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Vrai-faux complot au Burundi : Le nouveau sport du prof d’EPS ?

Publié le mercredi 30 août 2006 à 07h53min

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Pierre Nkurunziza

Nous sommes bien vaccinés en Afrique pour savoir que quand on parle de tentative de complot, il faut rouler sa langue sept fois dans sa bouche avant de dire que c’est vrai. Pas que ceux qui ne sont pas aux affaires manquent d’ambition ou ne convoitent pas le pouvoir.

Mais que l’exécutif en place ait assez de tours dans son sac pour inventer un coup de force, qui paraîtrait si évident qu’il serait digne de servir de trame à un film d’aventure du côté d’Hollywood.

Cerise sur le gâteau, on n’aura même pas besoin de faire appel à un ingénieur en effet spéciaux, tant le scénario se suffit à lui-même. Pour dire qu’il y a de fortes chances que ce qui est arrivé au Burundi n’échappe pas à cette classification. Tout commença le 31 juillet 2006, quand Alain Mugabarabona, accusé de fomenter un putsch, pour le compte de son petit parti, dénommé Fnl-Icanzo, fut jeté en prison.

Etonnement d’une grande partie de la classe politique, particulièrement dans les rangs de l’opposition. Comme le sénateur Domitien Ndayizeyé (ne faites pas attention à la difficulté d’épellation des noms), ancien président de la république, qui lève les bras au ciel. Avec une rapidité administrative hors du commun, son immunité parlementaire a vite été levée et la police était hypervigilante, qui a vu le mouvement des ses mains, l’envoya aussi au cachot à côté du premier infortuné.

Ensuite, les services de renseignements arguèrent qu’en fait, le cerveau de l’affaire, c’est Hussein Radjabu du Cndd-Fdd...du parti au pouvoir (oui, vous avez bien lu). Aujourd’hui, ces déclarations sont jetées aux orties. Il est plutôt question de Willy Nyanitwe.

Le dernier pavé dans la mare, c’est le bond en arrière du premier arrêté, qui n’a pourtant pas été prof d’EPS dans une autre vie, mais qui jure la main sur le cœur qu’il n’en était rien et qu’il était obligé d’accoucher de ce coup d’Etat par la torture. Cette rebuffade est à prendre au sérieux, d’autant plus que le passé ne plaide pas aussi pour ce monsieur.

En effet, Alain Mugabarabona serait accusé par ses compagnons politiques d’avoir détourné plus de 600 millions de Francs burundais, octroyés par les Nations unies en guise de frais de subsistance et d’installation pour 22 cadres de son parti rentrant d’exil.

C’était à l’époque de la signature du cessez-le feu entre ce parti et le gouvernement. Ces fonds étaient gérés par l’ambassade sud-africaine et devaient être partagés à hauteur de 30.000 dollars US par personne. Il y a aussi quelque dix mois, il se serait même déguisé en vulgaire informateur des services de renseignement.

Enfin, en octobre 2005, il aurait dénoncé et fait arrêter cinq de ses compagnons politiques comme étant des collaborateurs du mouvement Palipehutu-FNL, d’Agathon RWASA. Pour beaucoup donc, Mugabarabona a voulu faire le jeu avec des services spéciaux pour se débarrasser de ses compagnons, afin de ne plus être inquiété sur les 600 millions détournés.

Alors qui croire ? Est-ce le pouvoir en place, qui fait la chasse à ses sorcières en voulant museler l’opposition ? ou s’agit-il d’un vrai complot qui se préparait ? Quoi qu’il en soit, il faut désespérer de cette fébrilité et de ces atermoiements des services de renseignements, le fameux service de Documentation de la police burundaise, pour ne pas le citer, qui arrêtent, emprisonnent et torturent presque à l’aveuglette. Pire, s’il s’agit d’un vrai-faux complot, c’est à désespérer de ces anciens opposants qui, une fois devenus califes, font pire que ceux qu’ils ont remplacés.

L’on serait tenté dans ces conditions de penser que l’ancien professeur d’EPS est en train de faire un bond en arrière et ce serait bonjour le retour des vieux démons. Pourtant, ce dirigeant, qui certes est issu de la rébellion, mais sur qui tous les espoirs portaient, n’a pas intérêt à danser sur ce volcan-là, lui qui a été le premier président élu depuis le début de la guerre entre les rebelles hutus et l’armée, débutée en 93 et qui a fait 300.000 morts. Si c’est cela la nouvelle discipline du maître du Burundi, l’on a le droit d’avoir la faiblesse de penser qu’il s’agit d’un sport hautement périlleux.

Issa K. Barry
L’Observateur Paalga

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