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Côte d’Ivoire : Jeudi noir à Abidjan ?

Publié le jeudi 25 mars 2004 à 10h50min

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La nuit écoulée n’a pas été de tout repos en Côte d’Ivoire. Hier,la tension est montée d’un cran entre le Front populaire ivoirien (FPI) du président Gbagbo et les autres partis signataires des accords de Marcoussis. Le chef de l’Etat ivoirien a été catégorique : toutes les manifestations publiques sont interdites jusqu’à nouvel ordre.

Pour ses adversaires politiques, il n’en est pas question. Ils ont décidé de marcher aujourd’hui, contre vents et marées, pour exiger l’application des accords de Marcoussis et d’Accra 2.

Ce jeudi apparaît donc comme un jour de haute
tension en Côte d’Ivoire. En fait, une équation à multiples
inconnues dont la résolution est à géométrie variable et qui
risque, si l’on n’y prend garde, de plonger le pays dans une
nouvelle zone de turbulence. Laurent Koudou Gbagbo le sait
bien. Ses adversaires aussi.

Mais comme un papillon ensorcelé
par les flammes d’une bougie, le consensus s’est cramé les
ailes, et l’espérance, comme une chimère, s’en est allée, battant
de l’aile. Dans un tel contexte, l’intérêt politique prend
inévitablement le pas sur l’intérêt supérieur de l’Etat. En tous
cas, la Côte d’Ivoire est empêtrée dans de sales draps.

Pourtant, ce pays était à une certaine époque, la destination
chérie d’une partie non négligeable de la communauté
ouest-africaine. Mais c’était ignorer que dans cette opulence
ivoirienne se cachaient des démons scuceptibles de faire voler
en éclats les espoirs des populations.

L’artiste ivoirien, Tiken
Jah Fakoly avait vu juste : "L’éléphant annoncé est arrivé avec un
pied cassé". La fin du modèle ivoirien ? En vérité, tout dépend
des politiques. Si les postulants à la magistrature suprême ne
parviennent pas à contenir autant que possible leurs
divergences pour enfin poser l’ultime geste élégant qui balaie
les appréhensions et fonde l’espoir, la Côte d’Ivoire risque de
continuer de naviguer à vue.

C’est d’ailleurs pourquoi le nouvel
épisode d’aujourd’hui est décisif. Ou ça passe, ou ça casse.
La coalition RDR, PDCI, Forces nouvelles... est un signal fort de
leur ras-le-bol vis-à-vis du régime Gbagbo. En décidant de durcir
le ton, le pouvoir ivoirien sait, lui aussi, qu’il y a de l’électricité
dans l’air. Mais pour quel camp optera l’armée ? Si elle
manoeuvre mal, ce sera le chaos.

Gbagbo a été clair : si jamais
ses adversaires politiques optent pour la marche, ils seront
réprimés. Ces derniers ont par contre appelé les forces de
sécurité à protéger tous les Ivoiriens, sans exclusive. Seront-ils
entendus ? Rien n’est moins sûr.

Au nom de l’intérêt supérieur
de la Côte d’Ivoire, les forces de sécurité doivent faire preuve de
logique républicaine. Elles devraient éviter de commettre des
bêtises. L’avenir de la Côte d’ivoire en dépend.

Dure, dure sera l’épreuve parce que les escadrons de la mort
pourraient refaire surface avec leur tableau de désolations. Les
jeunes "patriotes" ont, eux, décidé de mettre le feu aux poudres
si les adversaires du FPI décidaient de battre le pavé. Mais ces
jeunes, qui sont en réalité en déphasage avec le patriotisme,
bénéficient des bénédictions du régime Gbagbo. Comme si en
côte d’Ivoire, les lois et la justice étaient à géométrie variable.

Le pire, c’est que les puissances occidentales, qui se font
passer pour la "communauté internationale", observent un
silence coupable. Même lorsqu’elles donnent de la voix, c’est
pour, de façon stratégique, défendre leurs intérêts. Pauvre
humanité ! Tellement de rencontres sur la Côte d’ivoire,
tellement de rendez-vous manqués avec la paix ! La feuille de
route a pourtant été définie à Marcoussis.

Mais, à l’évidence, le
président Gbagbo est un stratège dont les actes sont
uniquement guidés par l’instinct de conservation du pouvoir.
Dans la mêlée des émotions, il prend des décisions au pif,
espérant ainsi conforter ses partisans. Le récent acte visant à
"ivoiriser les emplois" s’inscrit dans cette logique.

"Dites à Gbagbo qu’il est devenu président", avait titré le
quotidien burkinabè "24 heures", quelques mois après son
accession au pouvoir. Déjà à l’époque, le président ivoirien était
sur la corde raide. Comme un bateau ivre, il n’a cessé depuis
lors de tanguer sur le rocher politique, à la recherche de ses
repères. Mais Gbagbo parviendra-t-il un jour à être réellement
au dessus de la mêlée ? That is a fundamental question.

Le
président Félix Houphouet Boigny avait cerné la mesure de
l’enjeu :" La paix, ce n’est pas un mot, c’est un comportement".
Les acteurs du microcosme politique ivoirien l’entendront-ils de
cette oreille ? La montée de tension ces derniers temps, ne
présage pas de lendemains sereins. Alors, qui sauvera la Côte
d’Ivoire ? "Le pire n’est pas la méchanceté des gens mauvais
mais le silence des gens bien". Parole de Norbert Zongo.

Le Pays

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