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Côte d’Ivoire : Les larmes de crocodile de la Communauté internationale

Publié le lundi 29 mars 2004 à 07h17min

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Encore une fois, le pouvoir ankylosé de Laurent Gbagbo vient
de semer le carnage. Un carnage qui, de mémoire d’africain,
dépasse en horreur ce que l’histoire retient dans ses registres.
Même la très sombre période de l’apartheid n’a pu détenir la
palme de cette inhumaine et sanglante répression. Au
demeurant, les Blancs d’Afrique du Sud avaient l’excuse
d’assassiner des hommes, les Noirs, avec lesquels ils
n’avaient aucun lien familial. Et si l’on n’y prend garde, la Côte
d’Ivoire risque de glisser inexorablement vers une situation à la
rwandaise.

En tout cas, le moins que l’on puisse dire, Gbagbo n’a pas
lésiné sur les moyens en déployant tout l’arsenal militaire qu’il a
secrètement accumulé tout en feignant de négocier avec ses
adversaires. De tels moyens, à l’évidence très disproportionnés
et utilisés pour réprimer une manifestation pacifique de
l’opposition, illustrent, s’il en était encore besoin, l’image
déplorable d’un homme qui ne sort de la citadelle de son
hermétisme et de sa frivolité à tout changement que pour mater
dans le sang, les revendications démocratiques de ses
concitoyens.

Détestable aveuglement d’un président distillant à ceux qui
veulent l’entendre, ses professions de foi socialistes et
brandissant son étendard plus que jamais déteint à force d’être
régulièrement agité, de président démocratiquement élu. Mais
Laurent peut toujours continuer d’amuser la galerie de la
communauté internationale qui raffole de comédies
politico-diplomatiques.

D’autres présidents, pour ne citer que
Jean-Bertrand Aristide et Ange Félix Patassé dont les clowneries
ont moins distrait cette même communauté internationale, sont
entrain de méditer dans l’ombre et de goûter les fruits amers
d’une retraite présidentielle forcée. Et pourtant, même en
politique, les mêmes causes devraient produire les mêmes
effets. Autant dire que tant que le kyste Gbagbiste n’aura pas été
extirpé du paysage politique ivoirien, le peuple ivoirien
continuera d’être noyé dans les marécages insalubres d’un
système régressif et tortionnaire.

Mais, Laurent Gbagbo qui
s’accroche désespérément à ses illusions d’apprenti-président
et à son ultime et obsessionnelle quête d’une légitimité qui
s’effrite, car jetée en pâture dans la rue, peut toujours compter
sur les bonnes consciences de ses soutiens extérieurs dont la
France et même l’ONU qui ne savent qu’invariablement recourir
à la même et nauséabonde rhétorique. Peu importe le nombre
de cadavres que l’envahissant pouvoir anarchique de Gbagbo
laisse sur le terrain chaque fois qu’il organise sa battue.

Tout
comme les précédents charniers, les actuelles tueries n’ont
suscité chez le président français que regrets tandis que Kofi
Annan appelle à la retenue. Faudrait-il que tout le peuple ivoirien
soit en voie d’extinction pour que les apôtres onusiens de la
paix, comme des médecins après la mort, accourent enfin pour
participer avec des larmes de crocodile, à cette cérémonie
d’adieu agrémentée par la sonnerie aux morts ?

Bien sûr, un
cadavre ivoirien n’est pas cotable en bourse. Par contre, la
république caféière et cacaoyère de Laurent Gbagbo se prête à
ce genre de marchandage. Car, il fait tourner des usines et fait
vivre des ouvriers occidentaux menacés de licenciements. Les
bureaucraties françaises et onusiennes n’ont pas d’état d’âme.

Les Ivoiriens peuvent toujours s’entre-déchirer, les mêmes
occidentaux, prompts à bondir au Kosovo à la moindre
escarmouche, sont plus sensibles à l’odeur des "cafodollars" et
des "cacaodollars" que répand Gbagbo, qu’à celle des
charniers. Dans ce contexte, l’on se demande si la décision de
débarquer des Casques Bleus en côte d’ivoire n’est pas
inopportune et tardive.

D’abord parce ces casques bleus n’ont
qu’un pouvoir défensif. Ensuite parce que les troupes françaises
qui doivent garder leur autonomie sur le terrain se sont toujours
comportées en une armée au secours du pouvoir en place.
Par ailleurs, avec les récents événements, le pouvoir vient de
remuer le couteau dans des plaies non encore cicatrisées.

Dans ces conditions, il apparaît difficile de convaincre
l’opposition de s’asseoir à la même table avec Gbagbo qui s’est
évertué à approfondir les rancoeurs. Même si l’opposition dont
on comprend parfois mal l’attitude d’instabilité dans ses
stratégies de lutte contre le pouvoir, n’a pas voulu rompre
définitivement en parlant de suspension de sa participation au
gouvernement de réconciliation nationale, il est évident que rien
ne sera plus comme avant. A moins que l’opposition, toute
irresponsabilité bue, n’admette que ses partisans sont morts
pour rien. Dans ces conditions, son combat n’aura plus de sens
aux yeux des Ivoiriens qui se sentiront lâchés.

Si l’opposition
désarme et pactise à nouveau avec son oppresseur, c’en serait
fini du rêve d’une Côte d’Ivoire enfin dans les rangs des pays
civilisés, car personne d’autre ne viendra briser les entorses et
combler les lacunes d’un espace institutionnel hybride et bancal
qui fait le lit du régime de Gbagbo.

En attendant que tous ceux
qui prétendent oeuvrer pour la paix en Côte d’Ivoire cessent
leurs jérémiades et trouvent un antidote de cheval à la stratégie
de communication du régime qui consiste à faire la politique de
l’autruche et à trouver des ennemis extérieurs pour justifier ses
méthodes répressives actuelles, les pauvres citoyens ivoiriens
vont devoir, la mort dans l’âme, vivrent seuls leur calvaire, le
temps que les autres pays, même voisins de la Côte d’Ivoire,
cessent leurs reptations diplomatiiques et leurs "réserves" qui
sonnent comme une démission

Le Pays

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