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Côte d’Ivoire : Gbagbo et ses ennemis intérieurs

Publié le mercredi 27 septembre 2006 à 08h01min

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Très cher neveu.

Il y a des signes qui ne trompent pas et qui font peur à la majorité des citoyens. La Côte d’Ivoire est désormais dans une logique de guerre après avoir fait dépenser beaucoup d’énergie, d’argent et de moyens matériels à l’ONU dont le budget est tributaire des contributions de nos Etats.

Toutes les solutions proposées pour une sortie de crise sont pratiquement épuisées. Dans ce contexte, celui par la faute duquel on a débouché sur une impasse, Laurent Gbagbo, ne fait plus mystère de sa volonté d’en découdre avec tout le monde. D’abord avec les forces impartiales, c’est-à-dire les quelque 11 000 soldats français et onusiens. A leur endroit, Laurent Gbagbo répète inlassablement la même chose : elles "peuvent partir si elles veulent".

Ensuite avec le Groupe de travail international (GTI), dont la dissolution est demandée par Gbagbo. Avec la France aussi, dont le départ est considéré comme participant de la lutte anticoloniale. Avec aussi la communauté internationale à laquelle Gbagbo vient de donner un coup de pied et dont il n’est pas tenu de respecter les résolutions car il aura beau jeu de dire à propos de l’actuelle Assemblée générale : "Je n’y étais pas, je n’ai pas signé, donc je ne suis pas concerné".

Enfin avec l’Afrique qu’il a réussi à diviser. En effet, il a pratiquement humilié le président en exercice de l’UA, le Congolais Sassou Nguesso, en l’écoutant à peine lorsqu’il a débarqué en Côte d’Ivoire pour tenter de désamorcer la crise en sa qualité de porte-parole de l’Afrique. Par contre, il a reçu le président sud-africain dont les accointances avec lui semblent manifestes depuis longtemps, au grand dam de l’opposition et des Forces nouvelles. Laurent Gbagbo peut aussi compter sur l’Angola, qui forme avec l’Afrique du Sud les pays pourvoyeurs, dit-on, de mercenaires.

Il ne s’en cache d’ailleurs pas et affirme fièrement, sans états d’âme, qu’il faut être lui pour tenir tête à la communauté internationale. Il omet cependant de dire qu’il a deux soutiens de taille au sein de cette communauté internationale : la Russie et la Chine, qui se sont tout récemment opposées aux sanctions contre Pascal Affi N’Guessan et Mamadou Coulibaly. Ainsi, "débarrassé" de ses "ennemis extérieurs", Gbagbo peut s’attaquer à ses ennemis intérieurs. De nombreux observateurs remarquent que le président multiplie, ces derniers temps, des rencontres avec toutes les armées du pays (à l’exception, bien sûr, des unités des Forces nouvelles) pour leur livrer quelques réflexions que lui inspirent les événements actuels. Que peut bien leur dire le président, sinon de se préparer à l’assaut final ? Ces consultations ont aussi pour but de prouver que Gbagbo est aux commandes, d’autant plus que l’échec de l’ONU lui donne les coudées franches pour renforcer son pouvoir.

Une fois encore, il s’abrite derrière la Constitution, qui lui confère ses pouvoirs, et qui, selon lui, est le symbole de la souveraineté de la Côte d’Ivoire. Il s’accroche ainsi à la souveraineté de son pays pour réfuter tous les accords allant dans le sens de la paix. Mais brandir éternellement la souveraineté de la Côte d’Ivoire tout en tendant la main à l’extérieur, notamment en acceptant par exemple le financement par l’Union européenne des audiences foraines, et refuser les avis de cette dernière n’est pas juste. On dit que celui qui reçoit a toujours la main en dessous de celle qui donne. Où est la souveraineté d’un pays qui ne peut même pas surveiller ses eaux territoriales au point d’assister impuissant au déversement de déchets toxiques dans son port et dans plusieurs endroits de sa capitale économique ? Cher neveu, tous ces amalgames justifient la peur des Ivoiriens de voir éclater la guerre. Et quel que soit celui qui en sortira vainqueur, ce sont les pauvres populations, en dehors des seigneurs de guerre, qui vont en pâtir. Au moment où j’écrivais ces lignes, peut-être que Gbagbo et M’Beki avait déjà débarqué séparément à Ouaga, histoire peut-être de démentir leur connivence. En tant que président du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, peut-être que Blaise Compaoré sera le faiseur de paix. Pour avoir réussi à réconcilier les frères ennemis togolais, on peut lui souhaiter la même chance.

Très cher neveu, les Ivoiriens ne perdent cependant pas l’espoir de retrouver la paix, comme tout naufragé qui s’accroche à tout. Ils se disent que l’ONU s’est tellement investie dans cette crise qu’elle ne saurait quitter la Côte d’Ivoire sur la pointe des pieds, abandonnant les populations à leur triste sort.

Très cher neveu, tu as dû constater toi-même l’erreur qui s’est glissée dans ta dernière missive à propos de l’institution de la pratique du sport au niveau du gouvernement. Au lieu du mercredi, jour du Conseil des ministres, c’est plutôt tous les jeudis que les ministres croiseront les crampons.

Ton oncle

Le Pays

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