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Procès des 50 millions : Tintin Ilboudo et compagnie menacent

Publié le mercredi 11 octobre 2006 à 07h40min

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Ilboudo Tintin

Le 16 octobre 2006, l’affaire des 50 millions, qui fait croupir à la MACO Ousmane Tapsoba et Moussa Dabo depuis plus d’un an, sera enrôlée, pour la troisième fois, au palais de justice de Ouagadougou. En attendant, des structures associatives et syndicales de commerçants plaignants ont menacé de représailles, au cours d’une conférence de presse, tous ceux qui militent pour leur libération. Une pression qui augure déjà l’ambiance de ce procès.

« La coordination des associations et structures syndicales du grand marché Rood Woko et yaars du Kadiogo vous invitent à bien vouloir honorer de votre présence la conférence de presse le mardi 10 octobre à partir de 10 h 00 dans la salle principale du centre de formation professionnelle de la Chambre de commerce, sis côté ouest de la place Naaba-Koom ». Telle était la substance de l’invitation à nous adressée et signée de Tintin Ilboudo, en qualité de coordonnateur des structures en question. Mais l’objet de l’invitation, nous n’en avons pris connaissance qu’à la lecture de la déclaration liminaire à la rencontre, par ce dernier.

Alors qu’on s’attendait à un sujet relatif à la réhabilitation du marché Rood Woko, sur lequel s’est exprimée la commune le 5 octobre dernier, c’est plutôt l’affaire des 50 millions que les conférenciers du jour nous ont servie. Pour le coordonnateur, « l’évènement majeur qui a marqué le monde des commerçants depuis un certain temps et qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, c’est bel et bien l’affaire des 50 millions ».

L’histoire serait partie, à en croire Tintin Ilboudo, d’une médiation conduite par le président de la Chambre de commerce, El hadj Oumarou Kanazoé, dans le conflit qui opposait les organisations des commerçants aux Syro-Libanais sur la réglementation du commerce. Par la suite, deux des leurs, en l’occurrence Moussa Dabo et Ousmane N. Tapsoba, les auraient trahis en détournant 50 millions de FCFA, destinés aux commerçants. C’est ainsi que pour réclamer leur dû, 93 organisations (6 syndicats et 87 associations) des commerçants ont porté l’affaire devant la justice.

Dans la déclaration liminaire, Tintin Ilboudo et ses acolytes menacent de vindicte tous ceux qui manifesteraient pour la libération des deux détenus. Ils pointent un doigt accusateur sur un responsable politique qui serait prêt à marcher pour exiger la libération des sieurs Dabo et Tapsoba. Car, explique-t-il, il ne doit pas se mêler dans une affaire entre commerçants. Et au cas où cet homme politique persisterait à organiser sa marche, « il nous trouvera sur son chemin », a-t-il martelé. Par la même verve, Tintin Ilboudo a mis en garde tous ceux qui occasionneraient des perturbations au procès. « Ils auront affaire à des commerçants déterminés », a-t-il clamé.

Mais dans quel contexte est née cette coordination de structures de commerçants ? Comment Tintin Ilboudo en est-il arrivé à diriger ce collectif ? Qui a donné les 50 millions de FCFA ? Etait-ce légal de faire bouger autant de fonds sans aucune décharge ? La coordination se sent-elle dans le rôle de jouer à la police au palais de justice ? N’est-ce pas là une incitation à la violence, voire une intimidation de la justice ?

Quand, Tintin Ilboudo et El hadj Oumarou Kanazoé sont-ils partis chez le président du Faso ? Ce sont là autant de questions auxquelles le premier responsable du collectif des structures des commerçants et certains de ses collaborateurs ont essayé d’apporter des éléments de réponse, non sans peine. En résumé, Tintin Ilboudo a laissé entendre que la coordination est née le 12 septembre dernier pour la défense des intérêts des commerçants, qui n’avaient plus de leaders depuis l’arrestation de Dabo et de Tapsoba. Un coup d’Etat ?

Quant à l’origine des 50 millions, M. Ilboudo a indiqué qu’ils viennent du président Blaise Compaoré, en récompense à la modération de leur bras de fer avec les Syro-Libanais. Mais quand l’argent a-t-il été remis ? Il dit ne plus s’en souvenir, mais croit que c’était vers 2003.

Pour le coordonnateur des structures, l’action du responsable politique est sans fondement et celui-ci risque de les avoir sur le dos s’il ne surseoit pas à son projet de marche. Aux auteurs de perturbations lors des précédentes audiences, Tintin Ilboudo brandit la détermination des commerçants à leur faire barrage. Ces propos fermes, qui frisent le speach d’un va-t-en-guerre, ont suscité la question de savoir si l’orateur n’incitait pas à la violence à travers la présente déclaration. En réponse, il laisse entendre qu’ils voudraient, eux, assurer leur sécurité.

Les journalistes ont voulu savoir davantage sur l’identité de l’homme politique qui menacerait d’organiser une marche, si on ne libérait pas les détenus. Malgré leur insistance, Tintin Ilboudo a refusé de décliner cette identité, préférant les renvoyer à leurs archives qui, selon lui, contiennent le fameux nom.

S’agissant des conditions dans lesquelles les 50 millions de FCFA ont été remis, Tintin Ilboudo restera on ne peut plus flou. Il reconnaît cependant avoir pris des mains d’El hadj Oumarou Kanazoé cette manne présidentielle et l’a remise intégralement aux sieurs incriminés. Cette opération s’est déroulée sans aucune décharge.

Loin de nous l’idée de comparer l’incomparable, mais cette affaire a un goût de déjà vu. On a parlé de financement occulte de certains partis politiques ; il faut maintenant avoir le courage de parler de financement occulte de commerçants. Accordant du crédit au dire du sieur Ilboudo, nous pensons inopportun que le premier des citoyens fasse don d’une telle somme sous le manteau à une structure régulièrement installée au Faso.

Notons qu’aucune trace écrite de l’argent n’est à signaler, car M. Ilboudo, un opérateur économique de son état, se contente de « confiance », comme gage. Pourquoi Tintin Ilboudo n’a-t-il pas fait appel aux responsables membres de la coordination pour être témoins de la remise des 50 millions de FCFA à Dabo et à Tapsoba ? Pourquoi n’a-t-il pas en son temps fait écho de cet important don dans la presse ? En tous les cas, le plus critique c’est l’implication du nom du président du Faso dans une affaire aussi confuse. Quoi qu’il en soit, espérons que les commerçants ne sont pas instrumentalisés à des fins personnelles.

L’Observateur

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