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Démocratie en Afrique : L’alternance n’est pas une fin en soi

Publié le mercredi 25 octobre 2006 à 08h38min

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Omar Bongo Ondimba

"Il n’y a pas de dauphin. (...) Qui dit que la succession est ouverte ? Je serai candidat en 2012 si Dieu me donne encore la force." Désir de mettre fin à une guerre de succession entre chefs de clans ou intention réelle de briguer un autre mandat ?

Quoi qu’il en soit, le pavé a été lancé dans la mare gabonaise : Omar Bongo Ondimba, le doyen des chefs d’Etat africains, au pouvoir depuis quarante ans, se porterait candidat à sa propre succession dans six ans.

Et rien ne l’en empêcherait, si tel était effectivement son désir, puisque la Constitution a été déjà amendée pour faire sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels.

Cette loi constitutionnelle va-t-elle entraîner le Gabon dans une espèce de monarchie comme c’est le cas dans certains pays africains ? Il y a de fortes chances. Sous nos cieux, la majeure partie des chefs d’Etat qui vont en campagne électorale, n’entendent pas perdre. Pour eux, pratiquement tous les coups sont permis pour mettre au tapis l’adversaire, dès le premier round.

Mais, au fond, en quoi cela gêne-t-il, que Omar Bongo Ondimba veuille solliciter un nouveau bail, six ans après, si tel est effectivement le désir manifesté par les Gabonais ? S’il est réinvesti de la confiance du peuple gabonais, s’il se présente comme le garant de l’unité nationale, de la paix et de la stabilité et si, après 40 ans de pouvoir, il est en mesure de permettre que "demain sera meilleur qu’aujourd’hui", en quoi cela constitue-t-il une grave atteinte à la démocratie ?

Ses partisans le compareraient certainement au vin qui se bonifie avec le temps. On peut, dans ce cas d’espèce, reconnaître que le manque d’alternance n’est pas forcément une conspiration contre le peuple, puisqu’il a été voulu par les citoyens eux-mêmes. En France notamment, où la clause de la limitation de mandats présidentiels n’existe pas, cela n’aurait rien d’une secousse tellurique qu’un président sortant veuille être candidat, autant de fois qu’il le souhaite, à la magistrature suprême.

Seulement, à la différence de la plupart des dirigeants africains, ceux de l’Occident sont presqu’assurés de partir déjà perdants, surtout après deux mandats passés à la tête de l’Etat. C’est qu’il y a là-bas une véritable opinion, des électeurs - la presque totalité - capables d’opérer un choix éclairé et les élections se déroulent, à quelques rares exceptions, en toute clarté.

Or, en comparaison avec ce qui se passe dans les pays démocratiquement mûrs, force est de reconnaître que les élections organisées sous les tropiques africains - hormis quelques pays comme l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Bénin - sont de véritables mascarades électorales. Bourrage des urnes, achats de consciences, fraudes massives, bref, des victoires qui portent les vilaines marques des irrégularités. Le choix des dirigeants africains, c’est connu, ne reflète pas toujours le verdict des urnes ainsi que les aspirations réelles des peuples. De la démocratie bamboula, en fait, où sont littéralement faussées les règles du jeu démocratique dans un but ultime de conservation ad vitam du pouvoir.

Pour sûr, s’il y a avait de la sincérité dans le jeu démocratique et des citoyens parfaitement conscients du sens donné à leur voix, comme c’est le cas dans les pays du Nord, bien des chefs d’Etat africains auraient depuis plié bagages.

Dans la mesure où il est régulièrement question d’irrégularités, la limitation des mandats n’est-elle pas finalement ce qu’il faut pour l’Afrique ? Toutefois, si elle peut paraître salutaire, la limitation des mandats ne constitue pas pour autant une fin en soi. Certes, la démocratie est consubstantielle de l’alternance au pouvoir. Mais que dire d’une alternance quand c’est le même système qui prévaut, après qu’on a simplement changé la tête qui, dans l’ombre, tire les ficelles ? Il est évident que tant que des règles saines ne seront pas établies, l’alternance, même acquise dans les conditions telles que décrites plus haut, aura toujours à son tableau de grosses ombres.

C’est pourquoi, tous autant qu’ils sont, société civile, partis d’opposition, citoyens doivent, chacun à son niveau, être plus que jamais conscients de leur rôle de sentinelle. Aussi vrai qu’aucun pouvoir n’est prêt à lâcher facilement ses privilèges et avantages et à concéder la moindre parcelle de ses prérogatives, il est évident que la bataille pour l’alternance ne se gagne aisément. Et c’est en cela que les partis d’opposition, à défaut d’avoir chacun tous les moyens de sa politique, doivent mutualiser leurs moyens afin d’être présents dans tous les bureaux de vote pour se prémunir contre d’éventuelles fraudes. Le manque de perdiems ne devrait pas être une raison suffisante pour déserter un bureau de vote.

Une autre tare qui caractérise la plupart des partis d’opposition africains, c’est leur incapacité à transcender leurs divergences pour créer un front commun de lutte. L’alternance est à ce prix.

Le Pays

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