LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Les politiques et le commerce agricoles en Afrique de l’Ouest et du Centre : S’intégrer pour mieux compétir

Publié le mercredi 13 septembre 2006 à 07h34min

PARTAGER :                          

Dans le cadre de ses activités, la Conférence des ministres de l’Agriculture de l’Afrique de l’Ouest et du Centre (CMA/AOC) a organisé à Saly Portudal au Sénégal, du 30 août au 1er septembre 2006, un atelier international sur le thème :»Les politiques et le commerce agricoles en Afrique de l’Ouest et du Centre : élargir le dialogue pour bâtir une alliance ».

L’atelier qui avait pour objectif, le renforcement de la capacité des parties prenantes pour les négociations internationales et la création d’une alliance autour de l’agriculture, a réuni producteurs, experts en agriculture, chercheurs, spécialistes en commerce international, experts en négociation, parlementaires et journalistes.

L’agriculture africaine avec 40% du PIB et les 2/3 de l’emploi est encore loin des performances attendues et surtout, elle ne reflète pas le niveau d’engagement des décideurs. Pire, la région est importatrice nette de produits alimentaires depuis 1980 et récipiendaire de 25% de l’aide alimentaire au niveau du monde.

La malnutrition touche environ 30% de la population et le continent est la seule région au monde où la productivité agricole continue de baisser.

Au regard de ce tableau sombre qui est en déphasage avec les aspirations des populations africaines, le coordonnateur général de la CMA/AOC, M. Baba Dioum a donné l’alerte. « Nous ne pouvons continuer à proclamer que l’agriculture est la première priorité dans un tel contexte mais plutôt identifier les enjeux et tirer par voie de conséquence, la sonnette d’alarme car les défis qui nous interpellent sont majeurs ». C’est pourquoi l’un des objectifs de cet atelier était de mieux faire comprendre les défis du secteur agricole et les efforts à entreprendre au niveau régional dans le souci de le partager et de formuler une position adéquate dans le cadre des négociations de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) et des APE (Accords de partenariat économique).

Les travaux qui se sont déroulés essentiellement en plénière, ont donné l’opportunité de discuter autour d’une dizaine de thèmes relatifs aux stratégies de négociation, à la libéralisation régionale des politiques agricoles, au NEPAD etc.

Au terme des débats très riches, experts en négociation, producteurs, techniciens d’agriculture, parlementaires et journalistes qui ont désormais scellé une alliance autour des préoccupations agricoles, ont tracé des sillons pour l’essor de ce secteur.

Au niveau de la politique agricole et du commerce, il ressort que les instruments des politiques agricoles dans la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre en cours de mise en place ne facilitent pas leur efficacité face aux importations subventionnées, dans un contexte d’échec des négociations de l’OMC et des APE.

Cependant, la région n’a pas intérêt à se retirer des négociations internationales pour se concentrer uniquement sur l’intégration.

Une allocation effective de 10% du budget d’investissement à l’agriculture dans le cadre du NEPAD peut constituer une alternative pour renforcer les capacités de ce secteur.

S’agissant des relations avec l’UE et les APE, ils comprennent mal les discussions à deux vitesses qui prévalent entre les deux composantes de la région (CEDEAO et CEMAC) et l’UE, notamment en ce qui concerne l’agriculture où les structures de production, d’exportation et d’importation sont pratiquement les mêmes. Il est donc recommandé d’accélérer la formulation de la politique agricole en Afrique centrale et son harmonisation avec celle de l’Afrique de l’Ouest dans le cadre du PPDAA (Volet agricole du NEPAD).

Les participants ont également abordé la problématique de l’aide alimentaire. Si cette aide est utile pour les pays AOC confrontés à des problèmes climatiques et à des conflits, elle peut cependant désorganiser la production locale par une offre importante sur les marchés.

Pour mieux canaliser toutes ces décisions et recommandations dans le temps et l’espace, les participants se sont constitués en cinq réseaux, parlementaires, experts en négociation, producteurs, chercheurs et journalistes. Chacun dans son domaine doit être le relais avec l’institution de la CMA/AOC dans la conscientisation des décideurs et aussi dans la mise en pratique des nouvelles stratégies du développement du secteur agricole dans son ensemble.

Zakaria YEYE (yeyezakaria@yahoo.fr)
,
envoyé à Saly Portudal


Points de vue de participants

Samou Sangaré (parlementaire malien, président de la Commission développement rural et environnement) : Je dois d’abord souligner la pertinence du thème de l’atelier qui a porté sur les enjeux du commerce des produits agricoles en relation avec les politiques agricoles de nos différents pays. L’ouverture de l’atelier à plusieurs acteurs lui a donné une grande dimension et nous a permis non seulement de comprendre certains mécanismes mais surtout d’aboutir à des propositions assez intéressantes. En tant que parlementaires, nous avons un grand rôle à jouer et jouerons notre partition. Au Mali, notre commission, de concert avec d’autres commissions à l’Assemblée, œuvre inlassablement pour la promotion de l’agriculture.

J’en veux pour preuve le récent vote, le 16 août dernier, de la loi d’orientation agricole, une loi prospective pour les 25 prochaines années. Nous sommes le deuxième pays après le Sénégal, à adopter une telle loi. D’autres pays tels que le Tchad, le Niger et le Burkina, nous ont approché à cet effet.

Une de nos tâches après cet atelier est de nous assurer que les 10% du budget qu’on doit accorder à l’agriculture sont effectifs et de voir de concert avec l’exécutif, comment ils sont utilisés.

Nebnoma Sawadogo, président du bureau national des chambres régionales d’agriculture du Burkina : Nos attentes ont été comblées par cet atelier qui a pris en compte nos préoccupations de l’heure, à savoir comment promouvoir l’agriculture dans les deux régions.

Il nous revient maintenant de savoir conjuguer nos efforts pour les futurs combats, notamment les négociations avec l’OMC et les APE. Nos agriculteurs doivent être sensibilisés à la base sur les enjeux qui s’imposent à eux et savoir qu’ils ont à faire à des concurrents mieux lotis avec des moyens ultra modernes.

Pour ce faire, nous devons nécessairement mettre l’accent sur la qualité de nos produits qui doivent compétir sur le marché international.

Au Burkina Faso, nous sommes confrontés à un certain nombre de problèmes, tels que l’accès aux crédits pour l’achat des intrants et des équipements, le manque d’infrastructures routières. Si nous ne nous prenons garde, nous risquons de n’être que des consommateurs d’aliments importés.

Aka Mathias N’Goan, président de l’Organisation centrale des producteurs-exportateurs d’ananas, bananes et mangues de Côte d’Ivoire : Le goulot d’étranglement de notre agriculture, c’est d’abord le problème de communication entre les autorités et les agriculteurs d’une part et entre les agriculteurs et leurs organisations professionnelles d’autre part. Parfois, nous avons l’impression qu’il y a un manque de considération des agriculteurs.

Parler de politique agricole sans prendre en compte les agriculteurs et leurs associations professionnelles, c’est méconnaître les réalités du secteur. Si nous avons été invités à cet atelier, c’est que la CMA/AOC reconnaît en nous des acteurs privilégiés ce que les gouvernants refusent de reconnaître. Si nos négociateurs avec les instances internationales (OMC-APE) pensent sincèrement que l’agriculture est importante, ils devraient désormais nous associer aux différentes rencontres. Personne ne saurait identifier nos difficultés et mieux nous défendre si ce n’est nous-mêmes. Concernant l’aide alimentaire qu’on nous envoie, je pense que c’est un piège. Elle démotive nos producteurs du fait que les produits importés coûtent moins chers et portent un coup mortel à notre économie. Nous avons intérêt à créer ensemble des marchés régionaux fiables pour nos produits pour combattre ce phénomène de l’aide alimentaire tous azimuts.

Bernard N. Jonga, secrétaire général du service d’appui aux initiatives locales au Cameroun : J’ai eu à travailler sur l’importation des poulets congelés au Cameroun. Notre étude nous a montré que non seulement ces poulets congelés tuent notre aviculture, mais sont impropres à la consommation. Des analyses au Centre Pasteur ont en effet révélé que 83% de découpes de poulets congelés (échantillon de 200) étaient impropres à la consommation.

Notre combat à ce niveau, a permis aux autorités camerounaises de prendre conscience de la gravité du phénomène et de prendre des mesures à même de freiner l’importation de ces poulets congelés. La solution à nos problèmes, c’est avant tout une volonté politique de nos dirigeants. Tant qu’on n’aura pas une volonté politique de renforcer l’intégration sous-régionale et inter sous-régionale, rien ne marchera. En tant qu’acteurs de la société civile, nous avons le devoir de toujours sensibiliser ceux qui détiennent le pouvoir afin qu’ils aillent dans le sens que nous voulons. Je trouve bizarre que les paysans africains exigent la suppression des subventions accordées à leurs confrères américains et européens. Ne serait-ce que par solidarité de corps, ils doivent soutenir cette subvention. Mais par contre, ils devraient se battre au niveau de leur continent pour en bénéficier. Il est donc temps d’arrêter cette lutte contre les subventions accordées aux agriculteurs américains et européens.

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)