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Affaire Norbert Zongo : La « bombe » de Robert Ménard

Publié le lundi 23 octobre 2006 à 07h20min

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La célébration, ce 20 Octobre 2006, de la Journée nationale de la liberté de la presse, aura véritablement rompu avec les traditionnelles commémorations. Il faut dire que l’on sentait dans l’air que quelque chose se passerait mais on était loin d’imaginer de quoi la montagne accoucherait.

La diffusion à la télévision, en boucle, d’une publicité sur le panel consacré au non-lieu dans le dossier Norbert Zongo, constituait déjà un signe de rupture. Mais lorsque dans la foulée, la rumeur se répandit que Robert Ménard était dans nos murs, qu’il s’était longuement entretenu le jeudi 19 octobre avec les « Femmes en noir du Faso » avant de se rendre dans la famille Norbert Zongo pour des confidences, on s’est dit qu’avant son départ, le patron de RSF risquait de se distinguer à l’attention de l’opinion nationale et internationale.

Grand Dieu : on ne pensait pas si bien dire ! Il a fait des révélations en béton qui doivent en principe relancer l’affaire. Et même si nous sommes au Faso, cela devrait à tout le moins, motiver le Ministère public (c’est aussi son rôle) à diligenter des enquêtes dans la perspective d’éprouver les éléments nouveaux contenus dans les divulgations. Le fera-t-il lorsqu’on connaît la situation d’inféodation grandissante de la justice burkinabé et plus encore celle du Ministère public, à l’Exécutif ? C’est toute la question !

Le panel sur le non-lieu : Refus de la parodie

Ce panel a eu pour modérateur le Juriste Eric Sibiri Kam. Me Farama Prosper et Me Benewendé Sankara l’ont animé. Le premier a traité des aspects judiciaires et juridiques de l’affaire Norbert Zongo, montrant combien le dossier était clair alors qu’on s’acharnait à l’obscurcir. Il a rappelé qu’il y avait pas moins de 6 suspects relevant de la Garde présidentielle à se mettre sous la dent mais qu’en dépit de cela, le juge d’instruction n’a inculpé qu’un seul suspect. Et tenez-vous bien, trois ans plus tard !

Un suspect pour lequel, il ne s’est pas beaucoup démené pour le cuisiner ; alors, que pour un certain opposant, dira-t-il, on n’a pas hésité à mettre en branle toute la machine de l’Etat pour le confondre (en ce moment-là, un ange nommé Hermann a traversé furtivement la salle !).C’est dans ces conditions qu’est intervenue, le 18 juillet 2006, l’ordonnance de non-lieu, pour boucler la boucle.

Pour Me Farama, cette affaire n’a pas été instruite dans les règles de l’art, à charge et à décharge mais menée dans la perspective d’un enterrement en grande pompe. Pourtant, au vu des contradictions dont regorgent les dépositions des suspects et des témoins, il y avait de quoi ambiancer le dossier et alpaguer plus d’un. Mais ça ne sera pas le cas puisque la justice burkinabé avait déjà choisi son camp : celui d’être un instrument de l’Exécutif. Comme en ultime recours, l’avocat en viendra à se demander jusqu’à quand les bailleurs de fonds continueront-ils à financer une justice qui ne fait que condamner des voleurs de poulets et de moutons, bref, le menu fretin alors que de grosses légumes courent toujours dans une totale impunité !

Mr T. Pierre Dabiré succèdera à Me Farama pour faire la revue de presse des quotidiens et périodiques sur l’affaire Norbert Zongo et se posera la question de savoir quel avenir pour le journalisme d’investigation au Faso. Et là, plusieurs organes passeront au crible, témoignant que pendant toutes ces années, l’affaire est restée toujours présente dans les médias, attestant que les Burkinabé ne sont pas prêts à accepter l’enterrement du dossier. Il relèvera qu’après le drame de Sapouy, il s’est dégagé une nouvelle dynamique du journalisme d’investigation et qu’en conséquence, l’espoir est permis même s’il faut le nuancer puisque l’intégrité et l’honneur ne sont plus les choses les plus répandues dans ce milieu.

Me Sankara Benewendé interviendra en tant que membre du Collectif des organisations démocratiques de masse et de partis politiques. Il expliquera toutes les difficultés rencontrées mais également toute la détermination du Collectif pendant ces années de lutte. Il dira que si le dossier peut être traité à un niveau international, il est beaucoup plus recommandable de se mobiliser en interne pour le faire bouger.

Me Sankara a relevé que la ligne du Collectif a contribué à faire avancer les choses au plan politique avec les réformes qui ont permis la percée de l’opposition en 2002 lors des législatives. Il a regretté au passage que le parti au pouvoir s’attelle à remettre en cause les mesures consensuelles qui ont été à la base de ces réformes. Il soulignera que le Collectif n’a pas la prétention d’avoir justice pour Norbert Zongo sous le régime de Compaoré encore que, précise-t-il, cela peut dépendre d’un rapport de forces favorable ; mais qu’en l’état actuel des choses, la lutte du Collectif est plutôt une lutte de longue haleine inscrite dans la durée.

A noter que, avant que la parole ne soit donnée à Robert Ménard, les "Femmes en noir du Faso" ont distribué une Déclaration dans la salle.

La « bombe » de Robert Ménard

Entrée en scène : Robert Ménard avait à ses côtés Léonard Vincent, responsable Afrique de RSF. Abasourdie, l’assistance (venue si nombreuse que beaucoup de personnes étaient débout) a entendu le patron de RSF faire un déballage détonant qui, à n’en pas douter, ne sera pas du goût du pouvoir.

Il a expliqué, documents à l’appui, que la Commission d’enquête indépendante mise en place pour investiguer dans le dossier Zongo, avait recueilli des dépositions dérangeantes pour ne pas dire « incriminantes » à l’endroit notamment de François Compaoré et de El hadj Oumarou Kanazoé, que cela a fait l’objet d’un premier rapport en date du 26 avril 1999 mais que le pouvoir promettant de favoriser le traitement diligent et équitable du dossier, a obtenu d’eux qu’il ne soit pas intégré dans le rapport définitif en date du 7 mai 1999. C’est donc un rapport édulcoré qui sera déposé auprès du premier Ministre et du juge d’instruction.

A travers des documents distribués séance tenante, il est effectivement ressorti des contradictions qui confondent François Compaoré et El Hadj Oumarou Kanazoé. Il apparaît clairement, en ce qui concerne tout d’abord François Compaoré, qu’il a voulu cacher la vérité dans cette affaire. Il affirme en effet ceci : « Le 4 décembre 1997, mon épouse m’a appelé au bureau pour me dire qu’elle avait constaté un vol d’argent de 19 870 000 francs CFA. (..) Dans un premier temps, j’ai saisi le commandant Bassolet de la gendarmerie qui m’a suggéré de formuler une plainte écrite, afin de lui permettre d’intervenir. Dans un deuxième temps, j’ai appelé Kafando Marcel, responsable de la sécurité rapprochée du chef de l’Etat, pour l’informer des faits. Mon épouse a effectivement déposé une plainte écrite auprès de la brigade de recherches de gendarmerie de Ouagadougou. Marcel Kafando s’est présenté à mon domicile une heure après et est sorti avec David Ouédraogo pour retrouver le domicile de Hamidou et de Adama (les deux employés de maison licenciés précédemment). C’est ainsi que les deux ont été interpellés ».

C’est ainsi que François Compaoré est tout à fait affirmatif sur la date du 4 décembre 1997, date d’arrestation de ses employés : « Mon épouse a envoyé la plainte à la gendarmerie dans la matinée du 4 décembre 1997. Les compagnons de David Ouédraogo ont été arrêtés en fin de soirée le même jour ».

Il est d’abord contredit par Jean-Baptiste Ilboudo qui dit tout aussi clairement et sans hésitation, qu’il a été arrêté « le mardi 2 décembre 1997, aux environs de 10 heures ». Hamidou Ilboudo quant à lui explique que « le 29 novembre 1997 (...), un groupe de militaires est venu m’arrêter vers minuit ».

Ce n’est pas fini : il reste encore Hadama Tiendrébéogo qui affirme de son côté avoir été « arrêté le mardi 2 décembre 1997 à 2 heures du matin ».

Il ressort clairement de ces dépositions que tout s’est effectivement passé dans l’enceinte du Conseil de l’Entente et non pas à la gendarmerie, que contrairement aux affirmations de François Compaoré, la soi-disante plainte déposée à la gendarmerie, si elle a eu lieu, a été postérieure au 4 décembre 1997. On peut alors suspecter le frère du chef de l’Etat, d’avoir menti pour cacher quelque chose. On comprend pourquoi dans ces conditions, tout a été mis en œuvre pour éviter que cette déposition figure dans le rapport final !

Sinon, de fil en aiguille, on aurait établi le meurtre de David Ouédraogo avec toutes les complicités, le recel de cadavre opposable à François Compaoré mais aussi le recel de malfaiteurs dans l’enceinte du Conseil de l’Entente qu’on aurait pu brandir contre Blaise Compaoré lui-même.

Sans compter l’usurpation de titre amenant à traiter cette affaire au Conseil de l’Entente au mépris de la justice en usant de tortures au vu et au su de tous, jusqu’à ce que l’infortuné David Ouédraogo passe de vie à trépas. Une chose entraînant l’autre, on serait revenu sur la mort, suspecte pour beaucoup, de l’adjudant-chef Abdoulaye Semdé et des procès-verbaux signés par lui, dit-on, pour servir d’alibi à François Compaoré, et qui attesteraient que David Ouédraogo a été amené à la gendarmerie. Même Mme Compaoré François aurait dû s’expliquer encore sur cette fameuse date du 4 décembre 1997, devant le juge.

Qu’en est-il maintenant de El Hadj Oumarou Kanazoé ? Comme François Compaoré, il est tout à fait catégorique dans la déposition faite à la CEI : « Je n’avais jamais entendu parler de Norbert Zongo. (..) et je n’avais jamais rencontré Norbert Zongo. Je n’ai jamais demandé à Norbert Zongo d’arrêter d’écrire sur l’affaire David Ouédraogo. Je n’ai jamais demandé non plus à quelqu’un d’autre de le faire. (..). Je n’ai jamais remis de cadeaux à X (à la demande de la personne citée. La commission s’est engagée à taire son nom) pour les remettre à la mère de Norbert Zongo. (..). Je n’ai jamais offert de cadeaux ni en numéraires ni en nature à la famille de Norbert Zongo. (..). X et moi n’avons jamais évoqué ensemble l’affaire David Ouédraogo ». Pour peu, on le rebaptiserait El Hadj Jamais mais il sera tout comme François Compaoré, confondu !

Monsieur X dira en effet ceci : « Je me rappelle qu’en début février 1998, une personne que je connais m’a appelé et m’a dit qu’elle sait que Norbert Zongo est un ami à moi et que nous avons vécu ensemble et que dans ce sens, elle allait me demander un service (..). Il me (proposait) d’aller voir un de ses proches, notamment sa mère, afin qu’elle puisse convaincre Norbert Zongo de mettre un peu d’eau dans son vin, de laisser tomber l’affaire David Ouédraogo. Il a sorti une somme de cent mille francs que je devais remettre à la mère de Norbert Zongo afin qu’elle puisse intervenir auprès de son fils pour le conseiller. J’ai pris la somme et je suis allé voir Norbert Zongo. (..) Je lui ai montré l’argent en lui disant que je ne pouvais pas le contourner et aller voir sa mère. (..) je suis retourné remettre la somme de cent mille francs à l’intéressé en prenant soin de lui dire de ne plus me mêler à une affaire qui ne me regarde pas. (..). La personne qui m’a envoyé chez Norbert Zongo, c’est El hadj Oumarou Kanazoé ». Voilà qui dans un Cabinet d’instruction, ne souffrirait d’aucun débat !

El Hadj Kanazoé pourtant ne s’arrête pas là ; droit dans ses bottes, il continue à nier, affirmant aussi n’avoir jamais rencontré Marcel Zoungrana, un ami de Norbert Zongo, ce que contredit ce dernier : « Moi-même, j’ai entrepris des démarches pour essayer de trouver un terrain d’entente entre François Compaoré et Norbert Zongo. Dans la mesure où Oumarou était déjà intervenu, je suis donc allé le voir. Il a trouvé la démarche bonne. (..) et m’a offert 50.000 francs et à promis de contacter le chef de l’Etat pour cela ». Malgré les déclarations de Zoungrana, El Hadj « Jamais » persiste et signe : « Je maintiens que je n’ai demandé à personne d’intervenir et personne ne m’a demandé d’intervenir ».

Mais voilà que, confronté à Marcel Zoungrana, la mémoire revient comme par enchantement à l’entrepreneur qui finit par dire : « En effet, un jour, les trois personnes dont on vient de citer les noms (Marcel Zoungrana, Jean-Pierre Simporé et Cyril Goungounga) sont venues me voir et m’ont présenté Zoungrana Marcel comme étant un ami de Norbert Zongo. Elles m’ont demandé d’intervenir pour régler un problème. Je leur ai demandé de retourner voir Norbert Zongo et lui demander quelles étaient ses conditions. (..) Quand elles sont venues me voir la deuxième fois, elles m’ont fait comprendre que Norbert avait transmis trois conditions à François Compaoré. J’ai répondu que dans ces conditions, il fallait qu’il attende la réponse et que je ne pouvais plus intervenir ».

Malgré cet effort de mémoire, Oumarou Kanazoé semblait en avoir bien plus dans sa « besace » qu’il n’en avait sorti puisque Marcel Zoungrana maintiendra mordicus ceci : « Je maintiens que nous lui avons transmis les trois conditions de Norbert Zongo (présenter ses condoléances et des excuses, indiquer le lieu de la tombe et prendre en charge les orphelins). (..) Il nous a promis, je pense qu’il allait prendre contact avec le chef de l’Etat et qu’il allait nous rappeler ».

Ce à quoi, imperturbable, Oumarou Kanazoé réplique : « A la fin de notre entretien, je n’ai jamais promis que j’allais rappeler qui que ce soit ». Il se trouve, comble de malheur pour El Hadj, que le jour de l’entretien, il y avait une autre personne, Jean-Pierre Simporé, qui confirmera mot pour mot la déposition de Marcel Zoungrana : « A l’issue de notre entretien, Oumarou Kanazoé avait promis qu’il allait chercher à rencontrer François Compaoré et que par la suite, il me rappellera ».

Là aussi, c’est accablant : dans n’importe quel Cabinet d’instruction, la volonté de dissimulation serait vite apparue au magistrat instructeur. On peut ici aussi comprendre que l’on ait tout fait pour que ces dépositions truffées de contradictions, n’aient pas été versées au rapport.

De question en question, on aurait cherché à percer le mystère de l’implication de El Hadj dans le dossier, de son obstination à ne pas reconnaître les faits, et l’obstruction manifeste à la justice, les faux témoignages auraient pu déboucher sur d’autres révélations voire sur d’autres incriminations.

Voilà ce que Robert Ménard a livré à la connaissance de l’assistance, soulignant aussi qu’en dehors de ces deux personnes, des témoignages ont fait ressortir que Norbert Zongo avait été l’objet de pressions de la part de bien d’autres personnes et notamment du Procureur du Faso de l’époque, Dramane Yaméogo.

Pour le patron de RSF, puisque le pouvoir a renié sa promesse de mener le dossier jusqu’à son terme avec le non-lieu, il se trouve également délié de son engagement ; il affirme qu’il se battra pour que l’affaire ne soit pas enterrée, qu’il tambourinera aux portes des instances judiciaires de la Cedeao, de l’Union Africaine comme à celles de la justice internationale reliée au système des Nations Unies. Mais il commencera au plan national.

C’est ainsi qu’avec les avocats, le dossier sous le bras, ils se sont rendus auprès du Juge d’instruction, du Procureur du Faso, du Procureur général pour demander de sonner la reprise du round judiciaire, mettant donc à disposition de la justice et de l’opinion ces faits nouveaux qui, normalement, devant toute justice indépendante, suffiraient à réactiver le dossier.

Sacré Ménard qui décidément, ne lâche jamais le morceau lorsqu’il le tient entre les crocs !

Le devoir de rouvrir le dossier

Ce qui ressort clairement des révélations de Robert Ménard, c’est l’obligation de rouvrir le dossier Norbert Zongo. Face aux éléments nouveaux incontestables dont le patron de RSF a fait état, les magistrats instructeurs se discréditeraient totalement en gardant le dossier dans le tiroir. Il y a maintenant matière à interpeller, à confronter, à investiguer. Il sera également ardu voire risqué pour le pouvoir, de jouer de pressions pour tenter de retenir la justice et l’empêcher cette fois-ci d’engager véritablement l’examen du dossier dans les normes.

Le contexte ne s’y prête pas compte tenu de la rancœur nationale montante en raison de l’injustice structurelle dans la gestion de l’Etat dénoncée notamment par l’Ambassadeur de France sur le départ et de la mauvaise gouvernance en général, dopée par un mépris insultant vis-à-vis du peuple.

C’est pour cela que les avocats de la famille, en se rendant accompagnés de Ménard, auprès des magistrats pour déposer les nouveaux éléments, étaient plutôt confiants et que leurs vis-à-vis, les magistrats, faisaient en revanche grise mine, énervés de surcroît par ces empêcheurs de tourner en rond qui par leur requête, tentaient de troubler une affaire ficelée à leur niveau. Ils s’attendaient à une simple visite de courtoisie ou à des banalités sur le pourquoi du non-lieu dont ils avaient sans doute déjà les réponses toutes faites. Ils devront méditer sur les motifs de fait et de droit contenus dans la requête déposée entre leurs mains (voir requête ci-après).

A ce stade, il est bon de rappeler les propos du juriste Edouard Ouédraogo, repris par l’hebdomadaire l’Opinion du 31 août dernier : « Pour terminer, je dois souligner que l’instruction n’est pas finie une bonne fois pour toute. Il y a la possibilité de rouvrir l’instruction parce que l’article 188 du code de procédure pénale dit que l’instruction peut être rouverte sur réquisition du ministère public et sur charges nouvelles. L’article 189 définit ce qu’il faut entendre par charges nouvelles. Ce sont les déclarations de témoins, pièces, procès-verbaux, autres éléments n’ayant pas pu être fournis au juge avant le non-lieu et qui sont susceptibles de modifier son appréciation ».

En conclusion, c’est vraiment un sale temps pour le pouvoir qui semble plus que jamais rattrapé par l’histoire.

Face à ce dossier Thomas Sankara, qui est en train de rebondir du côté des Nations Unies, il y a cette affaire de 50 millions fcfa qui sent à plein nez une corruption de haut niveau, pas du tout reluisante pour l’image de notre justice et de nos gouvernants ! Voilà maintenant des divulgations difficiles à mettre sous le boisseau et qui risquent de désorienter davantage ces partenaires techniques et financiers qui commencent à se tenir les narines quand on parle de justice au Burkina Faso.

Mais il ne faut pas oublier qu’il existe notre Code de procédure pénale, un article 190 ainsi libellé : « Il appartient au ministère public seul de décider s’il y a lieu de requérir la réouverture de l’information sur charges nouvelles ». La hiérarchie s’en prévaudra pour intimer l’ordre au Ministère public de battre froid à la demande de réouverture. Il le fera certainement, assuré d’avoir les protections médiatiques très fortes qui l’aideront à banaliser les éléments de fait et de droit contenus dans la requête mais aussi une complicité toujours présente (même en érosion) de partenaires qui risquent de n’émettre tout au plus que des protestations tamisées en cas de refus d’ouverture.

Il faut s’attendre aussi à ce qu’on monte en neige le fait que ces éléments aient été portés à la connaissance des magistrats burkinabé et de l’opinion que 8 ans après ; peut-être même ira-t-on jusqu’à parler de corruption : on en a tellement vu, lu et entendu chez nous avec la presse enrôlée que ça n’étonnerait pas ! Mais ils auront beau parler, les professionnels du droit, les magistrats, les gens de bon sens, savent que dans la kyrielle des preuves généralement retenues en justice, ces déclarations sont tout à fait recevables et qu’elles constituent, au terme des articles 188 et 189 du Code de procédure pénale susmentionnés, des raisons suffisantes pour la réouverture du dossier.

Mais quoi qu’il en soit, l’ébruitement de cette bombe par Robert Ménard a soulevé un tel enthousiasme au Centre de presse Norbert Zongo et au sein de l’opinion nationale et internationale qui montre que plus que jamais, l’affaire est dans le cœur de tous les Burkinabé. Sont ici interpellés par la conscience nationale tous ces partenaires qui avaient déjà en son temps, dénoncé le non-lieu en émettant des inquiétudes. Ils devraient encore moins aujourd’hui, face aux éléments nouveaux produits, se taire.

Lamine Koné
Swonty Koné

San Finna


REQUETE A MONSIEUR LE PROCUREUR DU FASO

Les ayants droit de feus Norbert Zongo, Ernest Zongo, Blaise Ilboudo et Ablassé Nikiéma, pour lesquels domicile est élu en l’Etude de :

1°) Maître Bénéwendé Sankara, Avocat à la Cour, 01 BP 4093 Ouagadougou 01, Tél : 50 36 26 55 Fax : 50 36 30 59 - E-mail : sank.bs@cenatrin.bf - Burkina Faso

2°) Maître Ouédraogo B. Oumarou, Avocat à la Cour, 01 BP 1974 Ouagadougou 01 - Tél 50 33 15 47 - E-mail : ouedraogo.oum@yahoo.fr - Burkina Faso

3°) Maître Julien Lalogo, Avocat à la Cour, 01 BP 1384 Ouagadougou 01 - Tél : 50 30 08 52 - Burkina Faso

4°) Maître Prosper Farama, Avocat à la Cour, 01 BP 2962 Ouagadougou 01 - Tél 50 30 20 90 - Fax : 50 31 15 82 -Burkina Faso

5°) Maître Hissa Hamadou Diallo, Avocat à la Cour, 01 BP 6529 Ouagadougou 01 - Tél : 76 66 44 64/50 36 65 22 - Burkina Faso

6°) Maître Ambroise Farama, Avocat à la Cour, 01 BP 2962 Ouagadougou 01 - Tél : 50 30 20 90 - Fax : 50 31 15 82 - Burkina Faso

ONT L’HONNEUR DE VOUS RAPPELER

Que par ordonnance n° 1972/RP et N° 17/99 du 18 juillet 2006, le juge d’instruction Ilboudo H. Wenceslas a rendu une ordonnance de non lieu dont le dispositif est le suivant :

« Disons qu’il n’y a pas lieu à suivre contre Marcel Kafando et X pour assassinats et destructions de biens mobiliers ;

Ordonnons le dépôt de toute la procédure au greffe du Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou pour être reprise en cas de charges nouvelles ;

Ordonnons la mise en liberté de Marcel Kafando s’il n’est retenu pour autre cause ;

Ordonnons le maintien sous main de justice des scellés ;

Ordonnons la restitution de la consignation versée par Maître Sankara le 29 janvier 1999 ».

Que cette ordonnance qui vous a été dûment notifiée fait droit de façon curieuse à votre réquisitoire définitif de non lieu n° 1716/2006/CAO/TGIO PF du 13 juillet 2006 :

Attendu que l’appel interjeté contre l’ordonnance de non lieu ci-dessus n’a pas prospéré devant la Chambre d’accusation qui l’a confirmée par arrêt rendu le 16 août 2006 :

Qu’en revanche, les requérants n’ont point forme de pourvoi comme en atteste le certificat de non pourvoi délivré le 31 août 2006 par le Greffier en chef de la Cour d’Appel de Ouagadougou dont copie :

Attendu qu’en l’état actuel de la procédure, subsistent les plaintes des différentes parties civiles qui ne renoncent pas à leurs actions :

Qu’en outre, il y a lieu de rappeler les prescriptions de l’article 7 du Code de procédure pénale, à savoir : « En matière de crime, l’action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis, si dans cet intervalle, il n’a été fait aucun acte d’instruction ou de poursuite.

S’il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu’après dix années révolues à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l’égard des personnes qui n’étaient pas visées par cet acte d’instruction ou de poursuite » :

Attendu que de ce qui précède, il n’est pas contesté ni contestable que l’affaire Norbert Zongo et trois (03) autres est pendante devant le Ministère Public :

Que selon les propres déclarations du Procureur du Faso et du Procureur Général, le dossier est déposé au greffe du Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou et sera repris au cas où il y aurait des charges nouvelles... (cf Sidwaya n° 5654 du 20 Juillet 2006) :

Qu’il convient au demeurant et en l’espèce évoquer le dispositions des articles 30 du Code de procédure pénale qui énoncent que « le Ministère public exerce l’action publique et requiert l’application de la loi » :

Et l’article 40 qui dispose que « le procureur du Faso procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale.. » :

Que l’article 4 de la Constitution du 02 Juin 1991 prescrit que « tous les Burkinabé et toute personne vivant au Burkina Faso bénéficient d’une égale protection de la loi. Tous ont droit à ce que leur cause soit entendue par une juridiction indépendante et impartiale.. » :

Qu’au surplus, le Burkina Faso a ratifié le pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l’article 7 dispose que « nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.. » :

En conséquence de ce qui est susdit et vu les dispositions internationales constitutionnelles, légales et réglementaires au Burkina Faso, les requérant vous prient respectueusement de procéder ou de faire procéder comme dit à l’article 40 du Code de procédure pénale à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite de toutes les infractions consécutives à l’assassinat le 13 décembre 1998 sur les personnes de Norbert Zongo, Ernest Zongo, Blaise Ilboudo et Ablassé Nikiéma :

Dénoncent formellement les éléments du Régiment de Sécurité Présidentielle comme pouvant avoir commis les infractions ci-dessus évoquées au regard des charges qui pèsent sur eux :

Vous réitèrent par voie de conséquence les termes de leurs plaintes déposées auprès du Juge d’instruction et sollicitent la réouverture de l’information au regard de l’article 189 du Code de procédure pénale qui dispose que : « Sont considérés comme charges nouvelles, les déclarations des témoins, pièces et procès-verbaux qui, n’ayant pu être soumis à l’examen du juge d’instruction, sont cependant de nature soit à fortifier les charges qui auraient été trouvées trop faibles, soit à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité ».

A cet effet, les requérants déposent entre vos mains le pré-rapport établi par la Commission d’enquête indépendante le 26 avril 1999, extrait de la version intermédiaire du rapport et jamais rendue publique ainsi qu’une note du 20 Octobre 2006 de Reporters sans Frontières, membre de la Commission, qui fortifient les charges qui pèsent déjà sur certains éléments du Régiment de Sécurité Présidentielle.

De même, les déclarations de Oumarou Kanazoé, de François Compaoré et de son épouse devant ladite Commission, si l’instruction était mieux poussée, pourraient déboucher sur des développements utiles à la manifestation de la vérité.

POUR REQUETE RESPECTUEUSE
Présentée à Ouagadougou, le 20 Octobre 2006
Pour le Collectif des Avocats
Maître Bénéwendé S. Sankara


Le niet instinctif, obturateur et révoltant du procureur du Faso

Alors que les avocats n’ont pas encore reçu de réponse à la requête aux fins de réouverture du dossier Zongo qu’ils ont déposée auprès de la justice (cela nous a été confirmé ce samedi à 19 heures par un des avocats constitués), une conférence de presse a été donnée au débotté, dans les formes maintenant consacrées, par le Procureur Général et le Procureur du Faso au sujet dudit dossier. C’était ce 21 octobre 2006, à 16 heures.

Pour le Procureur Adama Sagnon, « le rapport de la CEI n’apporte rien de nouveau à l’affaire ». Le procureur Abdoulaye Barry renchérit : « Il s’agit d’éléments déjà connus ». François Compaoré et El hadj Oumarou Kanazoé, ont relevé les conférenciers, ont déjà été entendus par le juge. Pour la réouverture du dossier, c’est donc un « niet » retentissant. Faut pas rêver !

On peut comprendre l’inquiétude et la déception légitimes de la famille de Norbert Zongo, des Burkinabé qui n’ont pas l’assurance que F. Compaoré et O. Kanazoé ont été entendus et confrontés dans le Cabinet d’instruction sur les points de contradiction relevés dans le rapport du 26 avril 1999 puisque, non communiqués, le magistrat instructeur n’est pas censé en être dépositaires. Si tel est le cas, les avocats qui ont accès au dossier en auraient été informés et se seraient abstenus d’introduire une requête manifestement inutile, qui ressemblerait à un abus de procédure. Les faits contenus dans ce rapport restent donc toujours, en droit, inconnus du juge et constituent bel et bien des faits nouveaux, leur production étant postérieur au non-lieu.

L’inquiétude des Burkinabé se justifie aussi par cette énumération préférentielle, visiblement réductrice, faite unilatéralement par les conférenciers sur la nature des charges nouvelles Il est de jurisprudence constante qu’une telle énumération n’est qu’indicative, non limitative et doit être entendue dans son sens le plus large. Peuvent ainsi constituer des charges nouvelles, les témoignages recueillis ou les constatations faites au cours d’investigations entreprises par le plaignant dont il ressort que les déclarations faites par les témoins étaient fausses.

Nous sommes bien ici, dans ce cas d’espèce, avec les révélations de RSF. On relèvera même que le Procureur en personne peut entreprendre de son chef des enquêtes officieuses pour susciter l’expression de charges nouvelles, et qu’une simple présomption d’existence de charge nouvelle suffit à justifier la réouverture d’un dossier. Dans le cas présent, on l’aura relevé, il y a plus que de simples présomptions !

Enfin, la « totale », pourrait-on dire ici, c’est lorsque, de la prestation médiatique, il est ressorti sur RFI le 21/10/06 à 22 h 30, que même si les déclarations faites dans le Cabinet du juge étaient contradictoires à de nouvelles déclarations, cela ne serait pas de nature à rouvrir le dossier. Mais pourquoi donc un tel mépris de l’article 189 du code de procédure pénale ?

A ce stade, nous voyons qu’il y a une volonté outrancière de faire barrage à toute voie de droit pouvant libérer le dossier de l’emprise du pouvoir. Mais pour autant, rien ne doit ébranler la détermination des Burkinabé de continuer en externe, à mettre les partenaires techniques et financiers en face de leur responsabilité, et en interne, de continuer à combattre l’impunité en général en s’efforçant d’obtenir en particulier, par la résistance active, la vérité et la justice dans le dossier Norbert Zongo. Il est des pays à travers le monde où de telles persévérances et de telles fidélités au combat ont payé !

VT

San Finna

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Vos commentaires

  • Le 23 octobre 2006 à 10:40 En réponse à : conclusion ?

    Tout cela veut dire que Ménard et son camp sont complices de la vérité cachée jusque là ?
    Quel intérêt n’a t-on pu tirer de cette complicité du silence ? Pourquoi ce déballage aujourd’hui ? Qui perd ? Qui gagne ?

    Tout çà c’est affaire de charognards autour des cadavres !
    Nous les pétits, y a qu’à vomir seulement ! On mangera rien !

    • Le 23 octobre 2006 à 14:12, par issa En réponse à : > conclusion ?

      Bien dit comme ça un frere, tous les burkinabés ne sont pas dupes.

    • Le 23 octobre 2006 à 21:15 En réponse à : > conclusion ?

      Voici un Monsieur ou une dame que le sieur Robert MENARD est arrivé à destabiliser. Cher Frère burkinabé, reste confiant en l’avenir du burkina. En réalité, cette affaire est utilisée maintenant à des fins politiques par les "charognards" que tu as pris le soin de bien qualifier. Il faut savoir tourner la page et penser à l’avenir du peuple burkinabé.

      • Le 24 octobre 2006 à 12:57, par Citoyen En réponse à : > Faisons confiance à notre justice

        Il est important que les burkinabès dépassionnent le débat sur l’affaire Norbert ZONGO parce que la justice burkinabé a besoin de travailler dans la sérénité plutôt que d’avoir le sentiment de subir l’acharnement d’une certaine opinion. Les premiers énémis de toute justice sont les préjugés et la propagande, surtout lorsqu’on ne sait plus si la recherche de la vérité est vraiment l’objectif des promoteurs de cette propagande tendant à jeter l’oprobre sur la noble institution qu’est la justice malgré la bonne volonté de nos gouvernants de doter notre pays d’une justice crédible et respectueux de sa mission, et des énormes efforts de ses acteurs de respecter leur serment et dêtre à la hauteur de leur mission. Il est bon et même à encourager, les critiques constructives et tendant à améliorer l’oeuvre de justice, mais faisons attention en y mettant la bonne manière et en ne personnalisant pas le débat car l’oeuvre de justice est la cause de tous les burkinabés. J’en appelle également à la confiance à l’égard de notre justice parce que les magistrats ont du pain sur la planche, et bien d’autres dossiers ont également le méririte d’attirer l’attention de tous les citoyens burkinabés. Respectons les principes du jeu démocratique et évitons que la passion prenne le pas sur la raison.

  • Le 23 octobre 2006 à 21:12 En réponse à : > Affaire Norbert Zongo : La « honte » de Robert MENARD

    L’article 189 du Code de procédure pénale burkinabé dispose que : « Sont considérés comme charges nouvelles, les déclarations des témoins, pièces et procès-verbaux qui, n’ayant pu être soumis à l’examen du juge d’instruction, sont cependant de nature, soit à fortifier les charges qui auraient été trouvées trop faibles, soit, à donner aux faits de nouveaux développements utiles à la manifestation de la vérité ».

    Je fais observer que toutes ces informations (maladroitement qualifiées de "bombe" par le journal San fina, étaient archi- connues du magistrat instructeur avant la décision de non-lieu aujourd’hui définitif, faute de pourvoi par les parties civiles.

    J’exhorte, en ma qualité de juriste non partisan, épris de paix et de justice sociale, Monsieur Robert MENARD, connu pour être un "agitateur patenté" dans ce dossier, ainsi que les petits avocats, inféodés à MENARD, lesquels ont, d’ailleurs, d’ores et déjà, fait la preuve de leur incapacité politique, à plus de retenu et surtout à plus de calme pour laisser le burkina et les burkinabé vivre en paix à travers notre jeune démocratie en construction.

    Grâce à notre jeune démocratie, Monsieur MENARD a pu, allègrement entrer au Burkina. Qu’il en tienne compte....

    A Monsieur François COMPAORE et à Monsieur El Adj Oumarou KANAZOE je leur témoigne, sincèrement, de mon soutien personnel afin qu’ils gardent leur sang froid dans cette agitation juridique éhontée, laquelle forfaiture tente, par tous les moyens, de destabiliser notre peuple et le Burkina tout entier.

    Il est, franchement, horrible d’être accusé à tort, alors que, selon un principe élémentaire du droit pénal, chacun n’est responsable que de son propre fait personnel. Enfin, à Monsieur Le Procureur Général du Faso, je lui demande de conserver intacte sa conscience professionnelle et d’appliquer, tout simplement, le droit pénal car, il n’existe, véritablement, au nom de tous les principes procéduraux en France et au Burkina, AUCUNE CHARGE NOUVELLE dans ce dossier, et ce, en application des dispositions de l’article 189 du C.P.P.. Mon pseudonyme est Ange TAMPSOBA, France.

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