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Présidentielle en Côte d’Ivoire : Un serpent de mer ?

Publié le mercredi 11 octobre 2006 à 08h14min

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Banny, ADO et Gbagbo

La réunion de chefs d’Etat en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York tenue en l’absence du président ivoirien, Laurent Koudou Gbagbo a confirmé ce que pensaient déjà de nombreux observateurs : les principaux protagonistes de cette crise tournent en rond dans un cercle vicieux.

Les protagonistes de la crise en Côte d’Ivoire semblent être parvenus à une situation de blocage dont personne ne sait vraiment comment sortir. Dans un jeu où le président Laurent Gbagbo semble détenir les clés, les adversaires du président ivoirien semblent plus que jamais en panne de solutions tant ce dernier a su jouer avec le temps et les tentatives diplomatiques d’aboutir à une transition démocratique. Le dernier épisode avec le boycott de l’AG des Nations unies et les propositions issues du mini-sommet des chefs d’Etat africains à New York est venu confirmer l’échec total du GTI dans sa mission et surtout, a confirmé le fait que le président ivoirien reste bien le maître du jeu.

La suspension de la Constitution, le conseil de transition, la délégation des pouvoirs au Premier ministre sont idéalistes mais pas nouvelles en tant que propositions. La situation de blocage aujourd’hui ne surprend guère car le processus des audiences foraines qui devrait permettre de délivrer les certificats de nationalité a été brutalement interrompu par les jeunes patriotes.

Ces groupes de jeunes manipulés par le parti présidentiel ont tout fait pour les arrêter au motif qu’il fallait d’abord le désarmement avant l’identification de la population et non le contraire. Ce désarmement n’a jamais eu lieu car ce ne sont pas ces quelques armes regroupées et brûlées symboliquement qui ont mis ce pays à feu et à sang durant ces dernières années.

A qui profite cette situation ?

S’il n’y a pas eu d’opérations d’identification, il ne pouvait donc pas y avoir de listes électorales et pas d’élections en octobre comme certains continuaient naïvement à le croire. Toutes les mesures ont été prises pour empêcher la tenue d’élections en octobre au nez et à la barbe du GTI qui n’a rien fait.

C’est donc tout à fait logique que le président ivoirien soit toujours en place. Personne n’étant dupe pour croire à une mise sous tutelle du pays. Pendant ce temps, le pouvoir en place multiplie les prêts et les votes de budget pour l’armement et aussi pour les comptes bancaires de ses dirigeants.

En jouant remarquablement avec le temps, Laurent Gbagbo est en passe de s’imposer comme l’homme de la situation en temps de crise avec le complicité de la France. Face à une situation de fait (Gbagbo toujours président le 31 octobre 2005), les chefs d’Etat africains réunis à Accra au Ghana n’avaient pu que proroger son mandat d’un an supplémentaire. On s’achemine donc vers une situation semblable. Pourquoi ?

Simplement parce que le président ivoirien sait parfaitement souffler le chaud et le froid, manier le bâton et la carotte, un art si cher à l’écrivain et homme politique italien, Nicolas Machiavel.
Conscient de sa nouvelle position de force, il a senti les choses venir et voilà pourquoi il ne s’est pas rendu à l’AG des Nations unies à New York pour ne pas être contraint de faire des concessions.

Cela montre qu’il a fait aussi beaucoup de progrès par rapport à Linas-Marcoussis et à Accra où piégé, il avait fait des concessions mais qu’il réussira avec une remarquable dextérité, à contourner et à refuser de mettre en œuvre (neutralisation du Premier ministre, refus de concéder ses pouvoirs en faisant appel aux patriotes au moment opportun, exigence préalable du désarmement avant toute avancée).

La politique française « du caméléon » en Côte d’Ivoire

Depuis le putsch manqué de septembre 2002 qui a marqué le début de la crise, la France joue un rôle d’équilibriste entre les différentes paries au conflit avec pour seul objectif, la défense de ses propres intérêts. Cela s’explique par plusieurs raisons. D’abord, la France, ancienne « tutrice » de la Côte d’Ivoire y possède beaucoup d’intérêts économiques.

C’est un enjeu dont sont conscients les dirigeants français qui savent que la locomotive de l’Afrique de l’Ouest peut leur rapporter beaucoup. Selon les analystes économiques, la Côte d’Ivoire rapporte une part non négligeable de ressources dans le budget de l’Etat français.

Confirmation de cet enjeu économique, un centre spécial installé au sein du ministère français de la Défense observe et coordonne les actions des soldats français sur le terrain 24 h/24. C’est pour toutes ces raisons que dès les premières heures du conflit, la France s’est rapidement interposée pour empêcher les forces rebelles de parvenir à Abidjan.

Cela a permis au pouvoir ivoirien d’organiser sa défense en achetant des hélicoptères de combat russes (MIG2) et en engageant des mercenaires sud-africains. Les zones d’exploitation du café et du cacao ainsi que le Port autonome d’Abidjan ont été très vite sécurisés.

Aujourd’hui, beaucoup d’observateurs estiment que militairement, la balance penche désormais en faveur du camp d’Abidjan qui n’a jamais cessé depuis lors de se réarmer. C’est conscient d’ailleurs de sa nouvelle position de force que Laurent Gbagbo n’a jamais vraiment abandonné l’idée d’une victoire militaire sur les rebelles.

Lors d’une conférence de presse tenue après l’Assemblée générale des Nations unies de septembre 2006, le FPI a encore une fois demandé le retrait de la force Licorne du pays. Cette énième demande sans succès montre bien que les Français ont de bonnes raisons de rester dans le pays, malgré l’hostilité des populations.

Interpellé sur la question, le président français Jacques Chirac a affirmé que le maintien de la force Licorne en Côte d’Ivoire se justifie par les demandes des pays membres de la CEDEAO. Ensuite, la raison qui justifie le soutien des autorités françaises au pouvoir ivoirien est d’opportunité.

En effet, maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir est préférable à l’incertitude qu’il y a dans sa chute et l’arrivée d’un autre personnage à la tête du pays. Actuellement, le président ivoirien coopère avec la France, pourquoi donc l’évincer ? Pour la France en effet « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ! ».

Enfin le soutien français aux autorités ivoiriennes peut avoir une justification stratégique. Si la crise perdure, c’est qu’elle profite bien à certains. Et ce ne sont pas les propositions récentes faites aux Nations unies qui vont changer la donne. En effet, « suspendre la Constitution, déléguer des pouvoirs plus importants au Premier ministre, mettre le pays sous tutelle » sont des mots que l’on répète depuis plus d’un an.

Tant que l’équilibre des intérêts n’aura pas changé, les puissances occidentales ne se tiennent pas à l’écart et les acteurs politiques ne trouvent pas un consensus sur la gestion du pouvoir, le conflit perdurera.

Pierre Claver MILLOGO (millgolo@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 11 octobre 2006 à 10:00, par Alfred En réponse à : > Présidentielle en Côte d’Ivoire : Un serpent de mer ?

    Bonjour

    Français, je ne peux qu’être d’accord avec vos propos : il n’y aura pas de paix en Afrique, et particulièrement en Côte d’Ivoire, tant que les intérêts économiques d’un pays comme la France seront en jeu...
    Peu de gens chez nous ont conscience (les émissions télé et articles sur ce sujet sont rares et discrèts...) que c’est notre président, notre pays et nos entreprises même qui soutiennent les dictateurs africains, arment, déclenchent et entretiennent les conflits sur votre continent dans une lutte incessante pour les intérêts économiques : cacao, conserves, Coltan et autres métaux, pétrole,... C’est un fait que la pauvreté et l’état de soumission (dette publique, etc...) des pays africains sont volontairement entretenus pour en garder le contrôle, malgré le travail acharné de quelques associations qui oeuvrent pour la paix et l’aide au développement...

    La Côte d’Ivoire me semble être un pays "riche" et en bonne voie de développement. Un pays avec un avenir ! J’espère un jour que vous puissiez vivre en paix avec vous-même et avec nous (en tant que simples citoyens Français) et que l’Afrique deviendra forte et indépendante. Un partenaire culturel, économique et politique à part entière, et non plus ce rassemblement de pays ensanglantés et manipulés comme des marionnettes...

    Bien à vous

    Alfred

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