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Pourquoi le salon "Tourismafrica 2006 "n’a pas été un succès

Publié le jeudi 21 septembre 2006 à 08h30min

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Dans notre édition du 19 septembre, la ministre Aline Koala, faisant le bilan du salon "Tourismafrica 2006" reconnaissait que celui-ci a été un échec, à cause principalement de la mauvaise organisation. Dans cette réaction à l’interview de la ministre, cet internaute, à la suite d’autres commentaires, va plus loin et donne d’autres explications.

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’entretien avec mme le Ministre. D’autant que je devais me rendre moi aussi à ce salon mais que pour raisons budgétaires, mon voyage a été annulé.

Je ne voudrais pas que l’on croit que parce qu’européen moi même, je cherche à défendre mes congénères. Il y a bien longtemps que l’appartenance à une supposée tribu de la planête (que ce soit pour des raisons de lieu géographique de la naissance, de couleur de peau ou autre !) n’a plus beaucoup d’importance pour moi. Je considère d’ailleurs comme un scandale que l’on embête les délégations africaines de manière discriminatoire avec des tracasseries douanières dignes des pays les moins avancés (tout comme je trouve scandaleux que certains pays africains demandent 100 euros pour délivrer un visa de tourisme).

Je ne crois pas qu’il faille ici incriminer les européens et faire de cet échec la base d’une politique de type "le tourisme africain aux africains" ! Ce ne sont pas les européens qui ont organisé le salon (à 360 millions de personnes, il est difficile d’organiser quoi que ce soit) mais "certains" européens, de même ce ne sont que certains suisses, et en collaboration avec certains africains. Bref une équipe d’organisateurs dont les membres ont des nationalités différentes et comportant un certain nombre d’africains.

Une seule constatation s’impose : une mauvaise organisation. C’est le premier salon de ce type et il y a peut-être matière à réfléchir pour qu’une prochaine édition soit confiée à des organisateurs un peu plus rigoureux, plus motivés et ... organisés.

Un autre point sur lequel il faut réfléchir c’est l’absence des professionnels européens du tourisme. Pourquoi ont-ils boudé le salon ? La réponse se trouve certainement sur le site web Tourismafrica et dans le programme. Voyez qui étaient les participants ? Quels étaient les projets présentés et par qui étaient-ils présentés ?

Il est peut-être temps pour les professionnels du tourisme africain de prendre en compte l’évolution de la demande mondiale de tourisme et les préoccupations de durabilité (durabilité ne voulant pas dire construire en béton pour que ça ... dure !!) qui existe dans le public des pays émetteurs.

Présenter (comme je l’ai vu sur le site à la rubrique projets, je n’invente rien !) des projets multi-millonaires en euros de grand resorts avec hôtels cinq étoiles en "béton climatisé", avec "convention center" pouvant accueilir des centaines de personnes, avec piscine olympique et hectares de courts de tennis à la clé, démontre une conception du tourisme qui date des années 70. Surtout lorsque les préoccupations de la demande touristique du moment sont à l’écologie, aux matériaux locaux, au "small is beautiful", à l’éco-lodge respectueux de l’environnement, à la participation de la population locale, à l’interculturalité, à la réduction de la pauvreté, et donc au tourisme solidaire, responsable, durable, équitable, ...

Aucun porteur de projet camerounais, béninois ou burkinabé ne trompera un investisseur européen ou un bailleur de fond avec un discours appris par coeur de durablité et d’écotourisme en lui montrant les plans d’un resort de 500 chambres en béton. Ca marche peut-être avec le touriste de passage à qui on réussit à piquer 10 000 CFA en l’embobinant mais ça ne va pas plus loin (ceci dit au passage, le touriste malheureux le répètera à 10 personnes qui le répèteront à 100 qui le ... à mille et ainsi de suite, qui tous diront sans savoir pourquoi "il ne faut pas y aller, ce sont des voleurs").

D’ailleurs un seul projet de tourisme durable en collaboration avec la population locale et visant à faciliter le développement de cette population, présenté sur le site de Tourismafrica par une association camerounaise qui n’a même pas eu les moyens d’envoyer un représentant à Genève, encore moins d’y installer un stand, a fait un contact avec une ONG suisse qui va la financer et l’appuyer. Combien de resorts touristiques balnéaires ont trouvé preneur ?

Les porteurs de projet crieront au racisme et rien ne changera, ils feront la même erreur l’année prochaine en croyant qu’ils vont s’enrichir du jour au lendemain (à moi les costards Armani et la "merco", les vacances au ritz à Paris et, suprême vanité, les nuits au Byblos le "cigare à la bouche", et avec "une chemise parfumée" !)

La plus grande qualité du tourisme est que ceux qui veulent accueillir un plus grand nombre de visiteurs se rendent vite compte que dire que c’est toujours la faute des autres ne sert à rien (le touriste, et surtout l’investisseur a plutôt tendance à fuir !) et que sans une sérieuse et sincère volonté de remise en question, d’auto-critique, et d’analyse véritable de ce qui empêche les wannabe destinations d’Afrique de décoller et de passer la barre fatidique des 500 000 rien n’arrivera.

Les africains pourront récriminer, dire "on nous accuse", crier au néo-colonialisme, au racisme et à l’ingérence ... la demande crée l’offre, si on ne l’écoute pas et que l’on ne prend pas en compte ses préoccupations et ses attentes on n’intéresse personne. Proposer aux visiteurs de venir jouer au Yuppie friqué en Afrique à des sommes exorbitantes (visa, billet d’avion, etc...) quand il cherche la paix, la santé, le contact humain, des activités proches de la nature, ... reflète bien la méconnaissance que certains décideurs africains (hommes bien sûr, les femmes sont en général plus conscientes. A ce propos une suggestion : laissez les femmes décider du tourisme et vous verrez que vous aurez des résultats plus vite !) du secteur du tourisme ont des habitants des pays industriel dits "riche" de notre planête.

Ils sont pleins de bonne volonté pour donner aux visiteurs ce qu’ils croient que ces mêmes visiteurs veulent mais finalement cela en dit bien plus de leurs propres désirs (le paraître et le prestige, l’argent facile à outrance, les hôtels particuliers à Paris et les comptes en Suisse, les belles voitures et les blondes au bord de la piscine ! Tout ça en fumant le havane, une paire de lunette de soleil de marque sur le nez, le jetski qui attend non loin l’heure de la baignade en maillot Adidas dernier modèle ou encore mieux, Prada !).

Le tourisme c’est l’apprentissage de l’autre, dénué des habits du stéréotype et de l’image d’épinal, de ses attentes véritables (et non pas de ce qu’on croit que sont ces attentes !) et de ce qu’il vient chercher chez nous. Beaucoup, dans leur aliénation, croient qu’il faut donner au touriste ce qu’il a chez lui. Ils investissent des fortunes pour construire des hôtels à l’européenne, des restaurants à l’européenne (pardon, de ce qu’ils croient que veut dire "à l’européenne" !) et pour inventer des activités "à l’européenne", alors que le visiteur cherche un peu d’"authenticité" (maître mot du tourisme aujourd’hui !), de découverte de traits culturels qu’il ne connaît pas, pour le résumer en un mot il cherche un peu d’ "altérité", de différence. Il veut rencontrer l’ "Autre".

De nombreux pays l’ont bien compris, sans aller loin regardez le Maroc ou la Tunisie, qui à eux deux représentent presque la moitié du tourisme africain. Ou encore le Kenya, la Zambie et l’Afrique du sud. Sans commentaires !

Finalement le tourisme est peut-être la plus grande chance des dirigeants africains, et des africains en général, de se remettre en question, de retrouver leurs valeurs (je ne parle pas d’euros, ni de la bourse !!), de prendre conscience de la beauté de leur continent, de leur culture, de leur art et artisanat (au lieu de remplir des hôtels inutiles de meubles importés à prix exorbitants comme ils le font, ou rêvent de le faire d’ailleurs avec leurs maisons !) et de toutes les manifestations naturelles et culturelles qui font de l’Afrique ce qu’elle est, la mère de l’humanité ! Alors les touristes, et les investisseurs viendront peut-être.

En toute amitié,

Tucko (antoinegeorge@gmail.com)

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