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Côte d’Ivoire : L’opposition tacle enfin Gbagbo !

Publié le lundi 21 août 2006 à 07h36min

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Dans l’une de nos précédentes éditions, nous affirmions que la réplique musclée, sinon armée des Jeunes Houphouétistes aux Jeunes Patriotes était la meilleure arme efficace pour rétablir l’équilibre de la terreur et calmer le jeu en Côte d’ivoire. Sur ce point, les Forces nouvelles ne se sont jamais fait d’illusions.

La récente réponse du berger à la bergère des Jeunes Houphouétistes semble avoir produit ses effets. Les Jeunes Patriotes n’écument plus, de manière anarchique et en toute illégalité, les rues d’Abidjan et des autres villes de l’intérieur, sans désormais regarder en face. De même, finis les propos guerriers et incendiaires que distillaient Blé Goudé et sa soldatesque formés on ne sait dans quelle académie militaire.

Pendant que les Jeunes Houphouétistes se débattaient apparemment seuls, ils faisaient le lit de l’engourdissement des opposants non armés, plus occupés à faire des calculs politiciens dans les états-majors des partis politiques. Aujourd’hui, ils viennent de donner de la voix. Se sont-ils finalement rendu compte qu’avec Laurent Gbagbo, il ne faut pas seulement se contenter de tirer le vin sans aller jusqu’à la lie ? On peut le penser car, ils ont suffisamment donné des coudées franches à Gbagbo pour les manoeuvrer et même les ridiculiser.

C’est peu dire qu’ils ont souvent adopté la posture d’opposants de salon et naïfs face à un président qui entonne des hymnes à la légalité tout en utilisant des moyens illégaux par Jeunes Patriotes interposés pour asseoir et consolider son pouvoir. Même l’opposition parlementaire n’a pas échappé au piège d’un président qui fait tout pour sacrifier les intérêts de l’immense majorité des Ivoiriens qui ont déjà payé le plus lourd tribut de cette situation sur l’autel de sa soif de pouvoir. Gbagbo ne s’en est jamais d’ailleurs caché.

Face à tant d’épreuves physiques et morales subies par de nombreux Ivoiriens dont ils se réclament, les opposants n’avaient pas toujours donné l’impression d’avoir compris qu’il ne fallait pas caresser Gbagbo dans le sens du poil, encore moins se laisser appâter par des considérations purement matérielles et domestiques. Or, les députés de l’opposition, après avoir déclaré illégitime le pouvoir de Gbagbo, sont revenus dans l’hémicycle pour des raisons purement tube-digestivistes, alors que cette institution a été de fait dissoute par la Résolution 1633 du Conseil de sécurité de l’ONU.

Gbagbo a su politiquement exploiter ces incohérences et en a tiré les conséquences qui en découlent, à savoir des parlementaires-éponges prêts à troquer les intérêts de leur électorat contre les espèces sonnantes et trébuchantes que leur procure leur mandat. De telles compromissions ne pouvaient qu’encourager Laurent Gbagbo à croire que tout lui était permis. N’ayant jamais eu sur le terrain, de contradicteurs en dehors de ceux qui se complaisaient dans de verbales dénonciations de sa politique, Laurent Gbagbo ne s’inquiétait jamais de s’écarter des consignes de la feuille de route tracée par l’ONU.

Bien au contraire, sa capacité nocive de noyer ses adversaires est aujourd’hui telle que certains se demandent si le Premier ministre investi de tous les pouvoirs que lui a conférés l’ONU et en qui tout le monde avait placé ses espoirs, n’est pas en train de s’enliser pour enfin rejoindre, comme son prédécesseur, Seydou Elimane Diarra, le musée des reliques de l’histoire de la Côte d’Ivoire que Laurent Gbagbo a érigé pour enterrer ceux qui ont eu l’ambition de lui retirer une parcelle de son pouvoir.

Pourtant, Charles Konan Banny avait démarré sa mission sur des chapeaux de roue, à la satisfaction de tous ceux qui ont le souci de voir la Côte d’Ivoire enfin retrouver sa place de vitrine de l’Afrique de l’Ouest et au- delà. Si Konan Banny échouait dans sa mission, il ne devrait l’attribuer, non à la non- visibilité de la feuille de route accompagnée de toutes les balises tracées par la communauté internationale, mais plutôt à la manière dont il a voulu slalomer avec Laurent Gbagbo qui, en mauvais éclaireur, a tout fait pour déboulonner tous les poteaux indicateurs menant à la bonne destination.

En homme d’expérience, à l’abri de l’indigence, qui joue avant tout sur son propre avenir politique et qui n’a rien à perdre et tout à gagner, Banny devrait se ressaisir en s’inspirant de l’amère expérience de son prédécesseur, et comprendre que tout compagnonnage avec Gbagbo est suicidaire. En homme de caractère, il a le choix entre affronter Gbagbo, l’homme qui a suffisamment montré son vrai visage, ou composer avec un homme rétif à tout dialogue, quitte à rendre le tablier s’il se sentait abandonné.

A la décharge de Banny, il n’avait, jusqu’à présent, bénéficié, que du bout des lèvres, de l’appui de l’opposition plus préoccupée à faire des pronostics sur ses chances de remplacer Gbagbo. Encore faut-il que l’élection présidentielle ait lieu face à un président sortant qui joue sur les contradictions de ses adversaires pour gagner du temps.

La récente sortie de l’opposition , à travers le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), sonne comme une radicalisation de ses positions et pourrait servir de point d’appui au Premier ministre (il en avait besoin) pour conjurer les démons que Gbagbo a placés sur le chemin du règlement de la crise.

A la communauté internationale de prendre acte de la nouvelle attitude ferme de l’opposition qui représente la majorité des Ivoiriens et d’agir en conséquence. Pour l’opposition en effet, Laurent Gbagbo n’est pas qualifié pour désigner les magistrats pour les fêtes foraines, encore moins pour en définir les modalités comme la non-délivrance des certificats de nationalité.

Par ailleurs, l’opposition enfonce le clou en estimant que la Constitution n’autorise pas Gbagbo à se maintenir au pouvoir au-delà du délai défini par la Résolution 1633. En lançant un ultimatum à Banny pour, dans une semaine, se conformer aux dispositions consensuelles quant au règlement de la crise, on espère que l’opposition assortira cette injonction de mesures d’accompagnement et surtout d’engagement sans calculs politiciens en faveur du Premier ministre.

Ce qui est sûr, c’est que Laurent Gbagbo, sans s’en apercevoir, a tiré l’opposition de son sommeil. Il a peut-être commis l’erreur de franchir le rubicond en confondant message à la Nation à l’occasion de l’indépendance de la Côte d’Ivoire et discours de campagne. Cet amalgame pourrait lui coûter cher, car à force de tisser des toiles, l’araignée finit par se faire prendre à son propre piège.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 20 décembre 2010 à 10:31, par René Lefebvre En réponse à : Côte d’Ivoire : L’opposition tacle Gbagbo, quel ideologue sera le prochain ?

    Remplacer Gbagbo
    Plébiscité par ceux qui trouvent Gbagbo dérangeant, la Cote d’Ivoire vient de trouver son chef de file remplaçant, celui qui demandera à la communauté internationale de prolonger les mandats de l’Onuci et des forces françaises.
    Gbagbo s’est fait enfumé, il tape du point sur la table, il réclame indépendance et justice, mais il n’a jamais tenu réellement en main les rênes du pays.
    La France était là avant Gbagbo, elle y sera après, encore et encore.
    A quand les prochaines futilités visant à remplacer le remplaçant du remplaçant ?

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