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Inhumation du père de Thomas Sankara : "Vieux" Joseph aux côtés de son épouse

Publié le vendredi 11 août 2006 à 07h43min

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Le 4 août 2006, aux environs de 7h du matin, mourait le vieux Sambo Joseph Sankara, père du président Isodore Thomas Sankara, à la clinique Saint Jean. Cette date, d’aucuns l’avaient trouvée révélatrice, un signe fort. Sambo Joseph Sankara a été accompagné à sa dernière demeure, aux côtés de son épouse, le 10 août dernier. Une foule nombreuse est venue lui présenter ses adieux.

"Les morts ne sont pas morts", a-t-on coutume de dire. L’image du vieux Sambo Joseph Sankara reste à jamais gravée dans les mémoires. C’est un monde fou qui l’a accompagné à sa dernière demeure. Parents, amis et connaissances sont venus dire "au revoir à celui qui a été le papa de tous, un grand rassembleur, un homme de foi, de pardon et d’amour."

C’est une cour grouillante de monde que nous avons trouvée à notre arrivée. Il fallait bousculer pour se frayer un passage. 14h05mn : la levée du corps. La foule se dirige vers l’église de Dapoya pour l’absoute. 40 minutes après, elle avait atteint l’enceinte de l’église, soit à 14h45. Débutée à 15h, la messe a pris fin à 16h20, et c’est le retour au domicile où devait être enterré le défunt.

A quelques encablures de la maison, les parents à plaisanterie du vieux Sambo exigent qu’on leur sorte le corps du corbillard. Ce qui est vite fait, à leur grande joie. Toutes les cinq minutes, ils le déposaient pour danser et chanter en choeur autour du cercueil. "Ah le pauvre ! Il va voir aujourd’hui", criaient des voix dans la foule. Cette ambiance a duré une bonne vingtaine de minutes.

En tout, le corps du vieux a fait quatre escales avant d’atteindre le domicile. A chaque arrêt, c’était le même scénario, on chante, on danse, on crie, on tape des mains. Et que dire de ceux qui se plaisaient à tirer des coups de feu en l’air, effrayant parfois des gens dans la foule ?

Aux environs de 17h, le vieux était enfin devant sa porte. Suivie la bénédiction de la tombe. Là encore, les parents à plaisanterie ont manifesté leur présence. "Ça ne peut pas se passer comme ça", s’exclamaient-ils. Tout à coup, un homme saute dans la tombe et refuse d’en sortir tant qu’il n’est pas payé. On lui tend un billet de 1 000 F qu’il refuse, un billet de 2 000 F CFA. Son refus est catégorique. C’est avec force qu’il sortira de la tombe. Il fallait lutter pour voir ce qui se passe dans la cour.

Vers 18h moins, le corps du vieux avait enfin en accès à la tombe. Auparavant, des anciens combattants, ses frères d’armes, ses amis et sa famille lui présentèrent leurs adieux.

De toutes les oraisons funèbres que nous avons entendues, certains qualificatifs revenaient fréquemment : homme de bonne moralité, courageux, travailleur, irréprochable. Pour les anciens combattants, papa Joseph a servi la France et le Burkina avec dignité. "Il s’en est allé, mais son ombre restera toujours avec nous", a déclaré sa famille. Et d’ajouter : "Transmet nos salutations à tous ceux qui vivent dans le Royaume de Dieu, Thomas, Elisabeth... Merci et au revoir. Merci pour ce que tu as été pour nous."

"Le hasard fait le journaliste", disait un de nos confrères. Et comme ce hasard fait bien les choses, nous avons rencontré des proches du défunt président Thomas Sankara, notamment Famoro Ouattara, le responsable de la sécurité à la Présidence du Faso dans les années 83-87. L’homme refusa de parler quand nous avons tendu notre micro. "J’ai un droit de réserve", a-t-il déclaré. Avec lui, Mathurin Kambou, à l’époque chef du département Maison, et Issaka Nacro, chef du département Infrastructures. Sans oublier les anciens ministres et députés, toutes ces personnalités non moins importantes. Sauf par inattention, nous n’avons noté la présence d’aucun membre du gouvernement. L’épouse de Thomas Sankara et ses enfants étaient aussi absents. Sûrement pour des raisons de sécurité.

e je fasse un long temps sans passer. Pour la petite histoire de son décès, j’ai eu à le confier à un traumatologiste à l’hôpital pour lui enlever son clou au niveau du genou. C’est quelque chose qui survient lors d’un accident et qu’il faut enlever à un moment donné. Mais du fait que ce clou est resté pendant longtemps, il a fait des complications. Et le vieux en a vraiment souffert. A la limite on se demande si ce n’est pas ça qui a causé son anémie.

Pour dire, le vieux a vraiment été fort parce que tenir à cet âge avec une telle maladie il faut être fort pour le faire. Ce qui m’a surtout fasciné, c’est quand on a voulu lui enlever ce clou en salle d’opération. On a pensé que ce serait une affaire de 5 minutes, mais le vieux a supporté une anesthésie d’au moins deux à trois heures. Je disais au médecin que cet exemple était à graver dans les annales de la médecine.

Après ça, il a continué de faire des moments d’anémie, ce qui lui valait souvent des hospitalisations pour des transfusions sanguines. A plusieurs reprises, il est passé à la Polyclinique du centre où j’exerçais à mes heures perdues, et c’est le médecin-colonel Sérémé qui s’occupait de lui et l’hospitalisait. On s’arrangeait toujours pour lui passer le sang.

Il y a environ un mois, je suis passé pour lui apporter des fruits, mais j’avais trouvé qu’il s’était un peu "enfoncé". Les questions qu’il posait n’étaient pas cohérentes. J’ai compris que le vieux avait des problèmes. Le 4 août, au tour de 9h, j’ai reçu un appel téléphonique du médecin-colonel Sérémé. Il me demande si c’est bien moi. Et j’ai répondu que oui. Je lui ai posé la question : "Mais pourquoi cette interrogation ?". Il m’a répondu qu’il voulait vérifier parce qu’il avait une mauvaise nouvelle pour moi. C’est là qu’il m’a dit que le vieux n’était plus.

J’ai ensuite demandé leur position, et il m’a répondu qu’ils sont à St Jean et qu’il me fallait trouver une équipe pour faire le formol. Je lui ai demandé de me trouver deux flacons pour le formol et de prendre les dispositions pour que l’état du corps ne se dégrade pas davantage et que j’arrivais. C’est après qu’il m’a informé que le corps était amené à la maison, et j’y suis venu faire le nécessaire. Par la suite, le corps a été gardé en chambre froide, en attendant les enfants qui devaient venir de l’extérieur.

Il faut dire que nous perdons un papa, et comme il est écrit que papa est parti et que les morts ne sont pas morts. Le fait de mourir un 4 août est un signal assez fort que nous serons valorisés. C’est dommage parce qu’il était un de nos vieux qui nous restait. C’est avec peine que nous avons accueilli cette nouvelle. C’est vrai qu’il était d’un certain âge mais il était un réconfort pour nous les sankaristes.

Propos recueillis par Jacques Théodore BALIMA (Stagiaire)

Le Pays

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