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Sommet de la Francophonie : La petite bagarre des chefs d’Etat

Publié le mercredi 4 octobre 2006 à 07h24min

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Le président libanais, Emile Lahoud, n’a pas été invité au 11e sommet de la Francophonie. Il s’est alors mis en colère contre Jacques Chirac. Ce dernier a riposté. Le chef de l’Etat roumain, pays organisateur du sommet, a tenté de recoller les morceaux. Mais le Canada a enfoncé le clou en tenant un discours énergique à propos des « victimes civiles » du conflit entre Israël et le Liban. Un cocktail molotov vite masqué par une tunique diplomatique.

La conférence de presse finale a commencé avec une heure de retard. Les chefs d’Etat avaient du mal à s’entendre. Objet de discorde, la résolution portant sur le Liban. L’Egypte a fait un amendement qui n’était pas du goût du Canada. Il a demandé que l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) déplore la tragédie au Liban et les conséquences dramatiques pour les populations civiles de ce pays. Le Premier ministre canadien, Stephen Harper, est alors monté au créneau. Pour lui, la résolution telle qu’elle est formulée est injuste, « très injuste ».

Et il s’en explique : « La Francophonie ne peut pas reconnaître des victimes selon leur nationalité. » En clair, "si les victimes libanaises doivent être mentionnées, il faut que les victimes israéliennes le soient aussi ». Le climat était « très tendu », confie un ministre qui a pris part aux travaux. Jacques Chirac a tenté de calmer le jeu, non sans difficultés. Ayant constaté qu’ « une très forte majorité était favorable à l’amendement présenté par l’Egypte », il tente d’abord, avec diplomatie, de conduire la « barque francophone » dans ce sens.

Mais c’était mal connaître le Canada qui est revenu à la charge, estimant sans doute que cette résolution « sentait de la discrimination » et pouvait, de ce fait, écorcher gravement l’image de la Francophonie. L’Egypte, elle aussi, tente de faire valoir son point de vue, décochant par moments des flèches à Israël pour son « arrogance » vis-à-vis du Liban et de la Palestine. La tension monte d’un cran.

Une trentaine de minutes avant l’adoption de la déclaration finale, Jacques Chirac reconnaît, devant les journalistes, qu’il y a « blocage ». Finalement, le Canada et la Suisse obtiennent gain de cause. La déclaration de Bucarest parle en effet de « tragédie » et de « conséquences dramatiques » pour « l’ensemble des populations civiles ».

« Que Chirac ne se mêle pas de nos affaires internes ! »

Mais une autre arête est en travers de la gorge de la Francophonie. Le président libanais, furieux de n’avoir pas été invité au sommet, s’en prend à Jacques Chirac. « Il a une politique partisane », martèle-t-il dans le quotidien français Libération, affirmant avec force détails que c’est Paris qui a « fait pression » sur Bucarest. « Chirac a dit à de nombreux pays amis de la France de me boycotter.

C’est lui qui a fait en sorte que je ne sois pas invité à ce sommet. Il a toujours eu des contacts personnels au téléphone sur le mode : faites-moi ça, donnez-moi ça. Je le sais parce qu’il a essayé avec moi », affirme-t-il. Pourtant, Jacques Chirac déclare qu’il n’a rien à voir dans cette décision. Il estime que le président libanais « fait fausse route », et que « cela est déplorable ».

Le chef de l’Etat roumain, Trian Basescu, affirme que la décision de ne pas inviter le président libanais vient de lui. Et il assume, la main sur le cœur, l’acte qu’il a posé : « C’est une décision que j’ai prise, et je pense qu’elle était juste, compte tenu des suspicions contenues dans le rapport sur la mort de l’ancien Premier ministre Rafiq Hariri, en 2005. » Mais Emile Lahoud estime que tout a été manigancé par Chirac : « Il n’a pas été juste dans son comportement envers les Libanais (...). Qu’il ait des amis, c’est son droit, mais qu’il ne se mêle pas des affaires internes de notre pays ».

Et voici la question qui tombe, brusque et fracassante : « Pourquoi, depuis l’attentat qui a tué Hariri, personne ne s’intéresse aux véritables ennemis du Liban, à Israël, aux fondamentalistes extrémistes comme Al-Qaeda ? Et de poursuivre : "Je n’ai rien contre Chirac. Le problème, c’est qu’il prend les choses personnellement. On n’accepte ni mandat arabe, ni mandat français au Liban. Il faudrait être un traître pour retirer les armes à la résistance. La seule façon de combattre et de vaincre Israël, c’est d’avoir une guérilla. Le Hezbollah, c’est l’armée nationale. »

Chirac a dû mal accueillir ces déclarations. Mais s’est gardé de faire trop de commentaires, préférant sans doute mettre en branle sa diplomatie pour traiter cette « question dérangeante ». Surtout que la Francophonie semblait avoir aussi été prise dans la nasse de la crise ivoirienne. Mais là, les choses sont allées plus vite. Du moins sur le papier.

Par Hervé D’AFRICK, envoyé spécial à Bucarest

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