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Crise ivoirienne : "Il faut organiser des Etats généraux" Frédéric Guirma

Publié le mercredi 27 septembre 2006 à 08h13min

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Frédéric Guirma

Pour l’ambassadeur Frédéric Guirma, l’on est revenu à la case-départ dans la crise ivoirienne. Le médiateur sud-africain Thabo MBéki, complice de l’affairisme de Laurent Gbagbo, a perdu toute crédibilité. La solution au drame ivoirien reste alors l’organisation d’Etats généraux à laquelle doivet participer les représentants de toutes les composantes du peuple ivoirien.

Le problème ivoirien a ceci de pervers que l’objectivité y est absurde. Toute opinion qui ne favorise pas un camp est tenue pour une prise de position contre lui. Si fait que ce ne sont plus la détresse du Peuple Ivoirien et la délitescence de son pays à la limite du non retour qui importent, mais les intérêts de chacun des protagonistes.
Et cela parce que le problème a été très mal appréhendé dès le putsch qui renversa le président Henri Konan Bédié et depuis, par tous ceux qui ont tenté de le solutionner par toutes les sortes de systèmes.

Sachant quel degré de violences qui menaçaient la stabilité de l’Etat le pays avait atteint, la France et la Communauté Internationale qui ne veulent plus en Afrique de coups d’Etat militaires pour solutions de problèmes insolubles, auraient du encadrer celui qui porta le Général Robert Guéi au pouvoir tout en maintenant leurs sanctions en preuves de refus des coups d’Etat.

Or leur erreur fut de presser les putschistes à un retour rapide à la normalité constitutionnelle par des élections générales dans un pays déjà nettement fissuré en son milieu, comme si des élections sont nécessairement la panacée aux graves problèmes institutionnels, humains et structurels de l’Afrique.

Aussi le caractère humain du problème a pris le dessus car, au lieu d’Ivoiriens sérieux pétris de sens de la responsabilité supérieurs pour concevoir et écrire la constitution, ce soin fut confisqué par des politiciens qui la conçurent pour accommoder des ambitions d’individus au détriment des aspirations réelles du peuple Ivoirien. Elle légitima l’Ivoirité qui a provoqué le coup d’Etat. La Communauté Internationale, et surtout la France commirent la grave faute de légitimer cette constitution afin que l’on passe aux élections à la va vite. Depuis, tous les faits tragiques que culmine la situation présente sont les conséquences de cette précipitation.

Les prétentions de feu le président Gnassingbé Eyadéma et de la CEDEAO à régler l’affaire en réconciliant les rebelles et le gouvernement légal relevaient de la pure gesticulation diplomatique. En de telles situations, surtout en Afrique, le premier qui rengaine son pistolet est aussitôt navré par son adversaire. Aussi Marcoussis ne pouvait pas non plus réussir par les accords à l’arraché imposés au camp gouvernemental.

Ces accords constituaient un véritable coup d’Etat qui dépouillait le chef de l’Etat de ses pouvoirs constitutionnels au profit d’un Premier ministre anti-constitutionnel et nommé par consensus. Mais restait à savoir si les forces armées loyalistes au président élu cautionneraient ce Premier ministre en cas de conflit avec ce président. On l’a su depuis.

Bien plus remarquable encore d’incongruité, la constitution qui légitime le chef de l’Etat, l’Assemblée Nationale qui en est issue et la garante ont été laissées en place. Que l’on se mette aux places de Laurent Gbagbo et de ces députés en majorité du FPI son parti ! L’échec du premier ministre Diarra était programmé.

Depuis aussi, il ne faut guère trop chercher à comprendre le jeu du président Thabo M’Beki retenu comme principal médiateur et que récuse l’opposition à Gbagbo en l’accusant de partialité. N’en déplaise aux Européens qui les croient les gurus en Afrique parce qu’ils sont les plus puissants, les Africains du Sud ne sont pas nécessairement impeccables en tout du fait de leur destin singulier. Toujours fut-il que la procrastination des choses mena faute d’élections à la caducité des mandats du président et des députés aux yeux d’une constitution qui n’a rien prévu en un tel cas.

La Communauté Internationale en saisit l’occasion non pas pour reconnaître que la constitution aussi était caduque du même fait, puisque inapte à casser le cercle vicieux, mais pour s’y supplanter et mandater Konan Banny à constituer un gouvernement d’union nationale.

Du coup ce nouveau Premier ministre relevait directement d’elle qui l’a mandaté en prenant implicitement le devoir de le protéger dans son action. Dès lors si lui aussi tenait au succès, il lui fallait reconnaître que l’Assemblée Nationale ne jouissant plus de mandat constitutionnel, tout comme le chef de l’Etat qui tenait la prorogation du sien de la même autorité que lui. Face à ce vide institutionnel en ce qui concernait en tout cas le corps législatif, son seul recours était le Peuple Ivoirien comme autorité législative suprême pour cautionner son action.

Courageusement il devait l’appeler à lui envoyer pour l’assister, ses représentants élus par les composantes du tissu social en Assemblée Nationale de ses Etats Généraux qui ipso facto sera Constituante en vertu de la Souveraineté du Peuple et de l’ineptie de la constitution. Un tel organe suprême eut sûrement trouvé les voies et moyens de la réconciliation nationale sincère et nécessaire pour le pardon des divers crimes et donc pour le désarmement mutuel dans la confiance qui débloque la voie à des élections dans une atmosphère apaisée et sécurisée
par une nouvelle constitution vraiment démocratique.

L’idée n’a pas séduit Konan Banny. Les élections sont renvoyées aux calendes grecques. Comme de la main d’un démon qui jouit de tourmenter les Ivoiriens, les déchets toxiques viennent causer un tel scandale que le premier ministre a senti la nécessité de démissionner. C’était honnête et édifiant de sa part.

Puisqu’il détenait son mandat de la Communauté Internationale, en logique juridique c’était à elle qu’il devait remettre sa démission, quitte à ce qu’elle l’accepte ou le mandate de constituer le nouveau gouvernement. Or c’est au chef de l’Etat qui ne l’a pas mandaté qu’il a remis cette démission. Et c’est celui-ci qui le mandata pour former le nouveau gouvernement, reprenant ainsi le dessus sur l’autorité de la Communauté Internationale effectivement caduque à moins pour la restaurer d’un coup d’Etat qu’elle condamne et sanctionne en Afrique.

Le président Gbagbo irrité par toutes ces contradictions juridiques a pour sa part pris sa résolution. Il reste au pouvoir aussi longtemps qu’il n’y aura pas eu des élections qui le virent de là et l’Assemblée Nationale à son mandat. Pis, il veut le départ de la Force Licorne et des troupes de l’ONU. L’écran entre les belligérants ainsi levé, ce serait alors le face à face décisif des loyalistes et des rebelles.

Certes les chefs d’Etat sont très sages mais la perte de crédibilité de celui d’Afrique du Sud en cette affaire est un signe des temps. Se trouverait-il des hommes et des femmes de bonne volonté qui puissent accepter enfin l’idée d’associer le Peuple Ivoirien à rechercher la solution de son propre drame par le truchement des représentants de toutes ses composantes convoqués en Assemblée de ses Etats Généraux ?

Car après tous ces errements politiques et diplomatiques, ce peuple est revenu à la case départ avec l’augmentation extrême de la capacité de violences sanglantes et dévastatrices des belligérants. Les loyalistes à présent sont épouvantablement mieux armés que devant et les rebelles ne le sont pas moins.

Frédéric F. Guirma
Ambassadeur

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