En effet, le Conseil, en sa séance du mercredi 13 septembre 2006, a décidé de balayer dans la cour présidentielle ivoirienne en sanctionnant notamment deux personnalités de premier plan : il s’agit de l’ancien Premier ministre Affi N’Guessan, chef du parti présidentiel, le Front populaire ivoirien (FPI), et du président du Parlement, le fougueux Mamadou Koulibaly.

Ces amis du président Laurent Gbagbo, pour avoir pris une part active dans les violences qui ont secoué le pays en juillet dernier lors de la mise en route des « audiences foraines » consistant à délivrer des papiers d’identité aux Ivoiriens en vue des échéances électorales à venir, ont écopé d’un gel de leurs avoirs financiers à l’étranger et d’une interdiction de voyager hors du pays. Dans les rangs des FN, une personnalité complète la liste.

Ces sanctions tombent au moment où le processus de paix est permanemment perturbé, voire bloqué par les désaccords persistants des protagonistes sur l’actualisation des listes électorales et le désarmement, ainsi que par les affrontements réguliers de leurs partisans, rendant impossible la tenue d’une élection en octobre prochain. Les suites de ce processus qui ne cesse de prendre eau de toute part depuis quelque temps, devraient, d’ailleurs, être débattues lors de l’Assemblée générale de l’ONU le 20 septembre 2006.

Mais en attendant, le Conseil de sécurité a choisi de faire réfléchir les gros poissons pris dans la nasse et surtout ceux en liberté qui ne cessent de le rouler dans la farine comme le boulanger (1) du général Robert Guéi. Est-ce un avertissement pour dissuader d’éventuels fauteurs de troubles si l’ONU décidait d’aller, après les 20 septembre, dans le sens du Groupe de travail international (GTI) sur la Côte d’Ivoire en votant une nouvelle résolution renforçant les pouvoirs du Premier ministre, Charles Konan Banny, face au président Gbagbo ? Véritablement, pour résoudre ce « merdier » ivoirien, rien n’est à exclure, car autant que les Ivoiriens, la communauté internationale en a ras-le-bol des deux pas en arrière et un pas en avant dans ce processus.

Mais, comme nous ne l’ignorons aucunement, il suffira d’un moindre mouvement contraignant pour le camp présidentiel pour que les jeunes patriotes assiègent de nouveau la rue. La preuve, depuis que Blé Goudé a été fouetté par l’ONU, il n’a cessé de narguer le GTI et de perturber la feuille de route pour une sortie de la crise. Qui pis est, il n’a, jusque-là, avec d’autres personnalités du FPI, fait que jeter des grains de sable dans la machine de la réconciliation nationale.

Il faudrait donc s’attendre à ce que les nouveaux inscrits sur la « liste noire » du Conseil de sécurité ne reculent devant rien afin de mieux veiller sur les intérêts de leur maître, Gbagbo ; même si on pense qu’ils se feront plus discrets dans la conduite de certaines opérations. Il y a lieu, par moments, de se demander si les sanctions de l’Onu (gel des comptes, interdiction de voyager hors du pays) ont un réel effet de dissuasion sur ceux qui, depuis, se sont mis en marge du processus et l’empêchent de tourner rond. A la limite, c’est tout juste si les incriminés, qui gèrent toujours le pouvoir, ne savourent pas de temps en temps leur champagne tout en raillant ces mesures, comme juste bonnes pour amuser la galerie.

Certes, ce genre de sanctions mérite d’être saluées, mais elles le seraient davantage si elles atteignaient efficacement leurs cibles. Mais, c’est déjà un grand coup tout de même, car les gros poissons, ils sont toujours difficiles à prendre. Et maintenant qu’ils sont dans la nasse, comme c’est le cas d’Affi N’Guessan et de Mamadou Koulibaly, il faut leur infliger sans complaisance des sanctions hautement dissuasives. Il y va de la « renaissance » de la Côte d’Ivoire, voire de la sous-région.

Cyr Payim Ouédraogo

Note (1) : le regretté général Robert Guéi avait à son temps traité Gbagbo de boulanger qui roule tout le monde dans la farine.

L’Observateur Paalga