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Afrique : Le suffrage universel convient-il ?

Publié le mercredi 6 septembre 2006 à 08h18min

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Quel suffrage serait adéquat pour le continent africain ? Le suffrage restreint, c’est-à-dire limité à une catégorie de personnes en fonction de leurs revenus (suffrage censitaire) ou de leur niveau de connaissances (suffrage capacitaire), ou le suffrage universel direct pour lequel tous les citoyens en âge de voter sont sollicités ?

La question ne paraît pas saugrenue, tant, avec le suffrage universel direct, les scrutins, sur le continent, se transforment généralement en de véritables singeries démocratiques. De fait, combien pèse une démocratie quand la qualité des électeurs pose visiblement problème ? On le sait, en Afrique, bien des électeurs, ils sont les plus nombreux, malheureusement, ne mesurent ni la portée, ni les enjeux de leur acte citoyen, seul devant l’urne, eux qui se contentent de confier leur destin à ceux qui leur ont offert le plus de bols de riz, leur ont fait palper le plus de billets de banque ou leur ont permis d’avoir quelques tee-shirts.

Bref, à ceux qui ont étalé les plus grands moyens. Il n’est pas, de ce fait, étonnant qu’un président en exercice échoue rarement aux élections. Ce sont là quelques spécificités propres à l’Afrique, qui conduisent à se demander si, pour une démocratie véritable, le suffrage universel qui ratisse large est la formule qui sied. Ce genre de suffrage devrait plutôt s’appliquer uniquement à des pays à démocratie très avancée, où les électeurs sont en mesure d’opérer un choix éclairé et responsable.

Il est vrai, depuis le discours de la Baule, certains dirigeants africains sont contraints de faire "l’âne" (organiser des élections) pour avoir du foin (obtenir de l’Occident qu’il délie les cordons de la bourse). Mais fallait-il, pour autant, que l’Afrique brûlât les étapes en se comprimant dans la chemise trop étriquée du scrutin au suffrage universel qui, visiblement, profite plus aux dirigeants qu’à leurs peuples ?

Tout comme la démocratie ne se fait pas en un jour, comme on aime à le répéter, force est de relever que la démocratie en Occident, elle aussi, est passée par plusieurs étapes, du suffrage restreint à celui universel. Des étapes que l’Afrique, dans son empressement à copier l’Occident, semble avoir brûlées. Conséquence, on assiste à de pâles copies des démocraties du Nord. En fait, de dangereuses "mutantes" démocratiques (exception faite de quelques rarissimes cas sur le continent) face auxquelles l’Occident semble si impuissant qu’il abandonne leurs victimes à leur sort. Pourvu seulement que ses intérêts soient préservés et bien défendus par les dirigeants en place.

Ces entorses à la démocratie sont connues. Elles ont pour noms moyens colossaux et illégaux mis à la disposition des "plus forts" du moment, de nature à influencer le choix des électeurs, que ce soit par le recours à l’achat des voix ou par des menaces ou autres contraintes (campagnes autour des chefs coutumiers en vue d’inféoder leurs sujets aux princes du jour), missions placées sous la parapluie de l’Etat, qui se transforment en occasions de battre le tam-tam du parti au pouvoir, etc.

Bref, tout est mis à contribution pour exploiter au maximum le pauvre citoyen à des fins électoralistes. Assurément, c’est à une véritable démocratie travestie qu’on assiste dans certains pays africains, des démocraties bien loin des normes occidentales. C’est pourquoi les moeurs politiques gagneraient, véritablement, à être assainies.

Et à ce propos, au pays des Hommes intègres, il y a lieu de saluer la recommandation faite par le groupe parlementaire ADF-RDA, lors de ses deuxièmes journées de l’année, relative au plafonnement des dépenses électorales et à l’interdiction des dons, cérémonies d’inauguration ou autres, trois mois avant le début de la campagne électorale. D’autres partis de l’opposition avaient fait la même suggestion. Une proposition d’autant plus intéressante qu’un plafonnement des dépenses électorales ainsi qu’une transparence du financement de celles-ci contribueraient grandement à garantir l’égalité des chances entre partis politiques.

Dans la mesure où le financement privé et, en particulier, les donations, peuvent ouvrir la voie à des jeux d’influence ou à des formes de corruption, le plafonnement pourrait rompre la dépendance des partis vis-à-vis des donateurs. Ce qui serait d’un grand apport pour la démocratie.

L’absence de plafonnement encourage l’escalade des dépenses et oblige les partis à intensifier leur recherche de fonds, toutes choses dangereuses pour la démocratie. Si une loi voyait le jour dans le sens de la limitation, faisant notamment obligation à tout candidat de justifier ses dépenses et de situer les origines des fonds utilisés, nul doute qu’elle aurait au moins l’avantage de la dissuasion. Mais encore faut-il que l’instance chargée de veiller au respect de cette loi ait tous les pleins pouvoirs et qu’elle ne soit pas laxiste.

Si au Bénin, pays qui apparaît, dans la sous-région, comme un îlot de réussite démocratique, les cadeaux et autres dons sont interdits aux moments cruciaux du jeu démocratique, pourquoi cette mesure ne s’appliquerait-elle pas à d’autres pays ? Tout cela participe du raffermissement du processus démocratique qui, comme nous l’avons maintes fois relevé, passe aussi par la possibilité des candidatures indépendantes.

Et puis, il y a l’initiative du président sénégalais, Abdoulaye Wade, d’imposer une caution de 25 millions de F CFA à tout candidat à la présidentielle. Si la somme peut paraître faramineuse, elle a l’avantage de mettre hors-jeu les politiciens farfelus, des indigents dont les candidatures coûtent cher à l’Etat et qui n’ont d’yeux que pour les financements de celui-ci.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 6 septembre 2006 à 13:38, par Jonas Soubeiga USA En réponse à : > Afrique : Le suffrage universel convient-il ?

    Nous venons par cet écrit apporter notre soutien inconditionel à l’auteur de cet article. Des écrits de telle nature donne des lueurs d’espoir, en ce sens que, dans l’univers des ténébres absolument épaix, profond et insondable de l’Afrique tant dans son présent que dans son futur, des petites flammes brillent encore. En effet la démocratie africaine, à quelque rarissime exceptions près (Sénégal, Benin,Afrique du Sud), est de la pure comédie et la quasi totalié de ces acteurs de simples bouffons. L’on n’a pas besoin d’être un expert en démocratie pour se rendre à l’evidence que la forme actuelle de l’expression democratique par le suffrage universel est inadéquat. Pendant que le paysan de Tansarga n’est pas conscient que la mine d’or de Poura lui appartient aussi, que le berger de Falagountou reste ébahi sur le tapage mediatique à propos de l’emprisonnement d’un directeur d’une societe publique pour detournement de fonds, que le tissérand de Bastia, emmerveillé par les lampadaires de Ouagadougou en visitant son fils, ne sais même pas que la SONABEL lui appartient et qu’il a droit au même éclairage dans son village,....pour résumer, pendant que le commun de l’africain n’a pas la notion de la "NATION," et de la RES PUBLICA" ( chose publique), le suffrage universel ne peut donner lieu qu’à une démocratie de façade telle que nous la connaisssons aujourd’hui partout en Afrique.C’est pourquoi un suffrage capacitaire doit être exploré sérieusement (niveau BEPC au moins) ;je dirais même que c’est la seule issue de secours pour la democratie africaine dans sa forme actuelle :il aura le mérite d’un électorat de qualité qui va porter sa faveur sur le ou les candidats qui ont un projet de sociéte cohérent, applicable avec des resultats vérifiables. Par ailleurs c’est la seule chance pour l’alternance car une democratie sans alternance c’est comme un moteur qu’on ne vidange pas ;(que ceux qui peuvent comprendre, comprennent). Enfin l’occasion sera donné à nos braves parents d’aller vacquer à leurs occupations qu’à se faire cuisiner au soleil pour assister à des meetings politiques qui ne peuvent apporter aucun changement qualitatif dans leur vie quotidienne.Beaucoup aiment parler abusivement de la democratie comme un jeu ;mais ce n’est pas un jeu il s’agit de l’avenir de nos peuples:mettons nous au serieux.Chers frères africains, surtout vous les dirigeants,réveillons-nous et regardons autour de nous.Inspirons-vous des modèles des pays emmergeants tels que l’Inde,la Coree du Sud. Pas plus tard que les année 80,les gens mourraient de famine dans les rues de Calcutta. Certes il y reste aujourd’hui quelques poches de famines mais la misère à grande échelle est devenu un souvenir lointain et ,les investisseurs et les grandes firmes internationales se bousculent aux portes de l’Inde de nos jours ou grouillent des milliers et des milliers d’ingeieurs, de docteurs et toutes sortes de diplomés sortis des écoles locales qu’une politique éducative muslée a pu produire en deux decennies..Miccrosoft y est implanté entre autres. Parlant de microsoft,prenons en un exemple banal ;si cette firme dont les succursales comptent des dizaines de milliers d’employés, se décidait à s’implanter au Burkina,qui va y travailler ?Les ingenieurs informaticiens se comptent du bout des doigts...et il en va de même de tous les autres secteurs.C’est pourquoi je le dis et le répète,"la voie du developpement durable passe par "zogona" reformé(Parlant de l’univerité en particulier et de l’école en général).Tant que la population africaine n’aura pas atteint le seuil de 40% ayant au minimum le baccalaureat, l’Afrique sera toujours dans le chaos et marginalisée. Avec les maigres pourcentages que nous avons ça et lá il n’est null doute que le chemin sera long. Considerez moi comme oiseau de mauvais augure mais c’est la triste réalité.Israel n’a pas de diamant mais controle le marché mondial du diamant. La Suisse et l’Angleterre n’ont pas d’or mais elles controlent le marché de l’or. Il ya une verite dont il faut que nous nous en convaincons enfin:dans le monde moderne, la main produit peu pendant que la tete produit en abondance. Africains commençons à utiliser nos tête et laissons reposer nos mains.

    • Le 6 septembre 2006 à 15:14 En réponse à : > Afrique : Le suffrage universel convient-il ?

      Votre article est surprenant et les questions que vous posez possèdent déjà pour vous les réponses !
      Institution- Pouvoir- Argent- Corruption- Parodie. Est-ce toujours inévitable ?
      C’est réducteur, trop facile, volontairement flou et peu technique.
      Quelles que soient les simulacres, vote démocratique et/ou vote restreint, chaque être humain possède le droit de penser et de choisir. De quel droit humain du "seigneur instruit" ou du « seigneur riche » optionnellement instruit doit-on supposer et affirmer qu’il existe des sous- cerveaux ? la pauvreté et l’analphabétisme est une plaie pour celui qui les vit, doit-on en plus y ajouter une incapacité au sens social, citoyen, une absence de générosité et de bon sens ?
      Quelle victoire humaine le droit de choisir ses dirigeants...même si on se plante.
      La peur paralyse. Prendre des risques d’ouverture citoyenne et installer dans le temps des institutions légales sont peut-être l’avenir de tout pays,non ? Mais remettre tout le temps en cause tout et n’importe quoi, les hommes comme les institutions, tout cela brouille la visibilité des avancées et leur ancrage. Peut-être est-ce un fait volontaire pour tout faire échouer ? Laissez un peu l’Europe tranquille parfois, recentrez-vous sur vos choix, vos grandes compétences,vos cultures,vos coutumes et vos défauts, vous verrez si vraiment vous y tenez tant à nous aimer ou détester !! vous avez les qualités et les compétences, des hommes de bonne volonté, et qui aiment leur nation, laissez du temps au temps, s’il vous plaît.
      Ôtez ce qui est acquit et vous verrez si une chape de plomb de trente ans au moins rend les hommes plus courageux, heureux et motivés. C’est vrai que pendant ces temps « bénis », on se partage les rôles et les richesses en toute discrétion...le partage est plus facile, restreint. Aimez-vous un peu et apprenez les mot confiance institutionnelle ; ça fait moins de déceptions que l’expression confiance humaine.
      Bonne continuation et bon courage
      Véronique

      • Le 7 septembre 2006 à 07:03 En réponse à : > Afrique : Le suffrage universel convient-il ?

        Je ne trouve pas votre appreciation de la 1ere reaction moins reductrice mais vous me repondrez sans doute que c’est la mienne qui est aussi reductrice. L’article du journal Le Pays, pose un probleme reel des democraties africaines en general et de la democratie Burkinabe en particulier. Les solutions de l’auteur de l’article ont au moins le merite d’etre portees a l’appreciation du publique. Je retiens (de facon reductrice peut-etre) de la reaction de Mr Soubeiga qu’il met l’accent sur la formation du capital humain. Nous pourrons epiloguer a longueur de journee, avec plus ou moins de technicite, mais la difference de niveau de developpement et de bien-etre humain entre la Suisse (qui est belle de ses montagnes) et la RDC, par exemple, scandaleusement riche de son sous-sol est eloquente.....Ce n’est pas davantage de tonne de coton qui sortira le Burkina de la pauvrete mais bien plus une meilleure education de ses filles et fils, i-e son capital humain....De facon generale, le mimetisme aveugle (plethore d’institutions sois-disant democratiquesqui fonctionnent comme on le sait) ne sauvera pas non plus le Burkina....
        Je suis sur que tous ceux qui interviennent ici, en depit des differentes tonalites des messages, souhaitent un lendemain meilleur pour notre cher Burkina. Peut-etre avons-nous donc interet a chercher d’abord dans les messages des uns et des autres d’abord les elements positifs a mettre en relief, cela hausserait le niveau des debats, les rendrait plus utiles et eviterait certainement de verser dans des critiques, qui en general, risquent de porter sur l’inessentiel. Merci. Kelgue.

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