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Exploitation de l’or au Burkina : La pollution des cours d’eau est à craindre

Publié le mercredi 18 octobre 2006 à 07h29min

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L’ONG ORCADE (Organisation pour le renforcement des capacités de développement), qui intervient dans le secteur minier en partenariat avec Oxfam America, a réalisé une étude intitulée « Diagnostic de l’exploitation industrielle de l’or au Burkina Faso ».

Cette étude rendue publique le 4 septembre 2006 à Essakane et le 7 septembre à Pama met en évidence, les dangers de l’exploitation industrielle des mines d’or.

Il s’est agi pour cette étude d’analyser spécifiquement le cadre juridique et institutionnel du secteur minier d’une part et d’appréhender l’impact de l’activité minière aux plans social, environnemental et économique tant pour les communautés que pour les pays. Elle a passé ainsi en revue le cadre juridique, l’impact de l’activité minière sur le pays, les populations riveraines, les travailleurs et sur l’environnement. Des échantillons d’eau ont été prélevés sur les deux sites et analysés à titre exploratoire pour se faire une idée de la présence ou non de métaux lourds toxiques dus à l’activité minière industrielle qui s’y est déroulée.

C’est donc un véritable cliché d’avant et d’après mine qui prend également en compte la dynamique de la période d’activité. Le chargé de programme d’ORCADE, Lacina Pakoun qui a présenté l’étude a souligné qu’il y a eu des progrès significatifs depuis 1990. En effet, à partir de 1991, de nombreux textes ont été adoptés. On retiendra entre autres les textes portant réorganisation agraire et foncière, la loi ayant institué le code des investissements miniers.

Cette loi portant code minier prend en compte pour la première fois la préservation de l’environnement minier à travers l’étude d’impact environnemental et le fonds de restauration des sites miniers. « Enfin, la loi portant code minier au Burkina Faso, qui est une relecture du code de 1997 en introduisant plus de précision et certaines innovations, a reconduit les dispositions environnementales, ainsi que la participation de l’Etat au capital des sociétés d’exploitation minière », explique-t-il.

Le chargé de programme poursuit en disant que l’exploitation industrielle de l’or s’est déroulée sur du vide juridique jusqu’à un passé récent. Bien que l’exploitation artisanale y soit séculaire, le Burkina n’est pas un pays de tradition minière, mais un pays à vocation minière qui cherche sa voie pour émerger et entrer dans le cercle des pays miniers, relèvent les responsables de l’ONG.

En dehors de la législation française qui s’appliquait bien avant les indépendances, les premières dispositions minières propres au Burkina datent des années 70. Il s’agissait de l’ordonnance du 22 juin 1976 codifiant et réglementant le régime des substances minérales extraites du sol et du sous-sol en Haute- Volta qui, selon eux, n’évoque nulle part la question environnementale.

« Le nouveau code minier datant du 8 mai 2003 qui devrait véritablement y remédier, présente dans son état actuel, des faiblesses du fait que les textes d’application sérieux ne sont pas encore pris. S’il existe des textes internationaux en la matière qui peuvent permettre de remédier à ces insuffisances, il convient tout de même de renforcer davantage les instruments juridiques nationaux ».

L’après mine, un calvaire

C’est pourquoi l’étude recommande à l’Etaf d’ouvrer afin de disposer d’un cadre juridique rigoureux qui prenne en compte les préoccupations de tous les acteurs à savoir l’Etat lui-même, les multinationales des mines et les communautés minières. Importante source de devises pour le Burkina, l’or est en effet le deuxième produit d’exportation.

Le secteur minier étant pourvoyeur d’emplois tant au niveau local, national qu’international. Seulement, la fermeture brutale des unités industrielles du pays a mis à mal tous les autres secteurs de production connexes aux mines : perte de devises au niveau national, désarticulation des économies locales et paupérisation, mise en chômage massif de travailleurs aux droits à peine payés.

Ce lourd passif social est plus amplifié chez les ex-travailleurs et les communautés minières par le manque de planification de l’après mine qui reflète tout le revers du métal jaune pourtant si précieux : la misère. A ce sujet, si l’étude révèle qu’en l’espace de cinq (5) ans dès la fermeture de la mine de Pourra, il y a eu environ 41 travailleurs décédés, des participants l’estiment à plus d’une soixantaine.

Avec l’échec de la reconversion professionnelle, l’exploitation artisanale s’est développée sur les sites miniers et ce, sans distinction d’âge, ni de sexe.

Un ensemble de mesures est ainsi souhaité pour une meilleure planification de l’après mine qui intègre en priorité les communautés et leurs besoins. Sur le plan environnemental, la physionomie d’ensemble des mines de Poura et d’Essakane se caractérise par un état de délabrement total et de ruine. Le manque de restauration des sites miniers constitue un danger non seulement pour l’homme, mais aussi pour les animaux selon, Lacina Pakoun.

La pollution des eaux et des sols aux substances chimiques dont le mercure, constituent un autre risque de santé publique, car non dégradable et en mesure d’infecter la chaîne alimentaire. « Au- delà donc des risques de contamination de l’environnement immédiat, c’est aussi et surtout la haute pollution qu’il faut craindre car des cours d’eau plus ou moins pérennes se situent en aval des opérations minières et peuvent bien servir de vecteur. Il s’agit du Mouhoun dans le cas de Poura et du Gourouol à Essakane qui se déversent à leur tour successivement dans des cours d’eau internationaux tels le Mouhoun et le Niger », explique-t-il.

En plus de cette catastrophe créée et laissée par l’industrie extractive, l’orpaillage devenu la principale source de revenus donne aussi naissance progressivement à son propre désastre écologique qui s’étend jusque dans les agglomérations et même dans les concessions.

Le minerai une fois extrait, passe au moulin et est ensuite transporté par les orpailleurs à la maison dans bien des cas, pour être traité au mercure qui est un produit redoutable du fait de sa toxicité et ce, au mépris de la santé communautaire, déclarent les responsables d’ORCADE. L’exploitation industrielle étant une activité rentable pour toutes les parties prenantes, des dispositions devraient être prises pour que l’ensemble des acteurs collabore dans l’optique d’une meilleure préparation de l’après mine. Toute mine a une durée de vie scientifiquement estimable, le chargé de programme d’ORCADE trouve que les facteurs pouvant concourir à sa fermeture ne dépendent pas que de cela.

« Poura et Essakane en sont des exemples éloquents qui ont subi le diktat du capital sans que les réserves se soient épuisées, bien au contraire. C’est la preuve que la planification de l’ après mine devrait commencer bien avant le démarrage des travaux d’exploitation et se poursuivre régulièrement jusqu’à la fin », poursuit le chargé de programmes. Au regard des avantages comparatifs que constituent les investissements, les taxes et autres redevances minières tant au niveau local que national, l’industrie minière ne pourra jamais jouer son rôle de levier du développement si les pratiques ne sont pas profondément repensées.

A ce propos, le chef coutumier de Poura- village, Yéréni Nignan se veut on ne peut plus claire : « les Blancs sont venus nous trouver dans nos cases et sont partis, nous laissant dans nos cases », si ce n’est pas pour hériter d’un environnement devenu désormais hostile et indomptable parce que piégé de substances chimiques à haute toxicité. C’est dire toute l’importance de l’implication de ces communautés afin qu’elles puissent y tirer profit, contribuer au développement à la base et jouer son rôle dans cette nouvelle dynamique de dialogue social.

Les travaux de restitution ont connu une forte participation qualitative des principaux acteurs du secteur minier. Les communautés étaient représentées dans toutes leurs composantes sociales, socioprofessionnelles et des élus locaux. A Poura, c’est le préfet, Abdoulaye Kikèta qui a présidé les travaux en présence du directeur exécutif de ORCADE, Moses K. Kambou.

Les participants ont souhaité que des rencontres similaires soient initiées pour leur permettre d’échanger, parler tous d’une seule voie et emprunter une même voie : celle d’une implication de tous pour un après mine sans pauvreté. Pour appuyer cette nouvelle dynamique un financement obtenu de Oxfam America permettra à ORCADE de mettre en ouvre un projet de plaidoyer et de renforcement des capacités des communautés minières à Poura et à Essakane. Et ce, en prélude à la couverture très prochaine de tous les sites miniers du pays.

Rasmané ZONGO (rasmanezongo@yahoo.fr)
AIB-Boromo

Sidwaya

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