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Tchad : Deby Itno dans l’arène des Timoniers

Publié le mercredi 9 août 2006 à 08h02min

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Idriss Deby Itno

Réélu le 3 mai dernier avec 64,67% des suffrages exprimés, Idriss Deby Itno (IDI) a été investi officiellement hier mardi à Djamena, en présence de certains de ses homologues de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et de Me Abdoulaye Wade, qui va jouer au facilitateur dans la crise entre le Tchad et le Soudan.

Contre vents et marées donc, l’ex-com-chef de Hissene Habré est allé à la présidentielle (boycottée par l’opposition), s’est fait plébisciter et a donc pris sa chose, face à une communauté internationale versatile qui souffle le chaud et le froid.

Lorsque Deby charcuta la constitution en 2005 pour pouvoir rempiler pour un troisième mandat, cette communauté a crié au tripatouillage et a brandi l’épouvantail du sevrage économique ou encore implicitement, celui du coup de pouce aux rebelles tchadiens et soudanais, qui en veulent à son fauteuil. Las ! L’âme du militaire ou plutôt la soif du pouvoir prit le dessus et lui dicta de ne point céder d’un iota.

Parvenu donc au pouvoir par les armes en 1990, élu en 1996 et réélu en 2001, Deby Itno veut le pouvoir à vie et semble avoir les moyens de sa politique. Il a les armes et bénéficie de la bienveillance de la France, qui, ici comme souvent ailleurs, étale une politique africaine à deux vitesses en apparence, mais qui ne trompe pas : le maître de N’Djamena est bel et bien un protégé de l’Hexagone.

Excepté celle de Djibouti, la base française qui se trouve au Tchad est la plus importante d’Afrique. La "Salve pour signifier aux rebelles de ne pas s’en prendre aux Français", lancée en avril dernier, est assez limpide sur la position de l’ex-métropole au pays de François Tombalbaye. Il faut dire que ce louvoiement des partenaires a une odeur de pétrole, car le Tchad, de nos jours, regorge d’or noir et tous les pays pétroliers sont des poules aux œufs d’or qu’il faut préserver, quitte à y maintenir un roitelet au pouvoir.

Il n’est pas jusqu’aux institutions de Bretton Woods notamment la Banque mondiale qui n’aient eu un comportement plus que mitigé à l’égard de Deby. Brandissant le bâton, la Banque mondiale s’était montrée ensuite intransigeante, en bloquant les avoirs pétroliers du Tchad "destinés aux générations futures" à Citybank (à Londres).

Deby voulait les reprendre pour acheter des armes afin de repousser des rebelles qui s’approchaient des faubourgs de N’Djamena. Puis en dernier ressort, la World Bank revisa sa position et tendit une oreille attentive au chef de l’Etat tchadien.

En se réinstallant donc dans le fauteuil sur lequel il trône depuis 16 ans, pour un mandat de 5 ans, Idriss Deby Itno achève de convaincre que l’indignation sélective de la Communauté internationale est une réalité, mais surtout, que les dictatures africaines vernies avec une légère couche démocratique vont encore couler des jours sur le continent.

Ayant ainsi conservé son pouvoir, que peut et va faire Deby ? Conscient que ce que les Russes appellent "la politique de la terre brûlée" est à la longue inopérante, Itno essaie de ne pas s’aliéner l’amitié de tout le monde. C’est cette lecture première qu’on peut faire de son initiative de prendre langue avec Omar El Bechir, le président soudanais. On se rappelle qu’en avril dernier, Deby, qui était à couteaux tirés avec le Soudan, avait rompu les liens diplomatiques d’avec ce pays.

On sait également, que cette "belligérance entre les deux pays avait joué sur la non-élection d’El Bechir à la présidence de l’U.A". L’Organisation panafricaine avait préféré Sassou III comme une solution consensuelle. Il essayera, sans doute aussi, d’amadouer davantage les partenaires du Tchad (USA, France, Grande-Bretagne) afin de préserver son pouvoir. C’est certainement dans cette perspective qu’il faut situer aussi sa volte-face à l’égard de Taïwan, pour se tourner vers la Chine de Pékin, avec laquelle le Tchad a renoué des relations diplomatiques le 6 août dernier.

N’empêche que même si Deby s’entoure de toutes ces "portes de protection", son actuel septennat reste celui de tous les dangers. Les partisans de Mahamat Nour n’ont pas dit leur dernier mot, sans compter les rebelles du Scud. Pour tous ceux-ci, il n’y a qu’un seul objectif qui compte : chasser Deby du pouvoir. Un Deby qui sait que le scénario d’avril 2005 va se répéter avec une grande inconnue : pourra-t-il encore repousser la horde ? Pourra-t-il compter sur la France ? Rien n’est sûr, les alliances et les amitiés en politiques se font et se défont au gré des intérêts et des circonstances. Le Machiavel tchadien ne l’ignore pas.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

Observateur Paalga

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