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Yacouba Guira(président de l’UAPB) : "Nous voulons que le SIAO garde son identité"

Publié le mardi 10 octobre 2006 à 08h09min

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Yacouba Guira vient d’être reconduit à la tête de l’Union des artistes plasticiens du Burkina (UAPB), une association créée en 1995 en vue de promouvoir ce domaine et de défendre les intérêts des membres. D’ores et déjà, l’homme a ciblé ses priorités et compte amener l’Etat à se plier devant les exigences de son équipe.

Pour lui, le SIAO a perdu son identité et le métier d’artiste plasticien est menacé et risque de disparaître si l’Etat ne réglemente pas le marché. Interview...

Après tant d’années passées dans l’ombre, l’UAPB refait surface. Comment expliquer vous cela ?

L’union n’était pas morte. Nous avons fait la promotion des artistes plasticiens du Burkina. Après cela, nous avons mené des actions sur le terrain. Pendant la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 98, nous avons organisé une rue marchande pour les exposants. L’Union a toujours été fonctionnelle à partir du moment où on avait essayé de travailler, de parler et de faire voir les difficultés dans notre domaine. Nous avons effectué des voyages à Abidjan en Côte d’Ivoire et dans des pays comme le Bénin, le Niger. Nous avons aussi réfléchi sur les stratégies à adopter pour acquérir une certaine autonomie.

A un moment donné, nous nous sommes un peu éclipsés parce que croyions avoir été compris par les autorités. Mais, selon toute vraisemblance, il n’en était rien. Aujourd’hui, nous sentons que les artistes plasticiens burkinabè sont menacés. Le Burkina est ouvert à l’Asie actuellement. Les concurrents et les acheteurs déloyaux viennent acheter des produits de récupération tels que le fer, le bronze et l’aluminium, à des prix élevés.

Cela ne permet pas aux artistes et artisans burkinabè de travailler à l’aise. Nous ne pouvons plus être compétitifs à partir du moment où ils viennent avec beaucoup plus d’argent pour rafler ces matières. Prenons par exemple la cas du bronze dont le kilo coûtait 500 F CFA, et qui est aujourd’hui estimé à 4 000 F CFA. La cire coûte 3 000 F CFA le kg aujourd’hui alors qu’elle coûtait 1 000 F CFA autrefois.

On l’utilise pour fabriquer des bougies. Nous ne demandons pas à l’Etat de leur interdire l’achat de ces matières. Nous lui demandons plutôt d’introduire des mesures pour taxer ces produits et faire en sorte que les acheteurs n’arrivent pas à les emporter aussi facilement qu’il le font actuellement. Nous sommes là pour défendre une cause, et nous ne pouvons pas baisser les bras devant de telles situations. Nous manifestons notre mécontentement auprès des autorités burkinabè qui savent que l’artiste ne vit que de son art.

Ceux qui vendent ces matières premières vivent eux aussi de ces produits. A leur place, ne céderiez-vous pas vos produits aux prix proposés par les acheteurs les plus offrants ?

Nous, nous achetons ces matières pour les utiliser directement sur le terrain. Mais ceux qui les achètent à ces prix élevés vont les transformer très loin sur d’autres continents. Aujourd’hui, quand on parle du Burkina, on pense tout de suite agriculture, élevage, artisanat, etc. Les revendeurs sont des partenaires sûrs. Ils ne peuvent pas laisser mourir notre artisanat au profit de celui d’Asie.

Nous pouvons nous entendre parce que si nous n’arrivons pas à vivre, il en sera de même pour eux. Viendra un moment où ils ne pourront plus tenir. Certains de leurs clients finiront par s’installer ici au Burkina et monopoliseront ce domaine. Et les petits revendeurs, disparaîtront. Nous menons le même combat. C’est à l’Etat de réglementer ce domaine.

Avez-vous approché les autorités compétentes pour aborder ce sujet ?

Je l’ai dit plusieurs fois lors des réunions auxquelles j’ai participé. J’ai dit aux autorités compétentes de tout mettre en oeuvre pour éviter que notre domaine plonge dans l’obscurité. Nos dirigeants aiment apprécier les belles oeuvres. L’essentiel n’est pas d’apprécier les oeuvres des artistes. Ils n’ont jamais cherché à savoir comment nous acquérions nos matières premières. Le Burkina n’a pas de mines de fer, ni de cuivre ou d’aluminium. Nous vivons de la transformation de ces matières de récupération que nous achetons.

La XXe édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) se tient du 27 octobre au 5 novembre 2006. Comment comptez-vous aborder cet évènement ?

Nous avons demandé aux artistes et artisans d’aller au SIAO. Ce Salon est le leur, si bien que nous ne devons pas rester en marge de l’évènement. Mais, vu toutes ces menaces, ce n’est pas facile pour les exposants. Ils ne peuvent pas être nombreux aux différentes expositions. Il faut noter qu’aujourd’hui, le SIAO n’est pas réaliste pour les artistes burkinabè. Chaque année, le prix des stands évolue, et ces prix ne sont pas burkinabè. Si l’ Etat veut qu’on se sente dans le SIAO et qu’on s’approprie véritablement ce salon, il doit promouvoir notre domaine. Nous promouvoir, c’est aussi penser à baisser le prix des stands d’exposition. L’Etat doit également voir comment accompagner ces artisans avant, pendant et après le SIAO.

Le SIAO est une foire. Ne croyez-vous pas que son organisation a, quelque part, pour but d’appeler les artistes et artisans à se regrouper pour exposer et se faire connaître ?

Les artistes qui viennent au SIAO y amènent et présentent des échantillons. Nous n’avons jamais voulu que le SIAO soit une foire. Nous voulions qu’il garde son identité de salon. Aller en groupe n’est pas la solution. Nous devons produire pour vendre et vivre. Pour ce faire, nous souhaitons que le SIAO se tienne tous les ans et non tous les deux ans. Les autorités en charge de cette biennale peuvent, par exemple, organiser un salon pour les produits d’art et un autre pour nous autres qui en vivons.

Le salon serait plus professionnel si nous organisions de petits salons avant le grand salon. C’est notre ambition. Et nous allons nous faire entendre. Nous y arriverons. Nous pouvons proposer qu’au lieu d’un grand salon, on ait un salon du cuir, un autre du textile ou de la sculpture chaque trimestre. Si après un salon les artistes doivent attendre encore deux ans avant d’exposer leurs produits et les vendre, il est clair qu’ils ne pourront pas vivre de leur art !

Que proposez-vous donc ?

Il faut organiser de petits salons avant le grand salon. C’est ça, notre ambition, et nous devrons y parvenir. Nous allons nous faire entendre pour faire voir les produits confectionnés à partir du fer, du bois, du bronze et d’autres matières. Nous voulons que l’Etat organise chaque trimestre un salon du textile, du cuir et de la sculpture.

Par Alain DABILOUGOU

Le Pays

P.-S.

Voir le site du SIAO :
http://www.siao.bf

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