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Filière banane : les mûrisseurs font de bonnes affaires

Publié le jeudi 7 septembre 2006 à 07h26min

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La production de la banane a connu un boum ces dernières années au Burkina. Aussi, les burkinabè sont devenus nombreux dans la commercialisation de ces fruits. Regroupés dans l’Association professionnelle des mûrisseurs de banane (APROMUB), ils tirent tant bien que mal leur épingle du jeu.

Le nombre de mûrisseurs de banane s’est multiplié ces dernières années au Burkina Faso. Installés pour la plupart dans les deux plus grandes villes du pays (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso) leur activité consiste à acheter la banane chez les producteurs, à la faire mûrir et à la revendre aux distributrices qui, à leur tour, la proposent aux consommateurs.

Dans la ville de Ouagadougou, ils sont estimés à environ une vingtaine et une dizaine à Bobo-Dioulasso, selon Moussa Ouédraogo, président de l’Association professionnelle des mûrisseurs de banane (APROMUB). Propriétaire de la Fruitière du Faso, celui-ci s’est lancé dans cette activité après la fermeture de la société Flex Faso où il travaillait. Rémi Kaboré lui, est le responsable des « Chaînes de l’espérance-distribution ».

Le mûrissement de la banane est l’une des nombreuses activités que mène sa structure. Il a commencé avec la banane ivoirienne avant d’abandonner ce créneau qui n’était pas, selon lui, rentable au profit de la production locale. « La banane ivoirienne n’est pas de bonne qualité. Ce sont les rejets qu’on nous envoie alors que notre banane est de qualité irréprochable... », soutient-il.

Mme Natou Ouédraogo, elle, est la gérante de la Fruiterie Wend Kuuni. Elle a commencé cette activité par la vente en détail avant d’intégrer le groupe des mûrisseurs. « Je me promenais avec la banane dans un grand plat sur la tête. Sur 20 kg de banane vendus, je gagnais 250 francs CFA de bénéfice. J’ai fait cela pendant longtemps avant d’être grossiste... » confie-t-elle. Natou Ouédraogo affirme que la part du marché a diminué avec l’augmentation du nombre de mûrisseurs. « Nous n’étions pas nombreux. A cette époque, nous vendions beaucoup.... », note-t-elle.

Le transport, difficulté majeure

Qu’à cela ne tienne ! Car chaque mûrisseur tire son épingle du jeu en s’organisant à sa manière, cela en dépit des difficultés inhérentes à toute entreprise. Et l’une de ces difficultés réside dans le transport de la marchandise des sites de production à Ouagadougou.

Selon Moussa Ouédraogo, le kilogramme de banane est acheté à 125 francs CFA chez le producteur et est transporté à 25 francs CFA. Le même kilogramme est revendu entre 175 et 200 francs CFA d’un mûrisseur à l’autre. « Si vous faites un calcul rapide vous avez une idée des coûts et de la marge bénéficiaire. Et là je n’ai pas inclus les charges car il y a les taxes, l’électricité, les salaires, les produits pour le mûrissement auxquels nous devons faire face... », explique-t-il.

Les mûrisseurs s’approvisionnent le plus souvent dans les régions de la Boucle du Mouhoun (Dédougou, Fara), des Hauts-Bassins (Orodara, Banzon), et des Cascades (Banfora) à en croire Moussa Ouédraogo. « Le producteur peut te dire qu’il a 10 tonnes de banane. Tu loues le camion en fonction de ce tonnage et sur les lieux tu constates que celui-ci ne dispose que de 6 tonnes. En ce moment tu enregistres une perte puisque tu retournes avec moins de tonnage que prévu... », poursuit-il. Moussa Ouédraogo ajoute que si le camion tombe en panne, plus l’immobilisation dure, plus les pertes s’accumulent. « Le poids de la banane diminue après la récolte. Nous appelons cela la frinte. Si la panne dure deux jours, même une journée, il est certain que tu perds plusieurs kilogrammes... », fait-il remarquer.

Pour minimiser tout cela, Rémi Kaboré des « Chaînes de l’espérance-distribution » préfère acheter sur place à Ouagadougou. « Ce sont les producteurs qui viennent à nous. Ils nous appellent et nous disent le nombre de tonnes qu’ils ont à nous proposer. Si nous marquons notre accord, ils se chargent de trouver un camion pour le transport. Nous achetons donc le poids à l’arrivée... », précise-t-il.

20 à 30 tonnes par mois

Certaines mûrisseries vendent 20 à 30 tonnes par mois. Le prix de la tonne varie entre 100 000 et 160 000 francs CFA en fonction des périodes, selon Rémi Kaboré. Les périodes de grande production se situent de juin à décembre. « Il est certain que pendant la période où la production est réduite, le prix de la tonne monte... », indique Rémi Kaboré.

Il y a quelques années, la banane était importée de la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, la situation a changé car le Burkina produit aujourd’hui 15 000 tonnes de banane par an. Largement suffisant pour couvrir la consommation nationale. Des pays voisins tels le Mali et le Niger s’approvisionnent actuellement en banane au Burkina. « Le Burkina n’est certes pas un producteur naturel de banane. Mais aujourd’hui, il est autosuffisant en banane... », soutient M. Abel Dossoumou du Projet d’appui aux filières bioalimentaires (PAF). Cette structure apporte un appui conseil aux acteurs de la filière, qu’il soit producteur, mûrisseur ou distributrice.

« Nous n’avons pas de financement pour eux. Mais il nous arrive de soutenir un opérateur à mettre en place par exemple un itinéraire technique de production, de mûrissement ou de distribution... », souligne M. Dossoumou. Natou Ouédraogo affirme avoir reçu cette année du PAF, un climatiseur pour sa mûrisserie dans le cadre de ce soutien. Pour ce qui est du mûrissement, les responsables du PAF soutiennent que les mûrisseurs professionnels utilisent des produits spéciaux.

« La banane mûrie au carbure ne jaunit pas. Elle reste verte... », répondent tous les mûrisseurs que nous avons rencontrés en réaction à la question. Pour prouver leur bonne foi, Moussa Ouédraogo le président de l’APROMUB nous exhibe un bidon de produit. « Nous utilisons ce type de produit... », dit-il. En effet, les mûrisseurs utilisent le Callel 480 SL pour le traitement de la maturation. Le produit est mesuré et mélangé à de l’eau en fonction du tonnage. Le mélange ainsi obtenu est aspergé sur les fruits. Ensuite la température de la chambre froide est réglée à 17 degrés ou 18 degrés. La maturation intervient quatre ou cinq jours après.

Assurément, l’activité nourrit bien son homme car au-delà des bénéfices que peuvent réaliser les mûrisseurs, des centaines de personnes, voire un millier, notamment des femmes y tirent de quoi vivre.

Etienne NASSA (paratena@yahoo.fr)


Les déboires de Natou Ouédraogo

« C’est le Bon Dieu qui vous a conduit vers moi... ». C’est par ces propos que Natou Ouédraogo accueille l’équipe de Sidwaya en cette matinée du samedi 19 août 2006 dans sa mûrisserie sise à Tampouy. Contactée la veille, elle ne nous laisse pas le temps d’aborder le sujet qui nous a amené chez elle. « Votre journal a publié un écrit me concernant il y a trois ans. Je ne savais pas comment faire pour rétablir la vérité sur ce qui a été dit dans l’article... », lâche-t-elle.

Elle présente un exemplaire du journal, le n° 4898 du mercredi 10 au jeudi 11 décembre 2003, tout jauni et froissé. Dans l’article publié dans la rubrique « Missive d’un paysan à un citadin », il y est en effet écrit que la Société coopérative agro-pastorale de Fara (SOCAF) est confrontée à des difficultés d’ordre économique liées au non remboursement des crédits des revendeurs de banane. Entre autres créanciers, l’article cite : « Un groupement de femmes dénommé Wend kuuni à travers une certaine Natou domiciliée maintenant à Tampouy doit rembourser 2 267 145 francs CFA... ». Le nom d’une autre femme devant, elle, 2 060 070 francs CFA est associé. L’article poursuit : « Un huissier de justice qui devrait poursuivre les deux femmes qui, depuis 1999 ne veulent pas rembourser l’argent vient d’être remplacé par un autre... ».

Natou Ouédraogo conteste le montant mentionné par l’écrit et soutient que les membres de la SOCAF sont de mauvaise foi. « Je devais 1 664 132 francs CFA et non 2 267 145 francs CFA et, au moment où l’article a été publié, j’avais déjà remboursé une partie de cette créance... », note-t-elle furieuse. Elle nous présente une copie de la signification d’ordonnance d’injonction de payer du cabinet de l’huissier où est mentionné le montant (1 664 132 francs CFA) et des reçus de versements délivrés par le même huissier dont le premier a eu lieu le 11 février 2003.

En totalisant les sommes versées, l’on constate que Natou Ouédraogo, au moment de l’écrit, avait déjà versé la somme de 600 000 francs CFA. Elle soutient avoir remis des sommes d’argent (150 000 francs CFA au total à raison de 50 000 francs CFA) à trois responsables de la SOCAF de passage à Ouagadougou sans reçus. « Si j’ajoute ces sommes à celles versées à l’huissier, cela fait environ un million de francs sur 1 664 132 francs à rembourser... », martèle-t-elle.

Natou Ouédraogo est très remontée contre la SOCAF du fait que celle-ci a fourni selon elle, un faux chiffre à notre journal et dit qu’elle refusait de rembourser cette dette.

Elle affirme avoir été victime de son ignorance. « Je ne sais ni lire ni écrire. J’ai commencé l’activité avec 1 200 000 francs CFA. La SOCAF a été mon premier fournisseur. Au début, cela marchait fort. Mais il y eut un temps où le marché était au plus bas. Je vendais avec des pertes. Lorsque j’effectuais un versement, le manquant était consigné dans un carnet détenu par la SOCAF. Elle avait promis de m’aider à acquérir une chambre froide. En échange, je devais continuer à acheter sa production en dépit du faible niveau du marché.

Entretenue par cet espoir, j’ai fait confiance et j’ai fait faillite. Je ne pouvais plus payer la dette que je devais à la SOCAF. J’ai pu reprendre l’activité par un concours de circonstance..,explique Natou Ouédraogo. Très furieuse, elle affirme que les responsables de la SOCAF ont profité de sa naïveté et de son ignorance pour la tromper. « Mais je serai remboursé à l’au-delà... », se convainc-t-elle.

E.N.

Sidwaya

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