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Festival "Ciné droit libre" : « Ce n’est pas Blaise qui sélectionne nos films »

Publié le vendredi 11 août 2006 à 07h28min

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La 2e édition du festival Ciné droit libre a eu lieu à Ouagadougou du 13 au 16 juillet 2006. Nous avons échangé avec Luc Damiba, un de ses hommes d’orchestre, pour savoir comment ce festival a été vécu et quels sont les problèmes d’organisation rencontrés.

Dans cet entretien, il réaffirme que le film de l’Ivoirien, Sidiki Bakaba, "La victoire aux mains nues" n’a pas été censuré. Il déclare aussi que l’association SEMFIMLS, initiatrice de ce festival se battra pour sa pérennisation.

La 2e édition de Ciné droit libre vient de se tenir à Ouaga, quel bilan en tirer ?"

• Je crois que c’est d’abord une satisfaction morale qui nous anime au regard de la participation du public à un festival de ce genre. En initiant le festival en 2005 nous nous demandions si les Burkinabè et même les étrangers allaient s’y intéresser.

Le Fespaco ayant pris son envol et son assise à Ouaga, un "festival paria" ne pouvait pas, pour nous, se tenir et connaître un tel engouement. La première édition avait enregistré au total 3 000 participants et cette année toutes les salles étaient pleines aussi bien au CCF qu’à l’amphi B de l’université de Ouagadougou.

Cela voudrait-il signifier que vous avez atteint vos objectifs ?"

• Tout à fait, parce que sur une vingtaine de films programmés, c’est seulement deux que nous n’avons pu présenter. Il faut dire que beaucoup de ces films venaient juste de sortir. Ça été un défi pour nous de pouvoir les faire venir en Afrique.

En somme, nous pouvons conclure que nous avons atteint pleinement nos objectifs parce que les films étaient là, le public a bien répondu présent et il y avait les débats après chaque projection. C’est cela aussi la particularité de ce festival : susciter des émotions, des débats...

Quels ont été les moments forts de ce festival ?

• Premièrement il y avait à l’ouverture le film "Sister in law" qui abordait les questions de divorce, de violences faites aux enfants et aux femmes, les questions de justice aussi parce que c’est une histoire de deux acteurs de la justice, une avocate et un procureur qui se sont mis au côté des plus faibles. Il y a eu beaucoup de débats. L’autre moment fort a été la soirée ivoirienne.

On a pu avoir sur un même plateau des protagonistes de la crise ivoirienne, les uns sont avec les Forces nouvelles et les autres avec le camp de Gbagbo. Vu la sensibilité de ce qui se vit en Côte d’Ivoire, ça été un moment particulier. Le troisième moment fort a été la projection à l’université des films "Et si Latif avait raison" et "Mobutu Roi du Zaïre". Avec la présence des réalisateurs, le débat était vif.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?"

• La première difficulté a été la programmation. Ça fait la deuxième fois que nous avons un film qui a des difficultés de passer dans la programmation normale. Mais Ça se comprend parce qu’on a des partenaires avec lesquels nous travaillons et donc il y a des choses qui ne dépendent pas toujours de nous.

Par exemple, le film de Sidiki Bakaba, "la victoire aux mains nues" (1) n’a pu être programmé. Le réalisateur qui est un Ivoirien a organisé une conférence de presse pour dire que son film a été censuré. Or ce n’était pas de notre fait. Il a donc fait des amalgames d’abord entre le CCF et le festival qui est l’initiative d’une association, SEMFIMLS.

Ensuite il a aussi fait des amalgames entre le festival et l’Etat burkinabè représenté par son président Blaise Compaoré. Il a voulu dire que c’est l’Etat burkinabè qui a censuré son film alors qu’il n’en est rien du tout. L’Etat n’intervient pas dans la sélection de nos films. Nous sommes désolés pour ça, la seule explication qui sied c’est un problème de partenariat.

Le CCF a trouvé que le film est anti-français et nous a demandé de le diffuser ailleurs. Nous étions au début et comme tout était programmé, il nous a été difficile de trouver une autre salle pour programmer le film. Une lettre a été envoyée au réalisateur, lui expliquant clairement ce qui s’est passé. L’autre problème que nous avons eu c’est du côté technique. Nous avons annulé deux films pour cette raison.

On a tendance à dire que vous projetez "des films qui dérangent"

• Il y a beaucoup de gens qui ont fait une confusion en pensant que nous ne sélectionnions que des films censurés. Ce n’est pas le cas. Nous sélectionnons prioritairement des films qui abordent des thématiques sur les droits de l’homme et la liberté de la presse. Voilà notre premier objectif. De ce fait, Ciné droit libre n’est pas un festival paria.

Mais il est évident que lorsqu’un film aborde les questions des droits de l’homme et de la liberté de la presse, il devient très sensible et dérangeant quelque part. Sur les 20 films programmés, c’est vrai qu’il y en a qui sont censurés dans certains pays.

C’est un élément qu’il ne faut pas perdre de vue certes, mais ce n’est pas une raison pour dire que le festival est subversif. Nous voulons tout simplement à travers ce festival permettre aux Burkinabè de voir des films que peut-être ils ne pourront voir ailleurs.

C’est le cas par exemple des films, "Sida le doute", "Et si Latif avait raison", "Sister in law", "Guantanamo". Ce sont des films qui suscitent le débat et le credo du festival c’est ça : "un film, un débat" c’est-à-dire pousser les gens à la réflexion, à l’action. Si vous regardez un film comme "Bori bana" sur l’affaire Norbert Zongo, vous avez envie de savoir quelle suite on donne à cette affaire. _Entretien réalisé par

Evariste Barro
Christophe Tougri(Stagiaire)

Note :

(1) Il s’agit du film qui retrace les affrontements entre la Force française LICORNE et les Jeunes patriotes à Abidjan en novembre 2004

Observateur Paalga

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