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XIe Sommet de la Francophonie à Bucarest : A la « conquête » de l’Est

Publié le mercredi 27 septembre 2006 à 07h51min

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Le XIe Sommet de la Francophonie campé autour du thème : « Les Technologies de l’information dans l’éducation » va au-delà dudit thème qui constitue à lui seul une problématique majeure, esquisser les contours d’une Francophonie plus « pesante » sur les affaires du monde qui se voudra, selon son secrétaire général, Abdou Diouf, « un lieu où on pourra « recréer un multilatéralisme positif, suscitant des coopérations et des coordinations plutôt que des antagonismes ».

L’admission de pays membres « atypiques » doit se comprendre dans ce sens. L’Albanie, la Principauté d’Andorreet, la Grèce, doivent en principe rejoindre la grande famille francophone, cependant que Chypre, le Ghana, la Serbie, l’Ukraine et le Mozambique sont en « standby ». On est loin de la Francophonie originelle qualifiée de « post-coloniale » par un expert au sens ou elle réunissait principalement d’anciens colonisateurs (France et Belgique) et d’anciens colonisés répertoriés pour la plupart en Afrique.

Aussi, le fait culturel(le partage de la langue française) semble « galvaudé » ou à tout le moins remisé au placard au profit d’enjeux plus politiques, avec comme valeurs communes, le respect des droits humains et la démocratie.

Une ouverture vers de nouveaux horizons qui suscite interrogations et inquiétudes mais qui se comprend aisément, le but étant d’accroître la capacité de négociation internationale et l’influence de l’espace. Comme nous l’écrivions dans notre édition du lundi 25 septembre 2006, le choix du pays hôte n’est pas dû à un quelconque hasard, pas plus d’ailleurs que l’admission de la Pologne, de la Lituanie et de la Slovénie il y a une décennie.

Avec la chute du mur de Berlin et la fin de l’influence soviétique en Europe Centrale et de l’Est, ces contrées sont devenues des « terres vierges » ouvertes à la compétition entre le vieux et le nouveau continents. On a en mémoire les joutes homériques entre Américains et Européens (Allemands et Français principalement) lors du déclenchement de la campagne irakienne de 2003 sur fond d’intérêts économiques et militaires.

George Bush qui cherchait des troupes pour sa croisade n’avait pas hésité à mettre dans la balance de « l’argent frais » pour ceux qui s’aligneraient derrière lui. Les Européens eux, tout en faisant miroiter les avantages que l’adhésion à leur Union aurait pour les pays de l’Est invoquaient par ailleurs des problèmes d’éthique et de droit pour freiner les ardeurs des candidats à la guerre.

L’Afrique doit s’assumer

Si le débat ne fait plus rage, le combat de gladiateurs se poursuit, l’Union européenne ouvrant ses portes à doses homéopathiques aux pays de l’Est alors que l’offensive économico-financière de l’Oncle Sam se poursuit de plus belle.

Plus qu’un combat économique, c’est à un choc d’influence voire culturel que nous assistons. La perception du monde n’étant plus la même depuis 1989 selon que l’on se situe d’un côté ou l’autre de l’Atlantique à l’exception de la Grande Bretagne pour des raisons évidentes. Sûre de sa force, l’Amérique veut imposer son « way of life » dont les valeurs cardinales sont les lois du marché et rien que.

Marchandisation de tous les produits, y compris culturels, financiarisation de l’économie, voilà les credos d’une mondialisation qu’Abdou Diouf a qualifiée de « prothéiforme et déshumanisée qui anesthésie nos espérances ». On ne peut que faire chorus avec lui, quand on voit les inégalités que cette conception a engendrées de même que la progression galopante de la pauvreté et la négation des identités minoritaires.

Opposer le multilatéralisme à l’hégémonisme, la diversité culturelle et linguistique au repli identitaire et le partage régulé des richesses à la loi pure et dure du marché semble aller de soi sauf qu’on a l’impression d’assister au sein même de la famille francophone à un jeu de dupes où les Africains sont encore des faire-valoir. A bien y regarder en effet, les Américains ne semblent pas plus coupables que les Européens dans cette situation désolante où les « damnés » de la terre se recrutent pour l’essentiel en Afrique.

Face à une solidarité de façade et à cette ouverture vers l’Est à forts relents économiques, les Africains doivent maintenir la pression pour qu’on ne les oublie pas. Et c’est à juste titre que le président du Faso, Blaise Compaoré alors hôte du Sommet de la Francophonie en 2004, avait proposé que le Mozambique et le Ghana puissent avoir leur place dans la Francophonie.

Au-delà des mots, l’intégration des pays francophones en développement à l’économie mondiale, l’accès aux financements internationaux, une utilisation plus efficace des aides publiques au développement et le financement des industries culturelles doivent devenir effectifs.

Mieux, il ne faudrait pas remplacer la déferlante américaine par une autre, ce qui commande que l’on ait à l’esprit « qu’une approche juste des questions liées au développement doit reposer sur la conviction établie avec certitude que l’on ne saurait tenter une résolution des défis du 21è siècle en vidant les problématiques en l’objet et en présence de leur contenu : celle de la culture » (Mahamoudou Ouédraogo, culture et développement en Afrique, p.106).

Il appartient aux Africains de se redécouvrir et de se reconnaître sans tomber dans des combats d’arrière-garde. La vocation universelle de la Francophonie doit les y inciter pour qu’au sortir de Bucarest et à l’avenir, ils soient leurs propres agents d’influence. Ne dit-on pas que « charité bien ordonnée commence par soi-même ?

Boubakar SY,
(Envoyé spécial à Bucarest)

Sidwaya

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