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Niger : La pauvreté comme destin ?

Publié le mardi 8 août 2006 à 08h39min

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Mamadou Tandja

Au Niger, l’heure ne semble pas encore aux discussions franches entre le gouvernement et les acteurs du mouvement contre la vie chère. Face aux différentes manifestations de protestations d’associations, d’ONG et de syndicats pour dénoncer la pauvreté extrême dans laquelle vivent les Nigériens et réclamer un meilleur accès aux services sociaux, le pouvoir n’a trouvé d’autre réponse que la sourde oreille, s’il ne réprime pas les leaders du mouvement.

Les arrestations sont de ce fait le lot des meneurs qui osent braver la tranquillité des dirigeants depuis mars 2005, date à laquelle la crise sociale a commencé.

Rien que mardi dernier, la Coalition contre la vie chère et la Coordination démocratique de la société civile ont à nouveau décrété une opération "pays mort" pour revendiquer une baisse des prix des hydrocarbures, de l’électricité, de l’eau, des frais médicaux et de scolarité. Ce climat conflictuel n’arrange en rien un pays déjà exsangue, classé par le PNUD au dernier rang du développement humain durable.

La tension permanente qui s’est installée depuis plus d’un an ne peut que fragiliser l’économie nigérienne qui a besoin de stabilité pour prospérer. La question est de savoir s’il faut incriminer l’intransigeance des acteurs sociaux qui luttent contre la vie chère ou l’Etat qui ne montre pas une réelle prédisposition à la négociation.

En tout état de cause, la dernière trouvaille du gouvernement n’est pas faite pour décrisper l’atmosphère. Après avoir tourné les syndicats et ONG pendant plusieurs mois, il n’ a trouvé mieux à faire que de les envoyer discuter directement avec les responsables des principales entreprises du pays. Une façon assez grotesque et bien peu subtile de vouloir se débarrasser de son vis-à-vis.

En rejetant la patate chaude entre les mains des patrons, les autorités usent de manœuvres de diversion puisque la solution devrait d’abord provenir d’elles, quitte à en confier la mise en œuvre pratique aux techniciens. Certes, les pays africains sont devenus des champions du tout libéralisme-et veulent même être plus royalistes que les rois du capitalisme international-mais est-ce pour autant qu’ils doivent fuir leurs missions régaliennes ?

Dans le cas nigérien, il est clair que cette formule frise le mépris des travailleurs en lutte, qui ne peuvent rien attendre des dirigeants de sociétés qui, eux-mêmes, reçoivent leurs consignes des autorités. D’ailleurs, le gouvernement de Hama Amadou a toujours fait preuve de raideur face à tous ceux qui osent exercer leur droit à la revendication ou à la critique. Les nombreuses atteintes à la liberté de la presse dans ce pays sont l’une des manifestations de cette frilosité.

Le directeur de publication et le directeur de la rédaction de l’hebdomadaire « Le républicain » en font l’amère expérience depuis le 4 août dernier : ils ont été jetés en prison pour « propagation de fausses nouvelles et diffamation contre l’Etat du Niger ». Au-delà donc du bras de fer qui l’oppose au mouvement sociopolitique contre la vie chère, le pouvoir est en réalité allergique à toute forme de contestation.

Et comme tous les régimes autoritaires qui se prévalent de la légitimité que leur a octroyée le suffrage universel, il n’hésite pas à user, au besoin, de la violence, pour briser les velléités de revendication qui sont vite assimilées à de la subversion.

L’autre arme que l’on aime à sortir quand on est acculé, c’est d’ameuter ses militants pour organiser des contre-manifestations afin de faire une démonstration de force. Le parti au pouvoir a également utilisé cette stratégie pour délégitimer le mouvement social.

Bref, le Niger est ainsi pris en otage du fait de calculs politiciens égoïstes de dirigeants plus préoccupés à conserver leur fauteuil qu’à régler les problèmes des citoyens. Dans cette partie de ping-pong, le peuple nigérien demeure, comme c’est toujours le cas, le plus grand perdant. Il n’a que ses yeux pour pleurer, en attendant d’avoir des dirigeants réellement au service de ses intérêts.

Au lieu de prendre le taureau de la déliquescence de l’Etat par les cornes, les dirigeants nigériens ont parfois pratiqué la politique de la fuite en avant en retardant ainsi des solutions à des problèmes qui ne peuvent que s’aggraver.

Le Pays

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