. A ce titre, il y a CELTEL, la BACB, la BRAKINA et la SONABHY qui nous apporte aussi son soutien.

S. : A quel niveau se situe leur contribution dans l’attribution des prix aux lauréats ?

J.C.B : Il y a le soutien des partenaires à l’organisation du Salon et il y a aussi des partenaires qui donnent des prix. Ça c’est un soutien indirect. Parce que cet argent ne rentre pas dans la caisse du SIAO, mais c’est pour récompenser les artisans. Par exemple, le prix de l’UNICEF récompense les femmes et les jeunes créateurs. Celtel donne un prix qui récompense les artisans qui font dans le secteur de l’environnement.

Le prix de la BACB récompense les artisans qui exercent dans l’artisanat utilitaire. Nous avons l’Union africaine qui donne un prix. RFO, une radio, donne aussi un prix. Mais ça c’est pour récompenser les meilleurs artisans du Pavillon de la créativité. Il y a aussi des prix offerts par la commune de Ouagadougou et par la marraine de l’édition, Alizèta Ouédraogo, vice-présidente de la Chambre de commerce, PDG du groupe Tan-Aliz.

S. : Quelle est la place du SIAO dans l’artisanat mondial ?

J.C.B : Je crois honnêtement que le SIAO aujourd’hui est un véritable outil de promotion de l’artisanat à l’échelle continentale. D’édition en édition, on s’est rendu compte que le SIAO est une manifestation de référence en Afrique. Le nombre des pays participants et des artisans est croissant. Je puis vous dire que dans le monde, en ce qui concerne l’artisanat africain, le SIAO est la plus grande manifestation. Il existe d’autres manifestations sur l’artisanat dans le monde mais je parle ici de l’artisanat africain. Le SIAO a pu se positionner comme la plus grande rencontre de l’artisanat africain.

S. : Qu’est-ce que le Burkina gagne à organiser le SIAO ?

J.C.B. : Il y a des retombées multidimensionnelles au niveau macroéconomique et microéconomique pour le pays. On a remarqué qu’il y a une véritable économie qui se crée et se greffe autour des éditions du SIAO. On peut parler d’une économie de l’artisanat qui est en train d’émerger autour du SIAO. Le Salon crée des activités dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme. Des artisans arrivent à vendre directement leurs produits.

Certains enregistrent des commandes qu’ils vont travailler à satisfaire toute l’année. Des emplois temporaires sont aussi créés du fait du SIAO. Même l’Etat burkinabè en profite à travers la taxe forfaitaire de 10% des produits exposés. Du reste, une étude réalisée en 2002 par un cabinet indépendant, avait évalué les retombées globales du SIAO à un chiffre qui tourne autour de 10 milliards.

S. : Comment se présente la participation à cette édition ?

J.C.B. : Ce sont 25 pays africains qui ont annoncé leur participation à l’exposition-vente. Un de nos objectifs est de donner un caractère continental au SIAO. Nous nous réjouissons que cet objectif soit atteint au cours de cette édition. L’Afrique Centrale, l’Afrique Australe, Occidentale, Orientale, le Maghreb sont représentées. C’est l’Afrique en miniature qui va exposer ses produits. C’est déjà une offre artisanale diversifiée à découvrir à cette édition du SIAO. Au niveau des artisans, il faut dire que la participation au début du Salon était celle organisée au niveau des Etats. Aujourd’hui, les participations individuelles ont pris le pas sur les participations à l’initiative des Etats.

C’est ainsi que nous avons près de 2000 artisans. C’est la preuve que les artisans ont compris que ce Salon est le leur et il faut qu’ils s’organisent pour venir eux-mêmes sans l’aide des Etats.

C’est donc une démarche privée, volontaire des artisans à venir participer parce qu’ils se sont rendus compte que c’est un véritable créneau de promotion pour eux.

S. : Vous parlez des pays africains ; n’y a-t-il pas d’autres pays ?

J.C.B. : Si, il y a des pays non-africains. Nous sommes aujourd’hui dans un contexte d’ouverture qui se traduit par la globalisation des échanges, une certaine forme d’universalité au niveau de la culture. On ne peut pas rester fermé et nous ne sommes pas contre la participation des pays hors d’Afrique. La seule condition, c’est que leurs produits soient véritablement artisanaux.

Les artisans africains ont besoin de s’enrichir des expériences des autres pays. Nous avons donc des exposants qui viennent d’Inde, de France, d’Iran.

J’ai dit qu’un Salon sans les acheteurs n’est pas un Salon véritable.

Nous avons, pour l’instant, enregistré près de 150 acheteurs professionnels venant d’Europe, d’Amérique, d’Australie et même d’Asie. C’est la preuve que ce Salon est un véritable créneau d’affaires, une opportunité pour les artisans de pouvoir nouer des relations commerciales avec les acheteurs.

S. : Pourquoi le prix des stands ne cesse d’augmenter ?

J.C.B. : Je voudrais d’abord nuancer les choses. Ce n’est pas une augmentation que nous faisons, mais des ajustements. Parce que, la dernière augmentation date de 2000 et 2002 où nous étions à 250 000 francs CFA le stand de 10 m2, aujourd’hui à 300 000 F CFA.

C’est pour des raisons très simples. Pour organiser une manifestation qui a l’envergure du SIAO, il y a beaucoup de charges. Et nous avons pour souci, d’équilibrer les choses, de maîtriser ces dépenses et en même temps, d’optimiser les recettes pour ne pas être trop dépendantes des subventions. Notre souci est de faire en sorte que le SIAO ne soit pas tributaire des subventions.

Nous éditons des supports de promotion, nous effectuons des missions de promotion, nous prenons des dispositions pour que le site soit agréable et opérationnel pour les exposants. Il y a les volets sécurité, l’assurance du site, l’assurance des marchandises en cas de sinistre. Nous organisons aussi des activités annexes d’animation, des défilés et tout cela a un coût. Malgré ces ajustements je le dis, le SIAO demeure la manifestation la moins chère au monde en termes de prix des stands. Quand vous payez les 300 000 francs CFA, vous ne vous souciez plus du montage et du démontage des stands, ce qui n’est pas le cas ailleurs. Nous offrons des stands « clés en main » et équipés.

Aucun autre pays ne le fait au monde. Le Salon a une mission de service public. Il n’applique pas la vérité des prix sur les stands. Ce sont encore des prix subventionnés qu’on applique. Si on appliquait les vrais prix, les stands coûteraient nettement plus cher. Sinon normalement, un stand coûterait entre 600 000 et 700 000 F CFA.

S. : Que fait le commissariat général du SIAO pour accompagner les artisans avant, pendant et après chaque édition ?

J.C.B. : Le commissariat général accompagne les artisans de diverses manières. Il a une mission de formation. Des sessions sont organisées à leur intention sur les rudiments de marketing. Il faut inculquer aux artisans une éthique professionnelle. Car on ne participe pas à un Salon pour vendre pendant dix jours et attendre deux ans pour une autre édition.

Un Salon permet de vendre, de rencontrer des acheteurs et de nouer des contacts débouchant sur des opportunités de commandes. C’est une aubaine qui donne à l’artisan du boulot toute l’année.

Et le SIAO s’attelle à dispenser des rudiments aux artisans sur la présentation des stands, la confection des documents (factures, dépliants...), le négoce...

Quoique ce ne soit pas les attributions premières du commissariat général, il s’y active. Au cours du Salon, une assistance est apportée aux artisans à travers le business center. Le Salon organise les rencontres artisans-acheteurs et essaie d’aplanir les difficultés. Il diffuse également l’infortation sur les commandes à travers son site Internet. Cela offre des opportunités aux artisans et aux acheteurs.

S. : L’artisanat nourrit-il son homme dans nos pays ?

J.C.B : Cette question s’adresserait mieux aux artisanats. Cependant, l’artisanat peut nourrir son homme à la seule condition que les artisans fassent preuve d’organisation et de professionnalisme. Le SIAO fait déjà un effort pour leur offrir un cadre de promotion de leurs produits au niveau international. Toutefois, le salon ne peut se substituer aux artisans eux-mêmes.

Ils doivent faire l’effort de présenter des produits de qualité, de faire preuve de dynamisme et de professionnalisme. Quelqu’un qui produit de la qualité finit toujours par récolter les fruits. Celui qui participe au SIAO avec un stand mal décoré ne recevra évidemment pas un grand nombre d’acheteurs.

Un autre artisan qui est plus regardant sur le décor, achalande bien son stand, fait la promotion avec des catalogues et des listes de prix attirera évidemment des clients et fera de bonnes affaires.

Un travail doit être fait par les artisans et leur structure d’encadrement qui les accompagne. Il faut remplir un certain nombre de conditions pour que l’artisanat puisse véritablement nourrir son homme. Quand on observe les chiffres, le SIAO 2004 a généré environ 700 millions F CFA de ventes directes et 43 milliards de commandes en dix jours. Et si, à chaque édition le nombre des artisans croit cela prouve qu’ils font de bonnes affaires.

S. : La gestion de la boisson sur le site opposerait les deux brasseurs, BRAKINA et BRAFASO. Qu’en est-il de cette guéguerre ?

J.C.B : Il y a sur le site un espace appelé « Espace restauration et buvette » qui a sa place dans le Salon. Mais ce volet ne constitue pas une préoccupation majeure pour le Salon. Ce qui nous intéresse, c’est d’offrir aux artisans un cadre de promotion et de rentabilisation de leurs produits. Les activités périphériques viennent en second rang. Et la question de la boisson ne doit pas écarter le Salon de ses objectifs fondamentaux. Il n’y a pas de polémique à faire autour de la boisson au SIAO. Dans toute grande manifestation, il y a du sponsoring.

C’est l’entreprise qui propose la plus grande mise qui est retenue. Le SIAO défend ses intérêts. Elle saisit la proposition la plus alléchante. A chaque édition d’une manifestation, il faut toujours choisir un partenaire parmi tant d’autres. Pour la téléphonie, le 10e SIAO est avec Celtel alors qu’il y a trois opérateurs dans le secteur. Je ne comprends pas pourquoi la boisson focalise le débat.

C’est l’offre la plus fournie qui retient l’attention. Tout a été fait dans la transparence et notre choix s’est porté sur BRAKINA. Ce n’est pas la première fois que des entreprises se disputent âprement le sponsoring du SIAO. Mais leur choix dépend de leur dynamisme, de l’esprit de créativité. Si une entreprise se montre agressive sur le plan marketing et arrive à séduire le SIAO à travers ses prestations, elle sera retenue.

S. : Des critiques s’élèvent pour dire que le SIAO est devenu un fourre-tout avec des produits non artisanaux. Qu’est-ce qui est fait pour se débarrasser de cette image ?

J.C.B : C’est vrai qu’à chaque édition, il y a des produits ne relevant pas de l’artisanat sur le site. Mais cela ne relève pas de la responsabilité du SIAO. Quand un artisan vient, s’inspire sur un secteur d’activités est toujours mentionné. Il arrive que le premier jour, il essaie d’exposer les produits de son secteur. Mais au fur et à mesure que le salon avance, il expose d’autres articles non artisanaux. Nous nous sommes aperçus du phénomène.

Et notre message à l’endroit des artisans est très clair : « Les produits industriels sont formellement interdits sur le site ». Tout contrevenant s’expose à des sanctions allant de la saisie du produit, à la radiation, voire à l’expulsion de l’exposant. Cela a conduit à mettre en place une commission spéciale chargée du « contrôle et de la vérification » de la nature des produits exposés et autres choses comme l’occupation anarchique d’espaces. Des notes d’information appellent les artisans au respect strict des recommandations sur la nature des produits et la non extension de son stand. Il en est de même pour les marchands ambulants du site. Les mesures sont prises pour éviter la concurrence déloyale sur le site.

Interview réalisée par Jolivet Emmaüs
Enock KINDO
Mouor KAMBIRE

Sidwaya

P.-S.

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SIAO 2006

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