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Espace Francophone : Crise identitaire ?

Publié le mercredi 4 octobre 2006 à 07h22min

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Depuis la déclaration de Bamako de 2000 et le sommet de Beyrouth (tenu en 2004) la Francophonie veut se donner une vocation politique. Force est de reconnaître cependant qu’elle n’arrive pas à porter celle-ci du fait d’un élargissement intempestif mais surtout à cause de la « décrépitude » économique et politique de son principal impulseur la France.

Lors du sommet de Bucarest, l’adoption de la résolution sur le Liban a permis de constater que l’espace francophone était traversé par plusieurs courants. C’est vrai que tous les Etats ne doivent pas forcément avoir la même position sur une question donnée, mais il y a eu un malaise certain après la « passe d’armes » franco-canadienne. Une onde de choc qui s’est ressentie hors de l’espace notamment en Grande-Bretagne où la presse s’est gaussée de ce malaise.

C’est dire si des thèses atlantistes (pro-américaines) et européennes s’affrontent désormais dans l’espace. Sur le Soudan aussi, les thèses atlantistes et celles françaises ne se rejoignaient pas forcément et, le « désordre » serait en train de gagner le précarré. Si l’on met la langue de bois diplomatique, il n’est pas évident que sur le dossier ivoirien, Bongo, Sassou et Compaoré soient sur la même longueur d’ondes et le sommet à venir d’Abuja nous permettra d’être mieux situés sur la question. Querelles idéologiques ou plus certainement de leadership, le principal problème de la francophonie réside cependant dans le fait qu’il manque une superpuissance en son sein.

La France qui avait la prétention de jouer ce rôle, a commencé à décliner dès l’épisode de la nationalisation du canal de Suez en septembre 1956. On est mémoratif qu’avec la Grande-Bretagne, elle avait tenté de ramener dans le « droit chemin » Gamal Nasser, le raïs égyptien qui avait eu le « culot » de nationaliser ledit canal. Alors que les troupes aéronavales françaises et britanniques croisaient aux larges des côtes égyptiennes, sur injonction des USA, elles avaient fait demi-tour, consacrant la victoire de Nasser. Lequel sera auréolé à jamais de l’étiquette de « héros » du monde arabe, nonobstant la cuisante défaite qu’Israël fera subir au pays lors de la guerre de « six jours ».

En régentant le stratégique canal de Suez, l’Amérique imposait sa tutelle sur cette partie du monde et annonçait la naissance de son siècle. Mise au pas, la France devra dès lors son statut de grande puissance qu’à son passé colonial. Faut-il le dire, l’Afrique était (et est toujours) un réservoir de matières premières et les amitiés françaises sur le continent pouvaient être utiles dans le cadre de leur exploitation. « Alliée idéologique » contre Moscou dans le cadre de la guerre froide, Paris devenait l’ennemi dans cette course aux matières premières avec la chute du mur de Berlin et la disparition de la menace soviétique.

Avec la mondialisation, fini le précarré et bonjour le début du déclin économique après celui politique. Avec des politiques incapables de proposer une alternative enthousiasmante à leur peuple, la France se sclérosait, plombée par un système social hérité de l’après-guerre et devenu inadapté et suicidaire avec les réalités économiques du moment. Alternances politiques improductives, concurrence féroce des nouveaux maîtres du monde (USA, Japon, Chine, Inde et bientôt Brésil) le lit des crises sociales était fait et celles-ci culmineront avec les émeutes banlieusardes de novembre 2005.

C’est cette France grippée et qui n’a plus que l’espace francophone pour se donner un semblant de grandeur qui veut affirmer celle-ci en ouvrant l’espace au maximum. « Qui trop embrasse, mal » « étreint » et les crises sus-citées viennent nous le rappeler.

Aux Africains d’assimiler cette donne en perçant les mailles du corset qui les enserrent depuis deux siècles pour s’ouvrir aux autres mondes et surtout bâtir le leur de façon endogène, en suivant le schéma des penseurs comme Cheick Anta Diop, N’krumah, Williams Du Bois etc. Déjà que plus d’un milliard d’êtres humains parlent le chinois et que le portugais gagne du terrain avec le seul Brésil, nul ne peut dire avec exactitude comment sera la carte linguistique du monde dans un siècle. Il faut donc éviter de trop s’agripper aux branches en voie d’assèchement.

Boubakar SY

Sidwaya

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