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Aline Koala : « Le salon tourisme Africa 2006 n’a pas été un succès »

Publié le mardi 19 septembre 2006 à 08h19min

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Aline Koala

Depuis janvier 2006, c’est sur les frêles mais solides épaules de cette dame aux allures d’étudiante que repose la politique culturelle du Burkina. Pour ceux qui la connaissent, la nomination de Aline Koala comme ministre de la culture, des arts et du tourisme est tout sauf incongrue. Au contraire, son choix relève d’un bon casting.

Après une maîtrise de Lettres modernes obtenue à l’université de Ouagadougou, elle envisage de poursuivre des études de troisième cycle en France. Malheureusement, la « révolution ayant coupé les bourses », elle prépare deux certificats en dramaturgie et en sciences de l’éducation avant de se faire embaucher dans un établissement secondaire confessionnel où elle enseigne le français de 1985 à 1987.

En 1988, elle est admise au concours de recrutement de cadres au compte du ministère de la culture. Dans ce ministère, elle connaît une carrière fulgurante. Successivement rédactrice en chef de la revue Kilombo à l’Institut des peuples noirs (IPN), directrice de la promotion littéraire de 1993 à 1997, directrice de la télévision nationale en 1997, Aline Koala était secrétaire général du Conseil supérieur de la communication depuis 2001 jusqu’à sa nomination comme ministre.

Pour le Lefaso.net, elle a accepté de faire, sans langue de bois, le bilan du salon « tourisme africa 2006 » organisé à Genève, et d’évoquer les grandes lignes de la politique touristique du Burkina. Entretien.

Vous revenez de Genève où s’est tenu du 12 au 15 septembre le salon « Tourisme Africa 2006 ». Quel bilan tirez-vous de la participation du Burkina ?

A.K : Pour être franche, ce Salon n’a pas été un succès et les autres Africains (Camerounais, Béninois, Tchadiens) partagent le même sentiment que moi . Il n’a pas atteint ses objectifs qui étaient de faire rencontrer le maximum de pays africains avec les promoteurs et investisseurs touristiques du Nord, notamment les agences de voyages et les tours operators. Près de 4000 professionnels du tourisme étaient annoncés, mais finalement nous n’avons vu personne. Vous vous rendez compte, ceux-là que nous étions allés conquérir n’étaient pas là ! Une situation très embarrassante pour les organiseurs qui faisaient tout pour nous éviter de peur de devoir rendre des comptes. Je leur ai dit que ce qui s’est passé est inacceptable d’autant que ce salon était programmé depuis longtemps et que nous avons été talonnés pour envoyer nos projets dans les délais requis.

Même si c’est la première édition, il y a eu beaucoup de dysfonctionnements dans l’organisation qui ne sont pas compréhensibles dans un pays comme la Suisse. Notamment la communication : pas de service d’accueil et d’information à l’aéroport, ni d’affiches pour orienter les participants. Même chose pour l’hébergement. Il n’y avait pas d’accompagnement, et le prix des chambres d’hôtel n’a pas été négocié comme cela se passe pour les évènements de cette nature. Chacun devait se débrouiller pour se loger et c’est notre représentation diplomatique qui s’est occupée de la réservation de ma chambre.

Quant au déroulement du Salon proprement dit, on ne peut pas dire que les choses se sont bien passées. Pour la participation, chaque pays devait assumer la totalité des frais en plus de la location du stand d’un coût variant entre 7 et 8 000 euros (5 240 000 F CFA).

Je suis arrivée à Genève le dimanche 10 septembre et dès lundi j’étais sur les lieux pour préparer la journée du Burkina prévue trois jours plus tard. Selon les organisateurs, cette journée nous était consacrée pour présenter aux promoteurs nos projets et vanter les atouts touristiques du Burkina. A notre grande surprise, le forum que nous devions animer a été programmé à la même heure que celui de la Libye et du Cameroun, tous deux placés à quelques mètres de notre stand ! De même, j’ai renoncé à participer à certaines conférences parce qu’elles se passaient en même. Bref, c’était une invraisemblable pagaille, et à coup sûr, c’est un investissement sans retour !.

Autre problème rencontré par les Africains : l’obtention du visa. Par manque de visa, beaucoup de pays ont renoncé à participer au Salon. J’ai conduit la délégation burkinabè qui devait comporter une dizaine de personnes, mais à l’ouverture, je me suis retrouvée avec la directrice générale de l’Office du tourisme et le directeur chargé du marketing, les autres n’ayant pas obtenu de visa.

Mais nous n’étions pas les plus mal lotis puisque, par manque de ce bout de papier, les stands des pays comme le Congo-Brazzaville, le Ghana et le Nigeria sont restés désespérément vides. Alors que les Nigériens étaient en train de déballer leurs produits, des douaniers ont fait irruption sur leur stand, ont tout remballé sous prétexte qu’ils seraient entrés en Suisse par la route et qu’ils ont échappé à la douane. Nous inviter à participer à une manifestation qui est censée nous être consacrée et nous considérer en même temps comme des immigrés, c’est complètement absurde !

A quelque chose malheur est bon, dit-on. Ce qui nous est arrivé montre l’urgence de renforcer les salons existants en Afrique, comme le Salon international du tourisme et de l’hôtellerie de Ouagadougou (SITHO) dont la troisième édition aura lieu du 30 novembre au 3 décembre 2006.

Quels sont les projets que vous vouliez présenter à Genève ?

A.K : Ce sont des projets qui visent à valoriser les structures d’accueil sur des sites touristiques de notre pays. Il y a par exemple le campement sur le site d’Arly, première destination touristique du Burkina et qui a besoin d’être rénover. Nous avons aussi besoin d’améliorer le tracé des circuits touristiques pour permettre l’accès à certains sites qui se trouvant en pleine nature.

Nous avions dans nos bagages des supports audiovisuels montrant les atouts du Burkina, notamment les nombreuses manifestations culturelles qui y sont régulièrement organisées telles le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou (Fespaco), la Semaine nationale de la culture (SNC), le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) etc. Nous avons projeté un film sur le parc « W », qui a une superficie de 76 000 ha et qui est situé à l’Est du Burkina, à la frontière avec le Bénin et le Niger.

Ce site qui a la forme du fleuve Niger est très riche en faune car on y trouve des animaux aquatiques et non aquatiques. Et comme ce site appartient à trois pays, sa valorisation nécessite l’aménagement d’un circuit touristique intégré et une harmonisation de leur politique touristique. A Genève, nous avons donc expliqué qu’investir au Bénin, c’est aussi investir au Burkina et au Niger. L’autre exemple de site commun concerne les villages Dogon au Mali voisin. Beaucoup ne le savent pas, mais la partie architecturale la mieux sculptée des habitations se trouve au Burkina, dans la région de Ouahigouya, dans le nord. Les touristes passent d’ailleurs par notre pays pour visiter ces villages, preuve que c’est un site partagé.

Il y a également d’autres sites naturels épargnés un peu partout à travers le pays qu’il faut mettre en valeur et mieux faire connaître. Il s’agit des cascades de Banfora, des dômes de Dédougou, des chameliers de Gorom Gorom, des hauts fourneaux de Bourzanga...A côté de ces sites naturels, il y a les sites construits tels les sculptures de Laongo, à une vingtaine de km de Ouagadougou, les mains expertes de Pô avec l’architecture de la ville, œuvre des femmes, et le parc animalier de Ziniaré. Notons enfin, ce qu’on appelle le tourisme d’affaires, évènementiel qui draine du monde dans un laps de temps. Ce sont les grandes rencontres que le Burkina organise souvent telles le Fespaco, le Siao, la SNC, les sommets et conférence internationales etc.

Le défi pour nous est de réussir l’harmonie entre ces différentes expressions culturelles afin qu’elles répondent aux souhaits des visiteurs qui s’orientent actuellement de plus en plus vers une sorte de tourisme spirituel. La tendance actuelle, c’est ce qu’on appelle le tourisme équitable, c’est à dire que le touriste ne se comporte plus de façon égoïste, dépensant son argent pour son propre plaisir, mais il est à la recherche d’une satisfaction de type spirituel. Il veut le contact avec les gens et cherche à comprendre leur mode de vie, à découvrir par exemple les rites funéraires, initiatiques et le sens de la sortie des masques. Sur ce point, vous conviendrez avec moi que l’Afrique qui est un continent du sacré a quelque chose à montrer. Au Burkina, il y a déjà une expérimentation de ce type de tourisme, précisément à Sabou, connu pour ses caïmans sacrés.

Qu’est-ce qui empêche l’essor du tourisme au Burkina et dans la sous-région ouest-africaine ?

A.K : Beaucoup de choses et nous espérons pouvoir en débattre durant le prochain SITHO dont le thème est « Tourisme équitable et développement ». Pour la sous-région, surtout dans l’espace Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) il nous faut résoudre rapidement le problème de la libre circulation dans les pays membres, car beaucoup de touristes se plaignent de devoir demander un visa pour chaque pays, ce qui est coûteux et ennuyeux. Il y avait le visa « Conseil de l’Entente » qui fonctionnait mais avec la crise ivoirienne, tout est remis en cause. Il faut créer les conditions pour rendre agréable le séjour du touriste, car n’oublions pas que l’Afrique est la destination touristique la plus chère de la planète !

Combien de touristes visitent le Burkina par an ?

A.K : Nos statistiques sont à manier avec beaucoup de précautions, mais on évalue à 250 000 le nombre de touristes qui visitent notre pays. Ce chiffre est obtenu à partir uniquement des fiches d’aéroport, il est donc en dessous de la réalité puisque beaucoup de touristes entrent par la route. Il faut donc affiner les chiffres et nous y travaillons avec le ministère de l’Intérieur car notre objectif est d’atteindre le plus rapidement le chiffre de 500 000 touristes par an, ce qui nous donnerait le droit d’être considéré par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) comme un pays de destination touristique. En dessous de ce chiffre, on est un pays potentiellement touristique. On évalue par ailleurs à 30 milliards de F CFA l’incidence financière du tourisme sur le budget national. Ce qui n’est pas rien !

En modernisant les infrastructures hôtelières, sanitaires et les sites d’hébergement, en améliorant notre art culinaire et en menant une bonne politique de communication, je suis convaincue que le secteur touristique contribuera énormément à créer des emplois et à lutter contre la pauvreté.

Propos recueillis à Paris par Joachim Vokouma,
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 19 septembre 2006 à 11:51, par Nebnoma, étudiant à Genève En réponse à : > Aline Koala : « Le salon tourisme Africa 2006 n’a pas été un succès »

    C’est bien dommage en même temps que révoltant ce qu’a vécu les africains de façon générale et la délégation du Burkina lors de ce salon de Genève et dont Madame le ministre fait état. On se demande vraiment pour qui ces européens nous prennent ! Aller jusqu’à refuser des visas à des délégations étatiques pour un salon de 3 jours, c’est le comble du comble ! Mais que voulez-vous, nous sommes en partie responsables de la façon dont on nous traite sur cette planète. Nous sentons la misère dont nos dirigeants ne font rien pour nous en sortir, alors que c’est la première source d’inspiration du respect dans ce monde, nous faisons souvent preuve de légèreté dans l’organisation de nos acitivités ou nous faisons trop confiance aux autres. En plus de tout ça, nous n’élévons aucune protestation auprès de qui de droit lorsque nos citoyens ou nos officiels sont victimes de ces traitements humiliants et contraires aux règles élémentaires de la courtoisie internationale. Eh oui, c’est ça la réalité !
    A bon attendeur.

    • Le 19 septembre 2006 à 21:51 En réponse à : > Aline Koala : « Le salon tourisme Africa 2006 n’a pas été un succès »

      J’ai lu l’article ainsi que les avis des compatriotes et je penses plutot qu’il faut faire la part des choses.
      Le Burkina Faso n’a pas de plages, ni de cocotiers ce n’est non plus un site de tourisme dite sexuel alors pour ma part le Salon de Genève n’etait pas le lieu approprié pour aller démarcher des Voyageurs pour ne pas dire Touriste si on veut rester dans le l’esprit Tourisme Solidaire ou Equitable.
      Car ceux qui vont au Salon de Geneve ne partent pas à des destinations comme le Burkina et ça à mon avis Mme le Misnistre devrait le savoir ( meme si je veux bien comprendre que de la haut on ve voie pas les choses comme les Burkinabé d’en bas !!!).
      Les Occidentaux qui viennent dans nos pays d’Afrique Burkina , Mali, Niger, Togo ne sont pas les touristes qui vont au Club Med car dans ces pays on va à la Découvertes des Cultures , des modes de Vie et partager en gros du Tourisme de Proximité j’appelerais cela.
      Si Mme le ministre pouvait repondre elle nous diras quelle n’a pas les organismes qui partages l’idée du tourisme solidaires à Genève donc il ne faut pas quelle s’étonne.
      Il y’a aussi un probleme en ce moment au niveau des textes de loi qui aujourd’hui oblige un par exemple pour l’ouverture d"’une agence de voyage les démarches administravite disent qu’il faut un BTS Tourisme pour avoir une Licence. Le probleme est que le Chauffeur - Guide qui connait tous les sites touristiques du Burkina, le Pays Dogon au Mali, le désert Nigerien donc qui connait bien le terrain qui parcontre n’a pas été tres loin à l’école et surtout qui n’a pas fait un BTS Tourisme se retrouve bloqué. Meme s’il y’a une voiture tout terrain et un peu d’économie lui permettant de se lancer dans le tourisme. Donc là aussi un probleme se pose car le Jeune qui sort de l’ecole avec un BTs Tourisme tres souvent tres peu sont ceux qui connaissent bien Bobo sans parler de ses sites , leurs histoires et n’en parlont pas du Mali ou du désert. Donc une souplicité envers les hommes de terrain ne serait pas mal non plus.
      Je vous remercie et que chacun de nous parle autour de lui ( pour ceux qui sont à l’etranger) du Burkina et de l’Afrique et proposez à vos amis d’aller voir la vrai Afrique . Dites leur qu’une semaine de vacances au Sky = 2 semaines en Afrique au Burkina par exemple. Parceque ça aussi beaucoup le save pas.
      Je vous remercie

  • Le 19 septembre 2006 à 12:52, par Jean-Claude NABA En réponse à : > Aline Koala : « Le salon tourisme Africa 2006 n’a pas été un succès »

    Retenons la phrase de Mme le Ministre : "A quelque chose malheur est bon"... Cette expérience malheureuse de Genève nous incitera à d’abord valoriser nos sites touristiques PAR et POUR nous-mêmes. Le manque d’intérêt des partenaires non africains est révélateur des priorités que chacun se fixe. Aux Africains d’abord de prendre au sérieux leurs richesses pour une "consommation" autochtone d’abord.

    Il faudrait dès maintenant jouer cartes sur tables, présenter au grand public, de manière transparente, la conception que l’on a du tourisme dans un pays comme le Burkina Faso. Au cas où l’on recevrait des partenaires les réactions positives attendues, quelles mesures de protection ont été prévues ? Les organisateurs burkinabè sauront-ils faire face aux flots souhaités de touristes ? Déjà, à Laongo, on peut déplorer que les visiteurs (surtout des écoles) ne montrent aucune conscience écologique, semant à la volée des ordures de toute sorte. La gérance du site ne semble pas non plus s’en faire...

    On doit également déplorer la vision plutôt réductionniste de ce qui devrait faire partie des richesses touristiques du pays. Dans l’Est du pays, la production de miel des villages de la Chaîne du Gobnangou est en voie de disparition, à cause des dégâts causés dans les colonies d’abeilles par les pesticides du coton. Une concertation interministérielle sera plus que nécessaire, si l’on veut, tout en développant le tourisme au Burkina Faso, protéger en même temps les sites, les biens, les valeurs, les personnes. Les devises que l’on attend des investissements dans le tourisme ne peuvent avoir de sens que si les populations et la nature n’en pâtissent pas.

    Mme le Ministre, dans l’énumération des manifestations culturelles importantes et à dimension touristique du pays, a omis de mentionner la FILO (Foire internationale du livre de Ouagadougou) qui doit se tenir cette année du 23 au 28 novembre. Le Burkina Faso devrait profiter de sa position géostratégique pour devenir un carrefour culturel qui incluerait aussi le livre.

  • Le 20 septembre 2006 à 00:13 En réponse à : > Aline Koala : « Le salon tourisme Africa 2006 n’a pas été un succès »

    Je regrette que cette rencontre n’a donné du succès pour nos pays, mais il y a une part de vérité qu’il faut reconnaître. L’europe n’est pas notre terre de bunesse, je contents que les suisse ont anarqué les africains pauvres pour enrichir leur économie. Vous devriez plutôt voir cela comme un avertissement que vous plaindre pour l’organisation. Ces 8000 euros pouvait servir de créer au moins un petit restaurant dans la ville de Ouagadogou que les donnés aux suisse sans un remerciment. Dévelopez un tourisme plutôt africain que de vouloir prendre les eurepéens vos sources de bonheur. Madame la ministre je comprends votre démarche, mais à l’avenir vous devriez être prudente. Combien coûte le déplacement d’un ministre africain en europe, soyez délibéré dans vos décisions. Achille Damiba étudiant en science religieuse, Paris

  • Le 20 septembre 2006 à 18:51, par Tucko En réponse à : > Aline Koala : « Le salon tourisme Africa 2006 n’a pas été un succès »

    Bonjour à tous,

    j’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’entretien avec mme le Ministre. D’autant que je devais me rendre moi aussi à ce salon mais que pour raisons budgétaires mon voyage a été annulé. Je ne voudrais pas que l’on croit que parce qu’européen moi même je cherche à défendre mes congénères. Il y a bien longtemps que l’appartenance à une supposée tribu de la planête (que ce soit pour des raisons de lieu géographique de la naissance, de couleur de peau ou autre !) n’a plus beaucoup d’importance pour moi. Je considère d’ailleurs un scandale que l’on embête les délégations africaines de manière discriminatoire avec des tracasseries douanières digne des pays les moins avancés (tout comme je trouve scandaleux que certains pays africains demandent 100 euros pour délivrer un visa de tourisme) . Je ne crois pas qu’il faille ici incriminer les européens et faire de cet échec la base d’une politique de type "le tourisme africain aux africains" ! Ce ne sont pas les européens qui ont organisé le salon (à 360 millions de personnes il est difficile d’organiser quoi que ce soit) mais "certains" européens, de même ce ne sont que certains suisses, et en collaboration avec certains africains. Bref une équipe d’organisateurs dont les membres ont des nationalités différentes et comportant un certain nombre d’africains.

    Une seule constatation s’impose : une mauvaise organisation. C’est le premier salon de ce type et il y a peut-être matière à réfléchir pour qu’une prochaine édition soit confiée à des organisateurs un peu plus rigoureux, plus motivés et ... organisés.

    Un autre point sur lequel il faut réfléchir c’est l’absence des professionnels européens du tourisme. Pourquoi ont-ils boudé le salon ? La réponse se trouve certainement sur le site web Tourismafrica et dans le programme. Voyez qui étaient les participants ? Quels étaient les projets présentés et par qui étaient-ils présentés ? Il est peut-être temps pour les professionnels du tourisme africain de prendre en compte l’évolution de la demande mondiale de tourisme et les préoccupations de durabilité (durabilité ne voulant pas dire construire en béton pour que ça ... dure !!) qui existe dans le public des pays émetteurs. Présenter (comme je l’ai vu sur le site à la rubrique projets, je n’invente rien !) des projets multi-millonaires en euros de grand resorts avec hôtels cinq étoiles en "béton climatisé", avec "convention center" pouvant accueilir des centaines de personnes, avec piscine olympique et hectares de courts de tennis à la clé, démontre une conception du tourisme qui date des années 70. Surtout lorsque les préoccupations de la demande touristique du moment sont à l’écologie, aux matériaux locaux, au "small is beautiful", à l’éco-lodge respectueux de l’environnement, à la participation de la population locale, à l’interculturalité, à la réduction de la pauvreté, et donc au tourisme solidaire, responsable, durable, équitable, ...Aucun porteur porteur de projet camerounais, béninois ou burkinabé ne trompera un investisseur européen ou un bailleur de fond avec un discours appris par coeur de durablité et d’écotourisme en lui montrant les plans d’un resort de 500 chambres en béton. Ca marche peut-être avec le touriste de passage à qui on réussit à piquer 10 000 CFA en l’embobinant mais ça ne va pas plus loin (ceci dit au passage le touriste malheureux le répètera à 10 personnes qui le répèteront à 100 qui le ... à mille et ainsi de suite, qui tous diront sans savoir pourquoi "il ne faut pas y aller ce sont des voleurs"). D’ailleurs un seul projet de tourisme durable en collaboration avec la population locale et visant à faciliter le développement de cette population, présenté sur le site de Tourismafrica par une association camerounaise qui n’a même pas eu les moyens d’envoyer un représentant à Genève, encore moins d’y installer un stand, a fait contact avec une ONG suisse qui va la financer et l’appuyer. Combien de resorts touristiques balnéaires ont trouvé preneur ? Les porteurs de projet crieront au racisme et rien ne changera, il feront la même erreur l’année prochaine en croyant qu’ils vont s’enrichir du jour au lendemain (à moi les costards Armani et la "merco", les vacances au ritz à Paris et, suprême vanité, les nuits au Byblos le " cigare à la bouche", et avec "une chemise parfumée" !)

    La plus grande qualité du tourisme est que ceux qui veulent accueillir un plus grand nombre de visiteurs se rendent vite compte que dire que c’est toujours la faute des autres ne sert à rien (le touriste, et surtout l’investisseur a plutôt tendance à fuir !) et que sans une sérieuse et sincère volonté de remise en question, d’auto-critique, et d’analyse véritable de ce qui empêche les wannabe destinations d’Afrique de décoller et de passer la barre fatidique des 500 000 rien n’arrivera. Les africains pourront récriminer, dire "on nous accuse", crier au néo-colonialisme, au racisme et à l’ingérence ... la demande crée l’offre, si on ne l’écoute pas et que l’on ne prend pas en compte ses préoccupations et ses attentes on n’intéresse personne. Proposer aux visiteurs de venir jouer au Yuppie friqué en Afrique à des sommes exorbitantes (visa, billet d’avion, etc...) quand il cherche la paix, la santé, le contact humain, des activités proches de la nature, ... reflète bien la méconnaissance que certains décideurs africains (hommes bien sûr, les femmes sont en général plus conscientes. A ce propos une suggestion : laissez les femmes décider du tourisme et vous verrez que vous aurez des résultats plus vite !) du secteur du tourisme ont des habitants des pays industriel dits "riche" de notre planête. Ils sont pleins de bonne volonté pour donner aux visiteurs ce qu’ils croient que ces mêmes visiteurs veulent mais finalement cela en dit bien plus de leurs propres désirs (le paraître et le prestige, l’argent facile à outrance, les hôtels particuliers à Paris et les comptes en Suisse, les belles voitures et les blondes au bord de la piscine ! Tout ça en fumant le havane, une paire de lunette de soleil de marque sur le nez, le jetski qui attends non loin l’heure de la baignade en maillot Adidas dernier modèle ou encore mieux, Prada !).

    Le tourisme c’est l’apprentissage de l’autre, dénué des habits du stéréotype et de l’image d’épinal, de ses attentes véritables (et non pas de ce qu’on croit que sont ces attentes !) et de ce qu’il vient chercher chez nous. Beaucoup, dans leur aliénation, croient qu’il faut donner au touriste ce qu’il a chez lui. Ils investissent des fortunes pour construire des hôtels à l’européenne, des restaurants à l’européenne (pardon, de ce qu’ils croient que veut dire "à l’européenne" !) et pour inventer des activités "à l’européenne", alors que le visiteur cherche un peu d’ "authenticité" (maître mot du tourisme aujourd’hui !), de découverte de traits culturels qu’il ne connaît pas, pour le résumer en un mot il cherche un peu d’ "altérité", de différence. Il veut rencontrer l’ "Autre".

    De nombreux pays l’ont bien compris, sans aller loin regardez le Maroc ou la Tunisie, qui à eux deux représentent presque la moitié du tourisme africain. Ou encore le Kenya, la Zambie et l’Afrique du sud. Sans commentaires !

    Finalement le tourisme est peut-être la plus grande chance des dirigeants africains, et des africains en général, de se remettre en question, de retrouver leurs valeurs (je ne parle pas d’euros, ni de la bourse !!), de prendre conscience de la beauté de leur continent, de leur culture, de leur art et artisanat (au lieu de remplir des hôtels inutiles de meubles importés à prix exorbitants comme ils le font, ou rêvent de le faire d’ailleurs avec leurs maisons !) et de toutes les manifestations naturelles et culturelles qui font de l’Afrique ce qu’elle est, la mère de l’humanité ! Alors les touristes, et les investisseurs viendront peut-être.

    En toute amitié,

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