LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.” Montaigne

La Russie de Poutine, un goulag à ciel ouvert

Publié le mardi 10 octobre 2006 à 09h01min

PARTAGER :                          

On croyait que la dictature et autres manœuvres peu orthodoxes étaient désormais un monopole des magnats et grands timoniers de nos républiques bananières.
Que nenni ! Regardez par exemple la Russie du tsar Poutine 1er.

Après 70 ans de dictature du prolétariat et la désintégration de l’empire soviétique sur fond de glasnost et de Perestroïka, ce pays s’essaie à l’ouverture démocratique et au libéralisme économique depuis une vingtaine d’année, mais on a comme l’impression que l’arrivée aux affaires de l’ancien colonel du KGB a donné un coup de frein à tout cela.

De nos jours, le despotisme renaît donc de ses cendres en ex-URSS avec le surprenant Vladimir Poutine qui ne manque pas de tristement s’illustrer à l’occasion, avec ce qu’on pourrait appeler tout simplement le « poutinisme ». Après d’autres exactions, c’est près de 150 Géorgiens qui ont été récemment déclarés « illégaux » et expulsés de Russie dans un Iliouchine 76 affrété par le ministère russe des Situations d’urgence.

Cela intervient quelques semaines seulement après le début de la « crise des espions » entre la Russie et la Géorgie. Moscou a donc ouvertement décidé de « croquer » tous les Géorgiens vivant sur son territoire. Dans tout le pays, le mot d’ordre est de débusquer les indésirables grâce à leurs enfants.

La police moscovite a exigé des écoles de la capitale, des listes d’élèves portant des noms à consonance géorgienne afin de pouvoir remonter jusqu’à leurs parents et vérifier si ceux-ci sont en situation régulière. Cette méthode avait, on se rappelle, été utilisée deux ans plus tôt, lorsqu’il était question de trouver des enfants d’origine tchétchène après le mémorable massacre de Beslan.

Quand ce ne sont pas les originaires de ce petit Etat du Caucase qui sont pourchassés, ce sont les nègres. Le mercredi 14 septembre 2006, un étudiant congolais (Brazzaville) de 29 ans à l’Institut des forêts, Roland Epassak, succombait ainsi à ses blessures dans un hôpital de Saint-Pétersbourg, ville natale de Poutine, dans le nord-ouest de la Russie. Il avait été attaqué quelques jours auparavant par des inconnus.

Cet énième crime malheureusement est le résultat de multiples attaques, parfois mortelles, commises souvent par des bandes de skinheads, ces dernières années en Russie et notamment à Saint-Pétersbourg. De fait, si les actes de racisme ont toujours existé dans ce pays, les violences qui les accompagnent se sont multipliées ces dernières années, sans qu’il n’y ait une véritable volonté de sévir, toutes choses qui encouragent les xénophobes de tous poils assurés de l’impunité.

Dernier fait en date, l’assassinat samedi après-midi dans la cage d’escalier de son immeuble, rue Lesnaïa, au centre de la capitale russe, de la journaliste de terrain, écrivaine reconnue à l’étranger, Anna Politkovskaïa, 48 ans, mère de deux enfants. Elle a été tuée de plusieurs balles à bout portant par un homme embusqué, alors qu’elle sortait de l’ascenseur. L’histoire retiendra que sa mort a eu lieu le jour du 50e anniversaire de Vladimir Poutine, cinquantenaire qu’il a fêté avec faste dans sa région natale de Saint-Pétersbourg.

Inutile de dire, comme ce fut le cas pour d’autres confrères à l’image de Norbert Zongo, que le meurtre d’Anna Politkovskaïa est lié à ses activités journalistiques. Dans la rédaction du journal « Novaïa Gazeta » où elle travaillait, on n’attend pas grand-chose de l’enquête en cours. Correspondante de guerre depuis 1999, Anna Politkovskaïa dans ses écrits s’élevait contre la dérive autoritaire du président russe, les conscrits battus à mort et la corruption des fonctionnaires.

Avant sa mort, elle préparait dit-on, un dossier sur la pratique systémique de la torture (photos à l’appui) en Tchétchénie par les autorités russes et leurs valets locaux, cette Tchétchénie où le maître du Kremlin joue les effaceurs professionnels. C’est donc reparti avec les commentaires sur le régime de Poutine, qui finit de convaincre l’opinion internationale que son pays est redevenu un véritable goulag, ce fameux réseau des camps de travail forcé instauré dès 1919 et qui s’est considérablement développé avec Staline.

Même Aleksandr Soljenitsyne, l’auteur de l’Archipel du Goulag, y perdrait son russe. Ainsi, dans certains milieux, on affirme qu’il s’agit d’un assassinat politique et les autorités n’y sont pas étrangères. D’aucuns privilégient au contraire la piste tchétchène, ce qui revient au même, pendant que d’autres évoquent une vengeance de l’actuel FSB, l’ancien KGB dont, on l’a vu plus haut, le président russe fut un officier supérieur.

On en trouve même qui vont chercher du côté des services secrets étrangers qui seraient avides d’une nouvelle « révolution orange ». C’est autant d’hypothèses qui ne disculperont pas de sitôt le premier des Russes.

En Russie comme ailleurs, chacun a donc son cadavre dans le placard et c’est comme si le choix de la cible est tout fait contre le journalisme et les journalistes, de pauvres pisse-copies qui ne cherchent que jouer leur rôle dans la société : participer à la diffusion de la vérité.

D. Evariste Ouédraogo

L’Observateur

PARTAGER :                              

Vos réactions (5)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
France : Michel Barnier est le nouveau Premier ministre
Un expert militaire analyse les actions de l’Ukraine en Afrique