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Hausse du prix du kilowattheure : Quand la SONABEL noie ses clients dans le pétrole

Publié le lundi 28 août 2006 à 08h07min

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Les clients de la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL) ne se sont pas encore remis du coup de massue qu’on vient de leur asséner. Le jeudi 24 août 2006, le directeur général de l’entreprise Salif Lamoussa Kaboré a, en effet, annoncé, que pour compter du 1er septembre prochain, le prix de son kilowattheure (kWh) sera revu à la hausse (12,5% en moyenne) pour tous les clients, y compris les industriels, qui avaient été épargnés lors de la dernière augmentation.

Tant pis si nos coûts de production (au premier rang desquels ceux de l’énergie), qui ne sont déjà pas parmi les plus attractifs, vont s’aloudir davantage et se traduire en perte supplémentaire de compétitivité pour notre faible tissu industriel. C’est, nous a expliqué le patron des électriciens, la main sur le cœur et prêt à ouvrir ses livres de comptes aux partenaires sociaux si besoin est, le seul moyen, face au cour de l’or noir qui caracole à 75 dollars US et à la subvention plombée (il aurait fallu 22 milliards de francs CFA pour un baril à 75 dollars alors que l’Etat ne peut en donner que 15), pour continuer d’assurer convenablement (sans délestage) l’approvisionnement en électricité, tout en poursuivant le programme d’investissement et en tenant les engagements pris avec les PTF (partenaires techniques et financiers).

Comment ne pas être réceptif à cet argumentaire si c’est le prix à payer pour recevoir le précieux jus de la nationale d’électricité dans nos masures et lieux de travail ? Rien qu’à y penser, le rationnement auquel ont fini par s’habituer nombre de pays africains fait froid dans le dos. Il n’y a qu’à voir l’effet que fait ici une coupure de 30 minutes ou d’une heure pour s’en convaincre. Ça vaut donc peut-être le coup pour les ménages de supporter une tension supplémentaire de leur trésorerie.

Pour autant, la pilule n’est pas facile à avaler par des populations déjà saignées à blanc par la vie chère, qui oblige les syndicats à battre régulièrement le pavé pour demander aux autorités de desserrer un étau chaque jour plus étouffant. Ironie du calendrier social d’ailleurs, cette funeste annonce de la SONABEL est intervenue le jour même où les syndicalistes annonçaient officiellement qu’ils retournaient à la table de négociations avec le gouvernement. Le dialogue, on s’en souvient, avait été rompu le 5 mai 2006, dès le lendemain de son ouverture, après la nième augmentation du prix de l’essence.

Depuis, il a fallu que le Conseil économique et social (CES) et d’autres bonnes volontés fassent les bons offices pour recoller les morceaux. Et maintenant qu’ils sont revenus à de meilleurs sentiments, on leur donne une nouvelle cause de fronde. Il faut reconnaître que la situation devient chaque jour plus insupportable pour les petites gens, aux revenus sont plombés alors qu’ils subissent de plein fouet le renchérissement du coût de la vie, dont le récent réajustement tarifaire n’est que le dernier avatar. En attendant celui, autrement plus vital, de l’eau ? En tout cas au point où on en est, plus rien ne peut nous étonner.

Que la guerre en Irak, le conflit Israël/Hezbollah, le problème du nucléaire iranien, la baisse constante des réserves pétrolières et, dans une moindre mesure, le siphonnage itératif des pipe-line nigérians tirent le prix du brut, lentement mais sûrement, vers les 100 dollars, on veut bien comprendre ces donnes internationales face auxquelles Salif Kaboré ne peut rien (si ce n’est noyer ses abonnés dans le pétrole), pas plus d’ailleurs qu’Hubert Yaméogo de la SONABHY. Mais la raison d’être d’un gouvernement, vis-à-vis duquel il faut être raisonnable en demandant l’impossible, c’est de pouvoir limiter les dégâts, surtout quand c’est le plus grand nombre qui trinque.

A l’évidence, c’est trop demander à ces grands messieurs et dames de couper leurs cheveux en quatre pour amortir le choc pétrolier. Mais, pouvait-on s’attendre à autre chose que ça ? Pour paraphraser un Sénégalais parlant d’Abdou Diouf à la fin de son long règne (gouverneur à 26 ans, Premier ministre pendant une décennie et président 20 ans durant), Blaise Compaoré, qui n’a certainement pas vu la couleur d’une facture d’eau, d’électricité ou de téléphone depuis une trentaine d’années et qui ne connaît, sans doute pas, depuis la même période, le prix d’un litre de super ou de gazole, peut-il comprendre le désarroi de ses concitoyens pressés comme un citron ?

Il faut cependant faire attention à ce que le seuil de tolérance ne soit pas franchi, car nos voisins ivoiriens nous l’enseignent bien, un "cabri mort n’a plus peur de couteau". De ce point de vue, plus que les affaires pendantes, les dossiers brûlants et les cadavres dans le placard, le plus grand danger qui guette le régime actuellement est le front social. En ont-ils réellement conscience, les barons aux affaires (dans tous les sens du mot) qui se complaisent dans le lucre tout en faisant mine de comprendre et de régler (par des mesurettes cosmétiques) les misères du petit peuple des villes et des campagnes ? On peut en douter sérieusement, même si, contrairement à ce qu’affirme le DG de la SONABEL, les Burkinabè ne sont pas trop exigeants. Ils veulent juste le minnimum vital et de confort, pas le luxe insultant de ces fazendas et de ces grosses cylindrées qui côtoient la misère crasse. Vous souvenez-vous de cette pluie de milliards qui s’est déversée sur la patrie des hommes intègres (un pays pauvre très endetté, semble-t-il), le temps d’une campagne à l’américaine pendant qu’on demandait aux pauvres hères de serrer la ceinture jusqu’au dernier cran ?

Nous l’avons déjà écrit dans ces mêmes colonnes au lendemain de la présidentielle de novembre 2005, ce quinquennat sera social ou ne sera pas et le tout n’est pas de gagner une élection avec un score introuvable, bien qu’"à hauteur d’homme", juste pour régner, mais de trouver rapidement des solutions aux problèmes qui assaillent quotidiennement les Burkinabè. Force est de reconnaître qu’on en est loin pour le moment.

Voyez vous-même : un litre de fuel qui tend inexorablement vers la barre fatidique et psychologique des 1 000 francs ; des frais de scolarité qui grimpent ; SOTRACO qui veut arrêter de rouler à la veille de la reprise des classes parce qu’elle ne tient plus... la route ; le prix du kilowattheure qui grimpe... que demander de plus dans ce Burkina où il fait bon vivre, en tout cas pour cette engeance politico-économique qui ne sait pas qu’"ici au Faso, la vie est dure" ?

Que voulez-vous ? C’est bien connu, on ne réfléchit pas de la même manière selon qu’on vit dans un château ou dans un taudis, selon qu’on est au palais de Kos-Yam, dans un ZABRI (1) à Ouaga 2000, à la "cité de l’impunité à Somgandé ou dans la fange de Rimkièta ou de Katr-Yaar ! Attention tout de même à ne pas trop tirer sur la corde et à se souvenir que la roche Tarpéienne n’était rien d’autre que l’extrémité sud-ouest du Capitole.

(1) Zone d’Aménagement de Bunkers et de Résidences Inaccessibles.

Observateur Paalga

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