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Lutte contre la pauvreté : Des vendeuses de briques “prêtent serment”

Publié le jeudi 31 août 2006 à 07h38min

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Dans la vie quotidienne, de nombreuses femmes s’illustrent parfaitement par cette bataille économique pour la survie de leurs familles qui montrent bien qu’elles constituent les vrais piliers de la société.

Pour cette remarque, on doit saluer le courage, le dynamisme et surtout cette prise de conscience qui ont animé la volonté de certaines femmes à Taabtinga à se battre aux côtés de leurs époux à un moment où la lutte contre la pauvreté est l’une des préoccupations de nos autorités politiques.

Depuis pratiquement dix ans, la colline de Taabtinga demeure cette véritable mine qui accueille tous les chômeurs du monde : charretiers, autres riverains de la colline aussi bien que ces déflatés de l’ex-Office national des barrages et de l’hydraulique (ONBAH) qui se sont retrouvés dans cette zone pour gérer autrement leur misère.

En quête de la pitance journalière, ils viennent y creuser la terre ou confectionner des briques en banco pour les revendre aux populations de cette zone non lotie. Un métier certes difficile, mais juteuse qui nourrit là-bas son homme.

Aujourd’hui cette activité que d’aucuns trouvent humiliante n’intéressent plus seulement que des hommes, mais aussi des femmes.

Avec cette paupérisation grandissante des populations, à Taabtinga, de nombreuses femmes sont actuellement guidées par cette volonté de se battre aux côtés de leurs époux dont la majorité sont des veilleurs de nuit ou ont perdu leur emploi.

Cet engagement responsable qui intervient à un moment où nos autorités politiques déploient toutes les énergies nécessaires pour éradiquer ce fléau, relève d’une prise de conscience qui est allée en grandissant, ces trois (3) dernières années. Puisque, c’est en 2003, à la faveur du lotissement de cette zone qui fait partie de la commune de Bogodogo que beaucoup de femmes se sont jetées dans la bataille avec la ferme détermination d’apporter leur contribution à la satisfaction des besoins vitaux de la famille. Comme elles-mêmes ont eu à le reconnaître, que embrasser ces genres d’activités n’est pas du tout aisé pour une femme, jeune fut-elle et visiblement fatiguée par les longues maternités.

Mais qu’en réalité, elle permet au moins de préserver la dignité féminine. Faisant allusion à celles qui font la mendicité et pire, la prostitution dans un monde où le Sida fait des ravages. Pour une femme, se battre de la sorte demande une prise de conscience, la volonté, le courage surtout et de ne jamais céder à la tentation des autres. « Moi, utiliser mes forces pour nourrir une famille pendant que mon mari est encore vivant ? Ça jamais ! C’est une vraie humiliation et moi, je ne tiens pas à toucher à mon intégrité féminine. Nos maris sont là pour quoi ? »

Ces propos d’une voisine qui sont de nature à nuire toute idée de développement n’ont pas pu faire fléchir ces dames qu’on a vite appelées à Taabtinga « une autre génération de femmes battantes ». Présentement dans cette bataille pour la survie, la colline de Taabtinga présente l’aspect d’un site aurifère. Coup de pioche par-ci, coup de pelle par-là, les femmes sont à l’œuvre tout en guettant bonnement les clients. Et il n’en manquait pas. Seulement avec ces grandes pluies du mois d’août, le marché a ralenti, mais dans cette activité juteuse où il y a toujours des surprises agréables, un bon marché peut prendre l’allure d’une fête.

Ce dimanche 20 août dans la matinée, c’est une commande de 800 briques qui a pu provoquer la satisfaction bruyante de ces vendeuses de briques âgées de 22 à 43 ans qui étaient devenues méconnaissables dans la boue. Si elles vous abordent avec une bonne dose de comédie, c’est peut-être pour surmonter tous les sentiments d’humiliation qui font partie des adversités de la vie.

Et pour ça, le même jour, tous ces éclats de rires témoignaient bien qu’il y aura encore quelque chose à mettre sous la dents. En temps normal, la brique coûte 25 F CFA, mais aujourd’hui elle ne coûte que 15 F CFA. Bien que le marché ne soit pas régulier, chaque femme confectionne 100 briques par jour. Ce qui donne un chiffre d’affaires de 45 000 F CFA par mois.

Ces économies permettent de s’acheter des vivres et de tenir la famille pendant plusieurs mois en attendant que le mari apporte aussi sa quote-part. Ce qui est très rare. La réalité, c’est que le gardiennage ne donne rien. La majorité des veilleurs de nuit à domicile ne touchent pas plus de 10 000 à 15 000 F CFA.

Avec cette somme, en cas de maladie, ils n’ont pas accès aux produits pharmaceutiques et ce qui est cruel, beaucoup ne bénéficient même pas s’une avance sur salaire. Dans ce métier, Ouagadougou est cette ville cruelle où beaucoup de ces démunis sociaux ont des difficultés à accéder au bien-être social et familial. Le dimanche dernier le seul homme qui a marqué dans les rangs des femmes est Salif Namoano.

Ce dernier, est un rapatrié de Côte d’Ivoire qui faisait partie des derniers survivants de la tuerie de Man (ville natale du général Guéi, assassiné). Celui-ci qui est rentré au pays avec sa famille les mains vides et surtout grâce à « l’opération Bayiri », peut toujours se réjouir dans sa misère. Le motif tant avancé est que lui au moins il a eu cette chance d’être toujours en vie pour se battre autrement.

Au milieu de cette petite communauté de femmes battantes qui force notre admiration, Namoano est aussi animé de cette réelle fierté de se battre. Le fugitif de Man, âgé de 36 ans, quand il évoquait son sort (avec certainement des larmes sur le cœur), il n’a pas pu s’empêcher d’avouer que « Satan » a une nationalité ivoirienne.

Et même si actuellement il gagne sa vie au bout de la pelle, il reste toujours optimiste quant à des lendemains meilleurs. En tout cas, si on doit avouer que tous ces sacrifices engagent la vie, les femmes dans cette bataille économique prêtent un véritable serment pour un développement économique et humain durable.

Atina LANKOANDE

Sidwaya

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